Journal intime d’un dément suite
La philo m’empoisonne, en ce moment, l’existence. J’ai cette néfaste impression de consumer mes forces en un fastidieux apprentissage, qui, malgré quelques révélations, m’est un effort pénible. Car que m’importe si nous devons nous méfier des apparences, si la technique est neutre, si l’intelligence peut penser son origine sans la nier ou se nier elle-même ? Que de tortures mentales, ces harassants travaux nous imposent-ils ? J’aime les promenades, avant toutes choses, et la lecture. Mais, décomposer les livres que je lis, j’y consens si cela sert la progression de mon être dans sa globalité, mais je m’y refuse contraint et forcé, car alors, ce n’est plus un moyen de s’épanouir, c’est une brimade qu’on inflige. Et j’ai l’impression d’user le meilleur de moi, ma féconde imagination en une perpétuelle tension sur des travaux incompréhensibles par l’ordinaire humain. Et cela, alors que je pourrais joyeusement batifoler près de rivières ou de lacs, et sentir les odeurs de demoiselles jolies, bien plus enivrantes que celles émanant des fleurs de jardins merveilleux, et je pourrais nager au milieu de poissons tropicaux, et délasser mes jambes après avoir parcouru des kilomètres le long d’une côte enchantée, bretonne, méditerranéenne ou l’une quelconque de celles bordant les mers tropicales.
Mais est-ce donc que je crains l’effort ? J’ignorerais donc cette loi universelle de l’enfantement douloureux nécessaire à chaque naissance, à chaque nouveau bonheur ? Non, mais comme tout homme, je les crains. Suivant Monsieur Bergson, j’incline à penser que l’homme se passerait volontiers de beaucoup d’ennuis, d’angoisses pourtant nécessaires à son évolution, à l’élaboration de systèmes novateurs. Je ressens une très forte aspiration à la vie végétative. Mais, paresseux, je ne crois pas que je le sois. D’ailleurs, le sentiment d’être un paresseux n’est donné qu’aux hommes souffrant de la culpabilité de ne pas travailler selon leurs moyens, d’être en-deçà de leurs possibilités. Cela montre que cet état nécessite une certaine énergie. Les hommes dépourvus de vigueur n’auront jamais ce sentiment. Mais les hommes vigoureux ne l’ont pas tous. Il tient fermement à la religion, par la croyance en une prédestination, en une mission imposée pour accroître la vie heureuse du monde. Les hommes pleins d’énergie élevés dans la religion se sentent donc des élus, des êtres à part. Aussi, s’ils ont une si grande attirance pour la pureté, c’est par sentiment d’obligation, par crainte de décevoir les attentes de Dieu, même si celui-ci est des plus magnanimes, car Dieu étant toujours Dieu, il faut Lui obéir, d’où une tension énorme, et grandissante la menace d’une folie prête à envahir tout l’être. Et si Dieu n’existe pas, l’homme est perdu, et s’Il existe, il doit avoir raison de s’obstiner, mais pourquoi devient-il alors fou ? Sans doute c’est l’incertitude de l’existence de Dieu et de la voie à suivre qui prête dangereusement à la folie. Mais comment régler le problème, car ou bien l’homme est proche de la prophétie ou bien il avoisine la folie. S'’l renonce, il risque l’enfer ou un équilibre satisfaisant, s’il accepte, la toute puissance ou la folie qui est une sorte d’enfer. Certains diront l’enfer terrestre plus enviable car moins long, et concluront qu’il faut risquer l’existence de Dieu, pour éviter un enfer autrement terrible. Mais ceux-là, sont-ils dans le vrai ? Car si Dieu n’est pas, alors la vie terrestre remplit toute l’existence de l’homme et la muer en enfer gâche toutes la chance que la vie a permis qu’il saisisse. De plus, peut-être est-il possible de mener une vie convenable sans Dieu à l’esprit, qui le satisfasse tout de même, tout en conservant une certaine légèreté ?
Mais c’est s’opposer là aux Ecritures, car si, quand les hommes les ignorent, ils peuvent être sauvés par la qualité de leur conduite, il n’est pas concevable que les connaissant, ils ne s’y conforment exactement, et ne s’en prétendent les serviteurs. Voilà Saint-Paul. Et toutes les religions, dans leurs écrits fondamentaux, professent le même message d’allégeance à la Loi qu’elles veulent imposer. Voilà donc de sérieux, angoissants et pertinents problèmes. La religion ne rend finalement heureux que les hommes persuadés, et voilà son mérite et sa fragilité, car comment un homme intelligent peut-il être persuadé ? Mais la religion n’aime pas les intellectuels. Cependant, ce n’est pas sûr, car si l’intellectuel se convertit, il en récolte plus de grâce que les autres. Mais, là encore, ou est l’égalité ? Les récompenses divines, finalement, ne devraient pas être attribuées selon la puissance de la foi, mais selon les obstacles qu’un homme dut combattre pour l’acquérir. Cela est comme de dire la même chose car la foi d’un homme qui aura beaucoup souffert et beaucoup combattu pour être digne enveloppera celle de l’homme simple et naïf.
Cette déchirure que je sens dans mon cerveau, qui prend un temps malin à m’angoisser, puis, lorsque je serai ravagé par l’anxiété, s’étendra sur diverses parties anéantissant au passage mes facultés les plus nobles et les plus aimés, j’aimerais qu’elle ne soit qu’un rêve, une peur factice et sans fondements.
Et je sens, d’autre part, à un degré moindre de frayeur, ma main et les muscles de mon bras se contracter violemment, cela parce que j’ai beaucoup écrit. Mais si cela avait le fâcheux effet de m’ handicaper plus sérieusement, si je ne pouvais plus écrire, alors les fesses d’une femme devraient compenser cette frustration. Et des beaux seins fermes et ouverts sur le monde, épanouis comme je les aime, devraient m’accueillir. Des jambes dessinées à en succomber à la première vision, au premier contact, se feraient un plaisir, et un devoir, de satisfaire un organe éperdu, avec l’âme qui l’accompagne éprise d’une jouissance violente et douce, puissamment animale et amoureusement humaine. Comme cela, la femme qui m’attendrait, avec une âme, une attitude et un caractère de déesse, de reine, de princesse furieuse et insoumise, accepterait d’être violentée par moi, et cela ne serait pas un viol mais il y en aurait une saveur, car à l’amour et au respect serait mêlée, forcément, la conscience de commettre un acte sacrilège, de se soumettre une femme capricieuse, orgueilleuse et d’atteindre à une sorte de paradis de puissance sensuelle. Etre finalement l’égal d’un Dieu, ce serait l’impression ressentie, car soumettre une reine, ( et surtout si elle est consentante ), c’est sentir en secret qu’on touche à un être au-dessus de soi, qu’on ne mérite pas quelle que soit la teneur de ses actes, parce qu’une déesse reste une déesse, tandis qu’un roturier, même le plus sensible, le plus doux, le plus rêveur, le plus ardent sera toujours roturier. Et violer une femme de ce genre, quel bonheur si on sait qu’étant particulier, et elle particulière, ce viol ne serait pas commun. Et le violeur s’y comporterait en fait avec amour, car le sexe serait au service de l’amour, donc vraiment, il ne serait pas ordinaire, et la femme, d’abord soumise de force, et comme contrainte de gémir, s’abandonnant par force corps et âme, évoluerait peu à peu vers une acceptation globale, spirituelle, ou plutôt enveloppant tout son être, son âme et son corps s’ouvrant et s’offrant joyeusement à l’être déjà presque aimé. Elle comprendrait, en effet, l’intention sexuelle certes, mais bienheureuse du viol, car ce chevalier, mince mais fort et impétueux, qui l’étreindrait, la coucherait et la plierait, ne cesserait de regarder ses yeux, et il ne cesserait, mêlé à sa jouissance, de l’aimer en l’aimant. Elle, sentant l’amour dessinant les assauts intimidants, voire déplacés, mais o combien jouissifs, de l’amant, et ressentant au fond d’elle, en plus et par l’orgasme qui la ferait tressaillir de joie, un amour fécond et survivant à ce mur vivant qui la contraint et par cela même la fait jouir, déborderait d’allégresse et de reconnaissance envers l’action salutaire de cet entreprenant jeune homme. Et il y aurait du sexe répondant à du sexe, des idées répondant à des idées, un cœur répondant à un cœur, et l’âme serait ravie de toutes ses correspondances.
