Et si Sartre, dans son existentialisme, avait tout faux, si tout son système n'était qu'un mensonge, un raisonnement protecteur dont il ne pouvait se passer, dont il avait besoin pour vivre? La séparation entre animaux et êtres humains, les uns libres et les autres déterminés parce que seuls les hommes se font eux-mêmes librement (l'existence précède l'essence) est un postulat métaphysique. Sartre ne dépasse pas Kant sur ce point. On ne peut valider le libre-arbitre que pour raisons pratiques, et même l'impression subjective de la liberté ne signifie et ne prouve pas qu'on est libre, comme l'ont exposé La Mettrie, Spinoza ou Hume.
Pour Sartre, prétendre le contraire, c'était nier sa responsabilité, être de mauvaise foi. Il se pourrait en fait qu'il ne pouvait affronter la possible réalité, le postulat contraire d'un déterminisme total, et que, faute de la puissance nécessaire ou de l'équilibre psychologique pour vivre avec cela, il fut poussé sa vie entière à édifier un système avec la liberté au centre comme obsession.
Plus il allait, plus il prenait en compte les déterminismes sociaux et structurels, comme la guerre, l'économie, qui contraignent l'individu, et plus ses tentatives d'harmoniser dialectiquement existentialisme et contraintes situationnelles se compliquaient, s'avéraient impossibles (La critique de la raison dialectique).
Et, si, finalement, Sartre, niant également certaines avancées de la psychanalyse, en restant fondamentalement Cartésien, avait triché toute sa vie avec lui-même, avait, bien davantage que le garçon de café, été de mauvaise foi, et si toute sa philosophie dans sa version existentialiste était fondée sur une faiblesse?