Si une personne est plus laide que moi, moins intelligente, moins sensible, moins méritante, il est normal que je ne veuille pas lui ressembler. Mais alors, comment m’ouvrir aux autres ? Car, à supposer que la majorité corresponde à ce portrait, comment ne pas la mépriser, ne pas la fuir puisque pour rien au monde, je me voudrais lui ressembler ? Cependant, si un homme est supérieur à moi sur les points essentiels, est-ce qu’il doit me mépriser ? Seulement s’il craint que je corrompt sa puissance. Et le meilleur moyen pour que je ne la corrompt pas, ne réside-t-il pas dans une attitude ouverte et charitable envers moi, donc qu’il me faudrait réaliser envers la majorité critiquée ? Certainement, mais cela se ferait dans l’intérêt de mon supérieur, par rapport à moi, comme du mien pour autrui. Aussi serait-ce de l’égoïsme, encore. Cependant, un égoïsme amoindrissant les douleurs de l’humaniste misanthrope, et celles de la foule dédaignée parce qu’à nouveau participante des affaires du grand homme, cela apparaît bénéfique de tous côtés. Mais le Saint, lui, est celui qui s’oublie vraiment, qui s’intéresse vraiment aux autres. Et si le premier motif qui le tourna vers les autres trouve des raisons basses qui l’expliquent, elles ont perdu leurs premières significations, pour gagner le vrai amour.
Vive les amateurs de Nerval, de Van Gogh, d’Artaud, d’Holderlin, de Nijinski, de Kinski, à bas leurs imitateurs, car une chose est d’apprécier et d’aimer ces hommes et leurs œuvres, une autre de suivre leurs errements. Et bien que ce soit ces mêmes hommes qui peuvent les égaler et qui savent en ressentir la valeur, car la valeur héroïque consiste à les aimer d’une part, à les haïr d’autre part. Car si art et folie étaient indissociables, puisque la puissance de l’artiste ne s’est jamais perdue, c’est la peur et la complaisance qui ont poussé ses hommes à la création d’œuvres qui bien que peut-être immortelles n’excusent pas leurs tares innombrables, car ce qu’ils auraient gagné, en rejetant l’art et la folie, c’est une sainteté o combien puissante, apaisante sur terre et dans les cieux, que leur immaturité les empêcha d’entrevoir, car a-t-on jamais dit que la faiblesse à craindre et la mollesse abjecte et redoutée par les artistes sont le propre des saints, que le rayonnement caractéristique ne s’accommode pas avec la suffisance déplorable de beaucoup des membres du clergé, et ainsi aux plus charismatiques des saints et des mystiques ils auraient ressemblé, et par surcroît gagné et l’éternité et une sure immortalité. O combien, à des œuvres poussiéreuses, funestes et périssables, il est préférable d’être créateur de soi-même, de faire converger l’ensemble de ses efforts vers la plénitude de tout son être et de choisir ainsi son âme pour centre de lumière, plutôt que de confier le rayonnement à d’obscurs objets, à jamais extérieurs à soi, car illusion est l’idée qu’ils ne font qu’un avec l’être qui les orienta, car les hommes ne façonnent pas, ils orientent, et à part leur âme, ils ne sont maîtres véritables de rien, aussi est-ce folie de la confier à quoi que ce soit de visible et manifeste car l’invisible enveloppe le manifeste, mais le manifeste n’est qu’une partie de l’invisible, aussi l’invisible est préférable.
La musique de Wagner est assourdissante, la plupart du temps. Quel contraste entre la sublime beauté des préludes, et ces bruyantes cacophonies qui remplissent l’œuvre. Heureusement pour ce génie, bon nombre de parties chantées relèvent l’ensemble de ces compositions.
Le malheur, c’est de ne plus pouvoir écrire. Etre aphasique, perdre l’usage de sa main principale, et de l’autre main, quand on est parvenu à en orienter suffisamment les mouvements, pour qu’elle serve l’âme par l’écriture. Et puis perdre ses yeux, une partie fondamentale du cerveau. Etre dans une situation où, étant trop observé, n’ayant pas les instruments suffisants, l’écriture est impossible, ou la véritable, celle qui sauve l’âme.. Et puis la mort enfin. Cette dégénérescence. Car l’épanouissement, la croissance continue de la personnalité d’un homme, telles que Bergson a su de manière si enthousiasmante nous démontrer le bien-fondé, la teneur scientifique, puis philosophique de toutes ces théories utiles, voire nécessaires au maintien de la croyance en l’Esprit, laisse à la mort la puissance de tout nous ravir. Et là, c’est encore l’échec. Et si la mort est un échec, quel subtil piège de la nature que le suicide glorieux, stoïque, japonais etc. Car, c’est un leurre, aberrant que certains s’y puissent prendre, et des grands esprits. Ils précèdent volontairement la mort. Mais la beauté de cet acte ne résulte que de la conscience des hommes qui survivent aux glorieux suicidés. Elle est donc dépendante d’une continuité qui rend incertaine la permanence des actes de ces hommes « héroïques ». Et puis, en plus d’un anéantissement de l’espèce humaine, d’une mémoire faillible, la valeur qu’on attribue à ces actes peut elle-même évoluer. Même au Japon, les 47 ronins ne seront peut-être, pas toujours des héros. Ils ne sont déjà plus des modèles dont on désespère d’atteindre la force, mais auxquels on aspire à ressembler. Ils sont comme nos martyrs chrétiens, devenus légendaires, fantomatiques, douteux même. et incertains. Et puis, si ces hommes de valeur s’étaient mieux concentrés sur un fameux problème, une belle incohérence, ils auraient vu qu’ils dépendaient, pour leur sort, entièrement des autres. Car s’ils comptaient atteindre au sublime, qui pour eux consistaient à se suffire à eux-mêmes, à échapper au désir d’immortalité, à tuer une attirance morbide puisque dépendante de faibles conditions de mortels, il reste exact qu’ils étaient, et je m’excuse de cette offense que Grand Esprit peut, peut-être, entendre, des imbéciles. Car la mort, c’est mourir, c’est donc se dessécher, dépérir, perdre toute valeur, et toute force physique, et toute intelligence, et toute vigueur, et toute force morale, et tout caractère, car enfin, mourir, c’est perdre la vie. Et ce constat n’est pas banal. Car, si les hommes ordinaires, communs, sont pour une fois assez dans le vrai, le plus étonnant dans ce domaine, ce sont les gens dignes, de valeur donc, prêts à mourir dignement. Car, enfin, si ces hommes, en quelque sorte supérieurs, et conscients de leur supériorité, meurent, ne se représentent-ils pas, auparavant, l’effroyable méprise qui les attend ? La mort leur ôtera toute dignité, çà c’est certain, et eux qui cherchent le contrôle d’eux-mêmes, et, différents du vulgaire, limitent l’alcool, la nourriture et ainsi de suite, pour rester « maîtres de soi-même », pour « contrôler », perdront tout contrôle, et la mort c’est cela, la perte de tout contrôle. Car, à la voir proprement, attentivement, comme elle est, sans les cérémonies et autres rituels éloignant du vrai, on s’aperçoit qu’elle est une chute totale, vertigineuse, un aller sans retour se prolongeant à l’infini. Et la mort, comme elle est la fin de la vie, c’est la perte de la vie, et donc, des passions, car la vie d’un animal comme d’un homme, c’est plus ou moins d’appétits, tenus pour inconscients chez l’animal, conscients chez l’homme. Et ces passions ne résultent pas de ce qui permet premièrement la vie, le souffle, mais bien du corps, de la complexité et de l’arrangement particulier de celui-ci, et l’élan vital, qui traverse tous les corps vivants, peut-être se conserve. Mais on s’en moque car ce n’est pas nous. Nous, c’est un corps particulier nous orientant de façon particulière, orientation correspondant intégralement à ce corps, à sa forme, à sa grandeur, à ses mouvements. Et puis, si le souffle c’était nous, on serait alors pareils au chat, au chien, et comme cela pour tous les animaux. L’erreur mystique provient de ce qu’elle prenait pour essentiel le souffle, universel, et pour secondaire les corps, de chaque espèce, de chaque individu, accessoires car périssables, le souffle seul se survivant au corps. Et certes, ils avaient raison sur ce constat, mais même comme cela, ils étaient dans le faux. Car pour périssable, pour corruptible que soit le corps, c’est lui qui fait notre valeur propre, le reste çà ne compte pas, le reste, ce n’est pas rien, çà existe, mais çà n’a pas vraiment de valeur, de valeur en soi, en lui-même. Sa seule fonction c’est qu’il permet la valeur, il est la source de la valeur, et des différentes valeurs, dont il est condition de possibilité. Mais le souffle, contrairement à ce que veulent qu’on croit les mystiques, il n’est pas, même s’il est source, au-delà des corps qu’il produit et maintient, dont il est l’origine, et qui vivent encore par lui, mais en-deçà de ces corps, qui lui doivent, néanmoins, et l’émergence et la possibilité de perdurer dans l’existence. Mais, s’il est indispensable, c’est le corps l’élément essentiel, car c’est lui qui établit la différence, et cette différence est essentielle. L’amour de la vie, c’est le corps, ce sont les passions, et la conscience de cet amour qui fait la valeur de la vie humaine, sa spécificité, c’est encore le corps. Et par conséquent, le grand artiste, c’est celui qui, par son corps, aura des sens, une disposition de ses sens, remplis de sensualité, de potentialités à jouir, qui vibrera par tous les pores de sa peau, et qui aura une conscience exacerbée de sa puissance, due à une imagination, un fonctionnement cérébral lui aussi intense, qui participe à la joie et aux vibrations de tout le corps. Mais cette conscience même d’un corps prêt à tous les bonheurs, si elle en partage le degré d’intensité, nuit à la jouissance, car l’amour de la vie qu’elle appelle, apporte la conscience de la fin de ses jouissances, d’où une révolte intense, car la conscience de la fin de ces bonheurs est terriblement douloureuse, d’où la fin de ces bonheurs, d’où, pour compenser, et aller au au-delà de tous ces multiples ennuis, la création.
Le corps jouisseur sans l’imagination, c’est la brute, le sportif, le débauché. L’imagination sans le corps empli de sensualité, de sexualité, c’est le philosophe, l’intellectuel « pur », le binoclard. L’homme doué de ces deux qualités sera artiste, plus ou moins puissamment, et s’il possède ces deux qualités en extrême, c’est le génie artiste, la forme la plus haute de génie à mon avis. Mais un homme peut-être génial avec une seule de ces qualités, comme l’imagination, s’il possède à l’extrême. Ce sera alors le philosophe, le mathématicien, le physicien, le scientifique en général. Mais Wagner, non, c’est autre chose.
Ils m’agacent, ces petits écrivaillons, remplissant les colonnes de « Lire », de « Page », de toutes ces assez faibles revues littéraires. Ils jouent aux polémistes, mais qu’est-ce qu’ils ressentent ? Ils apprécient Céline, mais qu’y comprennent-ils ? Rien, absolument rien, comme les bourgeois amateurs de poésie, qui pour honorer Artaud, reprennent tous les travers qu’il dénonçait. Mais, après tout, ils n’y peuvent rien. Ils sont naturellement comme çà, naturellement, et on ne peut changer son naturel. On évolue à partir d’un cadre précis, déterminé par des qualités, des compétences, et l’évolution y reste limitée, comprise, circonscrite. On ne brise pas son patrimoine. Mais, après tout, ces livres nuls qu’ils écrivent, çà leur fait plaisir d’être imposteurs, de toute façon, ils ne savent pas qu’ils le sont, et puis si çà peut leur apporter le bonheur…et l’argent et des femmes. Mais là je proteste, l’argent oui, mais pas les femmes. Qu’elles se réservent et qu’elles s’offrent à ceux qui en savent le mieux découvrir les failles. Ils ont bien travaillé, ils sont misogynes, misanthrope, et réclament des femmes. Ils ont des appétits naturels à satisfaire, des exigences. Qu’ils embrassent à pleins poumons et sodomisent à tout va celles qui sont faites pour çà. Les autres, qu’ils les aiment et leur fassent de beaux enfants. Enfin être écrivain, c’est mieux, c’est plus prestigieux qu’être fonctionnaire, et çà permet le loisir. Mais, je prends conscience que, depuis quelques pages, je n’écris que des banalités, parce qu’ayant évolué vers un style Célinien qui n’est pas le mien, je prends les travers de ceux desquels je fustige l’inaptitude. Encore, peut-être sont-ils, eux, de véritables sous-Céline, mais moi, qu’on me laisse être un sous-Dostoievski.
Les hommes de philo, c’est épouvantable, manquent de corps. Ils grossissent. C’est le sexe, il n’y en a pas assez. Je montre des femmes avec de superbes fesses, ce qui compte tout de même, et des seins, et le visage entier, et la chevelure, tout rayonnant de sensualité, et ils continuent, avec çà à mes côtés, de parler philosophie. Les fous ! Les insensés ! L’absolu, c’est les femmes, c’est le sexe des femmes magnifié par le sexe des hommes. Et parfois, l’esprit s’y mêle, celui des femmes, rarement. Et celui des hommes, tout aussi rarement. Mais, je m’aperçois que ma maladie nerveuse nuit à mon écriture. Ceci, encore, non directement à ce que j’écris mais, indirectement, à la forme des lettres, tracées, que je souhaite pleines et entières, sans coupures. Et c’est une obsession, en fait, dû je crois à un terrible complexe de castration. J’ai l’impression, quand les lettres que j’écris ne sont pas clairement bien affirmées, bien précisées, qu’on me coupe le sexe. Et je repasse de folle manière le crayon dessus, jusqu’à les rendre illisibles, et trouer la feuille. Ce fait apparemment sans importance traduit une nervosité telle qu’elle a saccagé toute ma scolarité et ma santé mentale, conséquence de cette forme pathologique d’écriture me rendant inapte, en fait, à copier quoi que ce soit. Et ce n’était qu’une malheureuse conséquence. Sans doute, un événement traumatisant ou plusieurs, ou encore une succession de faits confortant un premier grand choc, associés à la force décuplée par ma nervosité hors-normes, a été la cause de tous ses égarements. Et j’ai peur, car si l’obsession, qui retarde déjà, en ce moment, la traduction de mes pensées, me terrasse, alors l’écriture salvatrice sera un moyen de plus de m’envoyer à l’asile. Et je n’aime pas cet endroit, car les fous qu’on y rencontre ne sont pas géniaux, et les médecins psychiatres sont généralement stupides. Pas un que j’ai rencontré qui ne soit à la hauteur. Et si je n’ai pu guérir, par la faute de leur incompétence, irrécupérable car naturelle, je n’ai finalement pas besoin de guérir, car le malade, le fou qui est au-dessus de la compréhension médicale est un génie qui a sombré ou est en passe de l’être, ou qui le craint plus que tout, mais l’excès d’imagination est un bourreau qui doit être apte à la conversion. Et, bien sûr, si événement traumatisant il y a eu, peut-être l’imagination est-elle secondaire, mais peut-être aussi est-elle l’ordonnatrice du drame. Et il faut déconstruire et reconstruire tout ce qu’elle a pu créer de malsain. Et si la mégalomanie est signe de folie, ce n’est pas avéré, car elle contient sûrement des bases dans la capacité des individus qu’elle affecte. Et le tout, c’est de montrer, de faire voir que Klaus Kinski avait quelque raison de se croire au-dessus du lot. Hélas, ou tant mieux, la vertu d’égalité que me légua Saint-Paul, ne trouve en moi, malgré une sympathie certaine, aucune considération d’ordre physiologique venue l’étayer. Et en moi se livre des combats perpétuels, élitisme dédain, mépris, orgueil, ou charité, modestie, humilité, égalité. Jamais je n’ai été si heureux qu’en m’oubliant moi-même et en aimant les autres sincèrement, mais je n’ai jamais pu parvenir à de tels résultats qu’en des circonstances bien particulières, et sortant de ces circonstances, je n’ai jamais pu les maintenir que deux, trois journées. Et puis, après, le gouffre, horrible, une chute radicale. Mais que j’écris mal. Est-ce que je suis pressé ? Ai-je donc été influencé par le passage remarquable d’un livre de « Céline » ? Mais j’ai peur, je sens la terreur, l’angoisse. Mon sentiment de culpabilité vis-à-vis de Dieu, qu’il est fort ! Et comment me pardonnera-t-Il , s’Il existe, ces écarts à sa Volonté ? Mais j’écris, je revendique ce droit à l’écriture, sachant qu’il n’y a rien à défendre contre Dieu. Et déjà, je tremble, comme si je l’avais trahi. J’ai mal à la bouche, un tic étrange a eu lieu, pendant que j’écrivais, il y a quelques instants à peine, sur ma jour, une défaillance musculaire, sans aucun doute. Et les larmes me viennent aux yeux, de tant d’indifférences de la part de Dieu pour mes souffrances. Mais je fais comme s’Il n’existe pas. Je n’en rigole pas, mais ma pensée ne se prosterne plus constamment à son nom. J’essaie d’évacuer l’idée. Et pourtant j’y crois encore. « Les malheurs de job » est toujours le texte de référence pour que je garde du sang-froid face à la douleur. Mais, je le sens bien, si je n’ai plus Dieu, qui appeler ? Constamment, à la moindre douleur, à la moindre contrariété, je le suppliais, non pour forcément guérir, mais pour m’aider à supporter. Et maintenant, il faudrait que je vive seul ? Voilà le problème, on s’habitue à s’appuyer sur un Dieu impitoyable, ou pour atténuer, toujours effrayant, car étant tout-puissant, réclamant sans cesse l’intégralité de nos forces, il se fait oppressant, étouffant, contraignant et orientant nos moindres désirs, puis quand on veut se libérer de cette terrible étreinte, on se trouve seul, sans appuis, sans protections ; cela est finalement trop dur et on revient à Dieu en s’excusant. Il arrive qu’on s’en éloigne tout en gardant quelques croyances en son existence. Mais, le plus étonnant, ce sont les hommes comme moi, finalement très bêtes et très faibles, car ils croient toujours en Dieu, se sentent toujours remplis d’une mission, veulent conserver les avantages de cette mission, leurs prérogatives, leur rôle d’élu, mais réclament un repos, le droit à se détendre, car humains trop humains, ils ne supportent pas la pression qu’ils sentent constamment sur leurs épaules. Quand la mission, c’est trouver tout l’essentiel, afin de sauver le monde, on comprendra l’épuisement de l’intermédiaire, même quand il s’en sent capable, et son désespoir immense. Avoir l’impression de trahir Dieu, sa confiance, et qu’Il nous punit en conséquence : quel horrible cauchemar ! Et pourtant, nous, hommes d’un autre monde, nous sommes tellement dépendants, tellement persuadés d’être investis d’une mission, que nous préférons les souffrances qui résultent du désaveu de Dieu à notre égard, dans l’espoir d’une rédemption, de notre réintégration en son univers, que s’Il n’existe pas, le savoir, et en être libéré. Il faut, décidément, que j’apprenne à écrire bien, ou plutôt que je retrouve mon aptitude à broder des phrases au moins correctes grammaticalement, car c’est par ce moyen uniquement, l’institutionnalisant, que l’écriture acquiert un pouvoir salvateur, et peut guérir les âmes meurtries.
Mon démon, il ne sert pas comme chez Socrate, à me prévenir quand il est inutile de parler, bienveillant, il est au contraire, extrêmement malveillant. C’est le diable, un démon qui, au contraire, me pousse à dire et à louer tout ce que la société interdit, tout ce qui terrorise la population, et à commettre les pires exactions. Parfois, vraiment, triste d’une mission que je rejette, soit qu’elle me rende la vie trop dure, soit qu’elle soit une illusion à laquelle je tiens, j’ai envie de pleurer, désemparé, voire me suicider. Mais, si cela ne va pas, c’est que je me laisse aller, intégralement. Je prends l’écriture comme objet central de ma vie. Je n’ai plus ni discipline, ni éthique de dépassement. Je ne travaille plus pour mes études, alors que j’aime la philosophie, et je ne me lave plus, je suis sale, je ne me tiens plus, je deviens victime de la télévision et de la musique, je force la masturbation. Comment cela pourrait-il aller ? Et je me couche tard, et je me lève tard. L’écriture n’est qu’un moyen de plus pour aller mieux.
Si Dieu n’existe pas, le génie a-t-il encore un sens ? Car s’il n’en a pas, je suis fou. Mais eux aussi, les prétendus génies, étaient alors tous fous. En fait, je crois à l’Esprit que des hommes savent épanouir en eux, les Saints, que d’autres savent exprimer en dehors d’eux, les artistes. Et je crois à la loi de complexité-conscience, qui établit une relation entre le degré de complexification, de centration, de densité de la matière, et la conscience dont elle est pourvue. Certains hommes ont un fonctionnement si intense qu’ils développent une soif d’absolu inextinguible. Ils franchissent un seuil que le commun des hommes ne peut franchir. Ce sont, je crois, des génies. Et il s’en rencontre dans tous les domaines, ce besoin de dépassement, cette quête permanente revêtant diverses formes.
Un homme, ça doit être sain. Qu’ils sont laids, ces hommes peu sûrs d’eux, qui rougissent à tout bout de champ, les sourcils pleins de squames et de croûtes. Si j’en suis, j’en désespère, et si je n’irais pas jusqu’à me brûler le visage pour perdre ces marques infamantes, et acquérir un visage sain ( le but ne serait pas atteint ) je me remuerais pour effacer cela.
C’est inné pour un homme, la passion, aussi, quelle fatalité de n’être pas vibrant. Je le suis mais je ne peux m’empêcher d’en douter, et de craindre de perdre tout cela.
Mon ventre est anxieux, ma respiration se ralentit, ou s’accélère ; oppressée, elle m’oppresse, et je n’aime pas çà.
Y a-t-il des angoisses que l’écriture ne calme pas ? J’en ai peur.
Etre prisonnier d’une image, de brute, de truand, de dur, de paresseux, d’une mauvaise image, c’est une fatalité, et d’une bonne image, c’est une heureuse ou plutôt une bienheureuse mais difficile contrainte.
Peut-on violer un oiseau ? Non, c’est mal, et puis impraticable.
Les images, les mots qui m’assaillent sont souvent plus dérangeants que ceux qu’on trouve dans Sade, car ils me sont involontaires. m’apparaissent contre mon gré, et cela ne m’est pas du tout agréable, même si rien n’est sacré, et j’aime profondément le sacré, ce qui doit d’ailleurs être la cause de mes sacrilèges rêvés et donc quelque peu commis. Toujours ce sombre démon.
Fanny, tes seins me font vraiment envie, et tout ton être, et tout ton corps, et c’est avec plaisir que je t’aurais prise lorsque tu t’offrais à moi jouant ton rôle de femme fragile à merveille. Et certes, j’y aurais mis de la puissance, de la domination, mais sans violences outrancières, gardant un respect bourgeois de la bienséance. Et cependant, je ne crois pas en ce respect bourgeois. Ne partouzent-ils pas très facilement, les bourgeois, et ne sont-ils pas amateurs de pornographie ? Non, c’est l’éthique religieuse, ou mes goûts et mon amour pour l’amour métaphysique, Balzacien, Dostoievskien, qui aurait orienté mes mouvements de hanche.
Cependant, avec quelle joie me sentir encerclée par tes jambes puissantes. Et tes odeurs ne sont pas ce qui m’attire le moins.
La peur de générer le dégoût. La crainte d’être un objet de répulsion. N’ai-je pas déjà été, et maintes fois, un objet de moqueries ? Et n’y a-t-il pas des êtres qui me donnent physiquement la nausée ? Pourquoi ne pas, à mon tour, la donner ? Et les jeunes filles, qui sentent si bons, riraient de moi comme si j'étais un ladre, et comme un grand nombre d’hommes se moquent de ce qu’ils appellent des laiderons. Et si ce terme abject est hélas généralement justifié par l’allure de celles auxquelles il s’applique, il m’a toujours si fait horreur que je n’ai, je crois bien jamais, pu qualifier un être avec ce terme, même absent, même si, à priori, il ne l’aurait pas su, et cela alors que je partageais finalement l’avis de mes camarades. Est-ce par dignité, par estime pour l’être visé en tant qu’il est humain, ( il est à noter que même pour un affreux mollusque je ne l’emploierai pas ), ou est-ce par manque de courage, pour ne pas heurter ? C’est, je pense, parce que moi-même, je serais tellement rempli de questions si j’étais une femme, ou même restant homme, visée par cette insulte, parce que je me demanderais quelle en est la raison, si elle est fondée, j’observerais, et, comprenant qu’elle l’est assez souvent ( peut-être, cependant, de façon toujours assez subjective ), je sombrerais dans une introspection douloureuse, une crainte dévastatrice quant à l’impression que je donnerais sur autrui, et c’est donc en considération de ma propre fragilité, et du mal que me causerait le mépris, que j’épargne tous les autres, au moins sur l’aspect physique. Sur l’aspect moral en effet, je juge l’affaire moins importante, moins compromettante, car un être est difficilement cernable en son intériorité, et rares sont ceux qui peuvent émettre des jugements sur autrui, et tout le monde dispose d’une conscience ayant quelques armes pour se protéger des attaques extérieures de ce type, fondées ou non fondées. Mais un physique disgracieux, une désapprobation immédiate d’hommes envers d’autres hommes parce qu’ils sont laids, comment y échapper ? S’en prendre à des êtres immoraux, c’est légitime, mais critiquer un physique, et je le fais souvent intérieurement, cela n’aide pas grand monde, et expliciter ce que l’on pense à ce sujet, sauf pour quelques êtres comprenant que modifier des détails infimes les changerait radicalement, les métamorphoserait, c’est détruire les gens auxquels les remarques s’appliquent.
Finalement, pourquoi culpabiliser ? Je suis toujours le même mouvement, le même but, simplement j’emploie un moyen en plus pour me sentir mieux, pour m’aider à m’accomplir dans cette voie que je sers depuis bien longtemps, et à l’accomplir, et je ne le conçois pas particulièrement immoral, à condition de le mettre au service d’un but altruiste, tout en doutant du bien-fondé de ce but, car c’est la meilleure manière, une des meilleures, pour s’alléger, et si les conclusions, si les positions se révèlent inclinées dangereusement du côté de la destruction, alors il faut ou faudra aviser. Mais ce n’est pas, je crois, encore le cas. Et vive l’éclaircissement de pensées difficiles, vive « l’enlightement ».
Ma petite vietnamienne et une demoiselle professeur, et une étudiante en art et spectacle et une femme qui m’a révélé le sens de la vie immédiatement, au restaurant u, toutes asiatiques et toutes, je crois, d’origine vietnamienne.
Les plus belles femmes du monde, ou celles qui me correspondent le plus : les vietnamiennes, les italiennes et les françaises. Il y a bien, aussi, quelques russes…
Je crache blanc, sous le douche. Sitôt qu’il m’arrive de souffrir, je crains la mort prochaine. Une douleur aux yeux, un petit problème de paupières, un tressaillement minime par exemple, de l’une d’entre d’elles, et je suis aveugle. Ou alors, une douleur au sexe, et je perd tout intérêt à la vie. Un courant froid dans le dos ? C’est la moelle qui est sectionnée et j’espère que la paralysie se contentera des deux membres inférieurs, et qu’elle épargnera mon sexe et mes membres supérieurs. Un léger vertige et je vois l’attaque cérébrale, une de mes pires obsessions, commune à Marcel Proust, des plus récurrentes, et je change tout mon comportement, car prévoyant un suicide proche, je prends conscience que je ne suis pas préparé, pas prêt, et d’un tempérament italien, je plonge dans une dureté de mœurs guerrières japonaises, les Japonais étant les plus aptes pour ce genre de réalisation, les seuls vrais spécialistes de la question. Les stoïciens romains ne leur arrivent pas à la cheville, sur ce point, philosophiquement, esthétiquement, pratiquement. Ils ont l’art de se préparer spirituellement. C’est cependant, un peuple de fous, plus fous furieux que les Allemands, c’est peu dire. Les Japonais sont les types les plus extrêmes, les plus fascinants peut-être, en tout cas les plus dangereux de la planète.
Je ne me conçois pas chauve. Chauve, comment être Italien, un jeune homme à la beauté ténébreuse, un prince noir, mystérieux ? Mais rechercher le mystère pour sa propre gloire, c’est être orgueilleux. Tout de même, l’ange noir a besoin de ses cheveux pour être à hauteur de sa réputation.
Wagner vaut-il Bach ? C’est la question que je me pose, écoutant un disque de Bach, plein de puissance, de grâce, de douceur réunis, exempt de lourdeurs fautives, d’errances maladroites, parfait en tous points. Wagner peut-il, même avec ses préludes, égaler Bach ? Ecoutons.
Que je hais les surréalistes, ou plutôt que je les méprise. Artaud ne s’y est pas trompé, qui a refusé l’étiquette déshonorante. C’est le seul mouvement d’importance que je connais dont les figures centrales ne sont jamais parvenues au niveau de leurs maîtres. Lesquels d’entre eux ont pu égaler Baudelaire, Rimbaud, Nerval, Mallarmé, Lautréamont ? Aucun.
La mort, la souffrance, la maladie, la séparation d’avec les êtres chers, inévitable, le temps perdu, à ne pas jouir, à ne pas fructifier ses dons, à ne pas aimer, à se détruire, tout cela parfois me rend presque aussi malade que le font les femmes. Et la musique aggrave ces plaies. Dois-je m’en priver ?
C’est un devoir d’être heureux. Mais ne plus contrôler ses émotions, submergé par l’imagination, perdre la maîtrise de soi, s’exalter, se prendre pour Dieu, est-ce s’élever, est-ce l’extase, ou est-ce se rabaisser, est-ce un semblant de dignité ? Cela en tous cas, m’use. J’ai vingt-trois années d’existence, et j’ai parfois l’impression que tout craque. Mes yeux faiblissent, mon cœur est vieux, je crains l’infarctus, mes cheveux et mes sourcils sont tombés, j’ai la gorge usée, le cerveau bien malade, en train de se déchirer, mes vertiges nombreux en sont témoins et les muscles, les os, les tendons eux-mêmes sont sur le point de rompre. « Hélas, tristement, je m’assieds ».
Si chère, si adorée Fanny. Tu étais la première amie, la première. Enfin, j’avais quelqu’un qui comprenait. Les précautions qui me sont constamment nécessaires avec les autres, les longues digressions qui me sont passages obligés pour aller assez loin dans l’exposition de mes théories, les préjugés multiples, les tabous si bien enfoncés dans les têtes communes, même chez les plus instruits, qui ne les savent pas tabous, tout cela demande une subtile diplomatie, des jeux pour ne pas effarer l’auditoire, des multiples détours, une sophistique assez développée, un recours permanent à des hommes « qui font autorité, » une lente et progressive préparation psychologique, que je n’avais pas à utiliser avec toi. Quel repos ! Marcher, manger, s’asseoir aux côtés d’une personne, dont on sait qu’il y aura, quoique l’on dise, quoique l’on fasse, correspondance automatique.
Bien sûr, après chacune de nos séparations, il y avait quelque distance lors de nos retrouvailles, une peur originelle de l’homme pour la femme et de la femme pour l’homme, mais, rapidement, une similitude de caractère, de goûts, de référence de vie apparaissait. Et alors, il y avait osmose. Nous nous sentions bien ensemble. Il n’y avait plus de défenses à construire, car l’un et l’autre savions clairement, comprenions instinctivement et très sûrement qu’il n’y aurait pas d’offense.
Et puis, cette assurance que j’avais d’être utile auprès de toi. Je trouvais la force. Moi, intéresser une héroïne de roman russe, à la vitalité similaire. Quel bonheur ! Je retrouvais courage et je te sentais heureuse d’être à la fois une amie d’un être correspondant, et protégée par lui, car je te protégeais, tu sentais la présence discrète mais puissante, littéraire, intellectuelle, pleine de fragilité, de sensibilité, mais aussi pleine de fureurs, qui n’aurait rien permis aucune insulte, aucun manquement à ton égard, prête à écraser les cinquante individus qui auraient osé se livrer à un regard simplement impudique sur toi. Eh oui, j’étais tout cela pour toi, et tu étais encore plus pour moi. Aussi, après l’incident que tu connais, alors que j’étais venu te supplier de prendre grand soin de toi, pour l’alcool, en voiture, car les fêtes sont dangereuses, et pour tout ce qui pouvait te nuire, et qu’il fallait que tu saches que tu m’avais rendu extrêmement heureux, tu comprendras le silence, l’indifférence que je choisissais d’affecter envers toi, qui ne montrait pas la dureté de mon cœur. Elle était la seule attitude pour que je puisse ne pas faillir à mon devoir. Il fallait t’oublier, mais je n’ai pu y arriver. J’ai pu surmonter, c’est tout, difficilement. Et le mépris que je te manifestais était pour une part jeu d’acteur : jeu tragique, acteur tragique ; courageuse attitude stoïcienne ; supporter dignement la douleur. C’est pourquoi aussi, car tout de même, c’est un outrage que j’ai vécu, je n’ai pas voulu téléphoner ; construction d’une carapace enfin, pour ne pas, malgré la hauteur qui est mienne, sombrer. Mais, à chaque fois que je travaille, et le sort m’a enfoncé, je souffre de ne pas partager mes impressions avec toi. Car si nous nous amusions sur Kant, un auteur dont tu n’es pas amoureuse, Descartes est un auteur, que, je crois, tu maîtrises et Bergson, la source d’immenses révélations. Aussi, pour moi, qui, les connaissant maintenant, partage ces goûts, je vois ce que je perds, ce que j’ai perdu pendant des mois, à ne pas profiter de ton caractère passionné. Que j’aurais aimé être initié par toi, à tous ces mystères compliqués, que Bergson dévoila. Savais-tu les nombreux rapprochements entre lui et Teilhard, un auteur dont je t’avais déjà fait un ardent éloge. Vois, comme, moi aussi, j’aurais pu te donner la clé de mondes nouveaux. Et j’avais, à t’offrir, d’autres mondes encore, les miens, que personne ne connaît, plus beaux encore, plus féconds que les univers Bergsoniens. C’étaient, ce sont, ce seront les univers Vignériens, infinis dans leur essence, finis de forme, pour que les hommes puissent approcher des vérités sacrées, telles les préludes de Wagner.
Verdi, y a t il, franchement, dans tous ce que créa Verdi, des musiques rivalisant avec le Prélude de « Tristan et iseult » ou de « Lohengrin » ?
Caroline, je te vois, sur une vieille photo, près de M. Tu fais la moue, et tu es belle. Combien de fois t’ai-je regardée, ces dernières années ? Tous les jours lorsque cette photo fut faite, et maintenant, après ces quelques années, chaque fois que je reviens à la maison, je ne peux m’empêcher de te regarder encore. Peut-être est-ce autant pour me voir, voir si je n’ai pas trop changé, pas trop vieilli, comparant mon évolution à celle de mes camarades. Mais tout de même, si tous je les passe en revue, c’est sur toi que je m’attarde.
C’est insensé, ou peu croyable comme je méprise tous mes camarades. Tout ce qui n’est pas exaltation pure, je l’ignore. Et je les ignore donc tous, pas un qui se retiennent constamment, pas un qui soit au bord de la rupture, au bord du chaos, pas un qui tressaille de douleur ou joie constamment. Et je ne dois pas, je sais, leur en vouloir d’être ce qu’ils sont, comme on pourrait m’en vouloir d’être ce que je suis. Cependant, je leur en veux, de ce que par cette différence entre eux et moi, ils mettent le trouble en mon esprit. Pourquoi suis-je si différent ? Je me lève le matin, et je me sens tout à fait normal, vraiment rien d’extraordinaire, vraiment pas un génie. Puis j’entends les gens parler, je les vois qui bombent bêtement le torse pour séduire, je vois les femmes qui montrent leur seins. Et alors ? Seulement qu’ils soient lucides, qu’ils reconnaissent en eux une forte trace de comportement animal. Mais non, plus ils sont bêtes, plus ils sont brutes, moins ils feront la corrélation. Ce qui est, après tout, logique, dans l’ordre des choses. Mais disposant tout de même du minimum de conscience requis pour être lucide sur leur attitude et motifs, leur besoin et la façon dont ils les satisfont, ils y mettent beaucoup de mauvaise volonté dans leur dénégation. Et là d’ailleurs, une remarque sur l’Afrique. C’est là qu’on trouve le moins d’inhibitions, donc pour moi, d’intelligence. C’est dirait-on, exclusivement le sexe qui détermine leur rapport entre hommes et femmes. Là-bas, la force physique est encore un critère majeur de séduction. C’est flagrant, les danses là-bas, sont directement orientées sur le sexe. Les femmes montrent leurs fesses, ce qui gâche tout le charme découlant habituellement d’une femme qui danse. L’effet de ces « danses du cul » a pour effet de transporter toute l’émotion qu’on ressent pour d’autres danses sur le sexe uniquement, alors qu’elle touchait toute l’âme, tout le corps, l’homme en son être entier. La grâce, envolée. Et c’est là-dessus que les hommes se branchent actuellement. Il est vrai qu’il s’agit plus de la masse, toujours inapte, que des élites.
Donc, je me promène, et las des préjugés du commun, je m’en vais trouver des compagnons instruits, aux vues équivalentes en pertinence aux miennes, je pense. Mais d’autres préjugés en nombre m’exaspèrent. La mystique, Dieu, l’art, la création, les émotions, les sentiments, le bien, le mal, seraient inexplicables, indéfinissables, ou condamnés à la relativité des explications. Alors que moi, là, je ne dis rien, je fais le charmant jeune homme, doué sans plus, mais je sais tout çà. Et, encore, cela m’est d’une simplicité telle que je suis frappé de stupeur, face à l’ignorance de nos « grands » intellectuels, et pis encore, de l’admiration ébahie que leur voue mes camarades. Et le génie, quelle simplicité pour en définir, pour en traiter toutes les composantes, en montrer la source, l’orientation, et même la fin, pourtant plus difficile à saisir, de chacun des hommes, qui le furent.
Qu’ils m’agacent, ces hommes de la foule, toujours prêts à lyncher, cette pensée commune, toujours prête à fondre sur le vrai. C’est pourtant une loi de l’existence, une loi de la nature, que la masse reste la masse, et par conséquent que les hommes l’intégrant, en nombre, ne puissent s’élever. Cependant, quelle culpabilité suis-je, pour ces pensées, obligé d’endurer, alors que Hugo même, et c’est peu dire, fut maintes fois dédaigneux avec la tourbe, comme c’est clair dans « Ceux qui vivent », même si la populace n’est pas uniquement visée. D’ailleurs, les bienfaiteurs du peuple le méprisèrent. Et si je ne suis pas justifié par ces hommes, j’en devrais être quelque peu au moins soulagé.
Mal de crâne et de cou infernal. Je suis si constamment exalté que je m’use la cervelle, hors les limites imposées aux constitutions humaines. Tout se casse chez moi, les yeux, les paupières, les tempes qui bourdonnent. J’ai les genoux disloqués, la hanche gauche rouillée, verrouillée. Je marche avec peine. Je m’use, je m’use, et j’en suis fautif. Si mes colères, mes tremblements volontaires ébranlent mes veines cérébrales, si celles-ci cèdent, je risque la chaise roulante, la dégénérescence avancée. Moi, un être abruti ! Jamais. Allons vite, préparons le suicide. Quelques tics me montrent bien nerveux à moi-même/ Je veux me réconcilier avec Fanny. Mais je ne crois pas que cela se réalisera. J’ai revu Aguirre ce matin. Tout imprégné de Kinski, je n’ai pas pu m’empêcher de faire l’acteur, improvisant sur un de mes thèmes privilégiés, un tueur, qui peut-être vient de l’enfer, ou bien est un émissaire de Dieu. En tout cas, tout-puissant dans sa sphère, en tant que roi maudit de vivants maudits, vengeur, et rédempteur peut-être. Autres rôles de prédilection : psychopathe, monstre souffrant d’une monstrueuse souffrance, chevalier débile, prophète, en fait je peux tout faire.
Il faut que je travaille. Je voulais être premier de ma session. Mais je m’en rendais malade. Et puis, ma voie, je ne la crois pas plus orientée vers la philosophie que vers toutes les matières où l’on touche à l’absolu, où l’on s’exprime, où on ressent pleinement l’amour et la puissance, le mystère. Cependant, il faut que j’accomplisse mon devoir. Et modérer ces efforts est une chose, ne rien faire en est une autre. Je suis une pleine victime du bruit, en ce moment. Et je ne maîtrise ni mon temps, ni mes activités. Je regarde sans cesse la télévision, acte perpétuel que je regrette perpétuellement. Et je ne peux me passer de radios, ou j’entends des jeux stupides, des musiques énervantes, assourdissantes, des publicités exaspérantes, des informations inutiles.
Je suis une victime qui se maudit constamment pour ses faiblesses, un être hétéronome quasi intégralement. Je ne respecte pas mes décisions, mes programmes, ce que je crois être bon pour moi. Je m’empiffre, je ne me lave pas régulièrement, ma chambre est lamentable car on y sent un fort laisser-aller. Je lutte, pour écrire sans m’arrêter à parfaire maladivement chacune des lettres que je trace, surtout les n et les m. Je ressemble en cela aux artistes géniaux de Balzac car ma soif de perfection est soit une musique que les autres ne peuvent entendre, soit une illusion artistique dans laquelle mon ardeur me plonge, mis à part que moi, je me rends compte que mes lettres sont horribles, illisibles.
J’ai les meilleurs dons d’acteur au monde. Je peux instantanément entrer dans la peau d’un personnage. J’ai cela en moi. Immédiatement, je suis, je deviens un autre. Quelle puissance ! Mais, comme un génie Balzacien, si énorme qu’il ne peut se faire reconnaître que par quelques-uns, mon talent gigantesque, qui provient d’une émotivité dantesque qui me força à endosser, dans ma vie, de multiples rôles, des masques très différents pour survivre, ne peut s’exprimer. Car, la cause même de ce talent est la cause de cette prison mentale dont je ne peux sortir. Si j’ai beaucoup progressé, pourrais-je, un jour, ignorer la présence paralysante de ceux pour qui je joue, cette présence m’étant autrefois si handicapante qu’elle me força à me construire des personnalités auxquelles j’apportais beaucoup de conviction, par nécessité, tellement que j’y croyais moi-même, et sans être dupe de ce travestissement puisque j’étais vraiment, au moins en partie, le personnage que, par conséquent, je ne jouais plus, mais incarnais. Toute ma destinée est là. Arriverai-je, un jour, à m’exprimer jusqu’au bout, à vaincre ma timidité, ma sensibilité, qui, je le répète, ne sont pas exacerbées, mais bien au-delà encore ?
J’écoutais, ces derniers temps, de la musique : Wagner et Bach, à m’en lasser, puis de la variété ; et une malheureuse cassette de Bobby Lapointe. Et puis, j’ai éteins tout çà, ce tintamarre. J’ai maintenant un grand silence, agrémenté d’oiseaux qui chantent je ne sais quoi. Je suis presque heureux, calmé, apaisé. Les plaies formidables, ce sont la télévision et la radio. La télé, c’est la drogue la plus néfaste, la plus destructrice, la plus impitoyable, la plus perverse que je connaisse.
La télévision trône dans un salon, dans une cuisine, et elle emplit tout l’espace, devient l’élément central du foyer. Elle est la plus grande gâcheuse de vie, pire que les drogues dures, le fléau de ce siècle. Elle envoûte, on la regarde pour vaincre la solitude, et c’est elle qui nous vainc. On la met l’après-midi, et les jeux télévisés, les feuilletons, les publicités s’enchaînent, à la place de la promenade traditionnelle. Puis vient le repas que beaucoup prennent devant elle. Les informations sont un devoir pour le citoyen et elles se font deux fois, le journal, puis la télévision. Ensuite, c’est le film de la soirée. Puis c’est prévu d’aller se coucher, mais il y a un second film, ou un clip intéressant, un téléfilm érotique, une émission de variété, un concert de musique et à trois heures de la matinée, on se couche, la rage au ventre de s’être fait piégé. Le lever à sept heures est annulé et trois heures plus tard, peu content de soi, on déjeune mollement et finalement, une matinée consacrée au travail est réduite à néant. Il y aura tout juste, une demie heure de travail réalisé.
Voilà quel type de vie mène un grand nombre d’hommes. Et, sans parvenir à de tels excès, les informations et un film annihilent trois heures quotidiennes pour la majorité des hommes. Et rien que les infos, est-ce indispensable d’y réserver une heure de passivité, quand la lecture active d’un journal, avec une sélection d’articles choisis, ne prend pas plus d’une demi-heure ?
Et puis, quoi de pire influence que la radio, même quand il s’agit d’y écouter les meilleures musiques. Elle provoque une angoisse permanente, une dépendance au bruit, une distraction continuelle des activités enrichissantes, un abrutissement pur et simple. Du bruit, rien que du bruit. Son utilisation présenterait un intérêt s’il y avait parfait contrôle, mais ce contrôle, je ne l’ai strictement vérifié que chez les gens qui l’avaient exclu de leur maison, comme ils contrôlent leur passivité télévisuelle en en ayant épuré leur logis.
Ainsi, il y a un mot d’ordre, récurrent dans mon œuvre : mon pire ennemi, c’est la télévision, mon second ennemi, c’est la radio. Aussi, je remporte une victoire à chaque fois que je résiste à leur appel démoniaque, hypnotique, aux multiples tentations dont les démons humains, les asservisseurs les parent. Et ce qui est ennemi pour moi est ennemi pour le peuple, car ce sont ces deux instruments diaboliques qui empêchent les hommes de s’élever. En effet, nous disposons maintenant des meilleures infrastructures pour cultiver les masses entières, mais deux grands obstacles l’empêchent, le grand Satan télévisuel, et la fine prostituée qui cache bien son jeu destructeur mais fléau tout de même moindre, la radio.
Il est aussi à noter que le projet de voir un film le soir n’est plus volontaire, puisqu’il est devenu régulier, comme un rituel, et qu’enfin, la télé manifeste un tel pouvoir que si l’on pense voir un film, cela risque de gâcher toute la période le précédant, car nous ne pourrons nous concentrer convenablement sur rien d’autre. La télévision a, ici, presque le pouvoir d’une forte excitation sexuelle, nous distrayant de tous nos devoirs ou autres envies. On sait aussi que le premier facteur de bien-être, donc de bonheur, c’est le sommeil, et que la première cause de coucher très très tard, c’est, avec les fêtes, la télévision. A bon entendeur, pour qu’il sache quelle ligne suivre et à mauvais entendeur abruti par la télé, jetez là !
S’accepter, qu’est-ce que cela veut dire ? Je le pressens comme une étape obligée en même temps qu’une limitation. Ne pas nier ce qu’on est tout en refusant de le rester, de s’en contenter. Mais peut-on jamais changer ? Telle est la véritable question ! J’ai faite, certes, des tics, mais, je crois, en nombre raisonnable. Ils m’ont laissé écrire, et posé les idées assez facilement. Tant que çà en reste là. Mais il faut combattre, ardemment combattre !
Je suis démoralisé. Je perds mes cheveux. A quoi aurai-je l’air ? D’un clown ? Si c’est le cas, je me suicide.
Tout ce que je critique, si j’y ressemble, ou si je le deviens, quelle effrayante perspective !
Je me trouve supérieur aux philosophes, d’où ma peur de devenir comme eux, si j’utilise la plupart de mon temps à lire de la philosophie, à emmagaziner des connaissances de ce type en mon esprit. La vérité, c’est que si j’arrêtais de m’y croire supérieur, je n’aurais plus la crainte d’être des leurs. Mais, en fait, je mesure la puissance d’un être à sa passion pour les femmes ou pour les hommes, et finalement à l’amour qu’il porte en lui, et à cela, ce sont les artistes qui détiennent le plus haut niveau, les écrivains, les acteurs et ainsi de suite.
Par cette crainte d’anesthésier mes forces et de me perdre, je me retiens de lire des ouvrages, ou je les lis à contre cœur , ouvrages qui pourtant me passionnent. Il y a là un fâcheux malentendu. Arrêtons ou diminuons le rythme de l’écriture personnelle, pour se vouer, cette semaine, à la lecture d’ouvrages philosophiques pour réussir brillamment les examens. Avançons, concentrons-nous, assimilons, oubliant tout le reste. Il ne se perdra pas et nous le fructifierons après de plus belle, d’autant mieux que nous serons parvenus au sacrifice d’une semaine de conversations avec soi-même, supérieure à toutes les autres, auto-thérapie efficace.
Comment expurger tous ses démons si l’on ne peut plus écrire ?
Klaus Kinski est vraiment magnifique à côté de ce péruvien qui jour un instrument, dans « Aguirre ». ( Sur le bateau mais surtout sur la terre ferme car cette scène se produit au moins à deux reprises). Primat de la culture Allemande sur la culture Sud-Américaine et génie des Slaves qui savent enfanter de tels artistes ! Les yeux de Kinski me font penser, parfois, sur certaines photos, aux yeux de Maiakovski.
Je n’aime pas trop les binoclards. Les boutonneux m’exaspèrent , et ceux qui perdent leurs cheveux ; les laids en fait. Oui, c’est ça je crois, les laids me révulsent. La répulsion est physique. Et je n’aime pas non plus les beaux fades, car le contraste entre leur apparence et ce qu’ils sont, après qu’on les ait admiré, nous donne envie de vomir. Je tolère les quelconques, les moyens, et j’aime les beaux énergiques. Et j’aime les beaux énergiques. Et pareil pour les femmes.
Entendez-vous cette musique ? C’est la « Sérénade pour instruments à vent K 362», de Mozart. Cela suffit je crois.
Je hais les hommes qui crient. J’en ai peur. Le malheur du monde vient de ce que les hommes ne sont pas assez féminins. Ils ne sont choqués par rien. Ce sont des brutes. Moi, je suis choqué par tout. Le bruit m’effraie, comme un animal traqué. Je ne comprends pas les hommes. je n’aime pas leur grossièreté, leur vulgarité, et pourtant les femmes suivent, et pourtant elles n’apprécient pas leur violence, leurs mœurs, mais adorent la virilité qu’elles expriment. Aussi sont-elles toujours frustrées. De combien elles préfèreraient une force virile qui ne se traduirait pas par d’abjectes manifestations. Les hommes, sont, la plupart, obscènes, et les femmes répondent à cette obscénité par l’ardeur qu’elle représente mais elles n’aiment pas l’obscénité. L’amant idéal est un être à la sensibilité féminine dont le sexe puissant n’a pas envahi toute la personnalité. A la fois homme par son sexe et fin par l’orientation qu’il le lui a fait prendre, voilà l’homme non détériorée par les monstruosités communes. Le sexe est présent mais il est réuni à l’esprit qui l’a magnifié ;
Voilà ce que je suis, un homme qui comprend les femmes, sans effort.
Comment faire Italien, comment être Italien si je suis chauve ? Comment ne pas, alors, virer au grotesque ? Beauté et calvitie, mot affreux, me semblent incompatibles.
Ecrire, oui, mais pas s’enfermer dans l’écriture, comme ces intellectuels que je combats. Respirer le soleil comme Mishima et Montherlant.
Furieux d’avoir des examens, je devrais être noble, sans être contraint à ce genre de travaux forcés. Perdre plusieurs heures, m’épuiser quatre heures par jour, pendant la durée d’une semaine, m’épuiser, m’échiner et tout cela pour ne rien créer, mais récapituler ce que je sais déjà, quel inutile devoir, quelle effroyable perspective, une semaine de gâchée, voilà un résumé de ma vie. Tout ce qui n’est pas de l’ordre du sexe ou ne le favorise pas directement est inessentiel.
Que de rapprochements entre ces deux peuples, les deux seuls pays, avec le Japon, et peut-être la Russie, dans lesquels même la foule ignorante possède quelque aptitude à apprécier l’art : j’ai nommé l’Allemagne et l’Italie.
En fait, je ne dois relire mes textes que pour juger s’ils sont communicables, mais indépendamment de la valeur de leur contenu, car je risquerais fort de m’y attacher, de vouloir les conserver, les protéger. Ils deviendraient un poids pour moi et aggraveraient mes angoisses au lieu de les alléger.
C’est tout de même bien malheureux de se voir penser : « Hélas, tout ce que je forme, tout ce que j’écris, se transforme irrémédiablement en or, en quelque chose d’essentiel ».
L’écriture me permet de me soulager d’une image de dur qui n’est pas moi et ne l’a jamais été. Comme je comprends Descartes et Pangloss : « Pour vivre heureux, vivons caché ! »Sa propre réputation, toujours éloignée en quelque sorte de la réalité, oblige l’être à la copier, car cette affaire de réputation devient vite affaire d’identité, donc de survie. Qu’y suis-je ? La compagnie des autres hommes ne saurait apporter de réponses à cette question. Préférable est une haute considération qu’une dévalorisation de la part des autres hommes, mais la condition la meilleure, c’est l’absence de tout jugement. Pauvre jeunesse ! Ils osent, ces conformistes, comparer Bob Marley avec Bach, Mozart, Beethoven ou Wagner.
Le nivellement des valeurs annoncé a eu lieu : « Je voudrais prévenir sous quels maux nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde. Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux tournant sans repos sur eux-mêmes afin se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme ». Tocqueville
Quelle sombre égalité ! Sacrifice des élites.
« Je vous méprise étudiants, parce que vous, les révoltés, vous êtes finalement fils de riche, j’aime les flics, car quel que soit leur état, ils sont fils de pauvres ». Citation légèrement modifiée de Pasolini.
Les étudiants n’ont plus qu’un seul modèle de vie : Le confort.
S’ils ont toujours été stupides, ils n’ont jamais paru à la fois si naïfs et si dénués d’idéal. Incultes, on leur fait tout avaler.
S’ils ne croient plus à la religion, ce n’est pas parce que leur science la dépasse, ou qu’ils pensent qu’ils la dépassent, c’est parce qu’amorphes, ils sont, sans être positivistes, inaptes à la métaphysique. Ils sont donc devenus des riens amorphes.
Consternation, quand devant une émission de télévision, je vois un amphithéâtre entier de polytechniciens fascinés par un hypnotiseur. Pauvre Kant ! Que penserait-il s’il voyait que les élites françaises n’ont pas atteint l’âge du métaphysique, toujours dans le fantastique. Et puis, il serait capable d’hypnotiser et même de léviter, quelle belle affaire ! Cà n’ôterait pas le problème de la mort. Et puis, il y aurait une raison, une explication, qui réduiraient une illusion de surnaturel en un phénomène naturel. Tout est naturel dans les actions relevant du monde sensible. Tout a une cause physique, scientifique. Pas de mystères.
Qu’il m’est réconfortant de rencontrer un équivalent. Réaction de Montherlant dans une salle de cinéma : stupéfaction face aux réactions d’un parterre d’étudiants. Quoi ! Est-ce possible que des hommes instruits rient devant de telles niaiseries, une telle vulgarité, une grossièreté si abjecte ?
Sensation de supériorité qui n’efface pas un sentiment de malaise, de dégoût si compréhensible. Ainsi, vraiment, voilà confirmé le primat de la nature sur l’éducation. Une nature sensible, où qu’elle apparaisse, et vibrante, se trouvera plus élevée que les autres. Mais envoyer une brute s’élever en polytechnique, vous n’en tirerez aucun fruit. C’est pour cela que l’évolution est si faible. Finalement, Montherlant n’avait pas tort quand il faisait l’apologie de la guerre, comme étant purificatrice des niaiseries de la pitoyable vie bourgeoise, aristocratique et ouvrière. Mais cela montre le peu de valeur de ces hommes qui ont besoin d’une guerre pour se révéler, alors que les hommes estimables n’ont pas besoin de ce type de guerre. Celle qu’ils vivent constamment les dispense d’un risque de destruction physique, car ils entretiennent leur force naturellement. En tous lieux, à chaque instant, l’angoisse qui les étreint, la tension qui les anime, les conservent énergiques et bouillonnants.
Incroyable les similitudes qui existent entre les femmes et moi : même aversion pour les sports d’équipe ( j’ai peur du ballon ) ; même répulsion pour la vulgarité, la grossièreté de la plupart des hommes ; même crainte des armes à feu, de tout ce qui est violence ou bruit ;haine de la paillardise, anti-rabelaisien au possible ; même soif de distance ; même appétit de lecture ; rougeurs nombreuses et intempestives ; goût des chansons d’amour, même un peu niaises ; pudeur très marquée etc
Si j’aime les femmes, sexuellement, affectueusement, je ne suis subjugué par la beauté d’aucune. Je suis totalement étranger à leur beauté. Les plus belles mannequins, ou actrices me plaisent en tant que femmes mais non pour leur beauté. Quand j’aime une actrice, soit parce qu’elle me touche, attire ma sympathie, soit que son charme me sensibilise, je n’en suis pour autant pas fasciné. Mais les acteurs, eux, me fascinent. J’ai mes idoles que je vénère. Parmi elles, Nakadaï, Tcherkassov, Kinski, Rutger Hauer, Peter O Toole, Pierre Clémenti, Vittorio Gassman, Marlo Brando, Grégory Peck, Helmut Berger, Victor Mature, Burt Lancaster, et d’assez nombreux inconnus.
Mais, quand j’apprends que les idoles de certains, beaucoup, sont Lino Ventura, ou Steve Mac Queen, je ne comprends qu’avec peine pourquoi un tel choix. Quels acteurs sont-ils ? Quel absolu dans leurs yeux ? Quelle tristesse irrémédiable ? Quelle folie ? Quelle passion ? Quel art, enfin ? Quel Dieu ?
Je crains pour mes cheveux. Je vois des petits gros qui sont chauves. Les homme comme moi les méprisent généralement. Il faut vaincre cette tendance naturelle. Mais quel malheur de se voir bientôt chauve, tout décrépi ! Et pourtant, il y a bien pire. Perdre une jambe par exemple, ou perdre l’esprit, ou la vue, ce qui risque aussi de m’arriver, mes ancêtres perdant assez régulièrement la vue ou ayant de sérieux problèmes à la conserver. Cependant, ces gros ou maigres chauves et barbus, profs de physique la plupart du temps, qu’ils sont laids et peu passionnants, peu passionnés, peu émotifs. Plutôt la mort que leur ressembler. Est-ce que je veux signifier que leur vie n’a aucune valeur,, aucune importance. Non, car, avec eux, il faudrait nier la qualité, l’intérêt que représentent, que sont les animaux. Cependant, tout est affaire de comparaison, et quand on est au sommet, on n’a pas envie de dévaler la pente, ou au moins on préférerait la descendre par le côté opposé à celui par lequel on s’est hissé au sommet.
Quelle effrayante, effarante constatation, que ma place dans l’Univers et celle des hommes qui me sont proches, car, s’il y a de fortes chances pour que l’homme soit la créature la plus aboutie de l’Univers, et s’il s’avère qu’on a la plus forte sensibilité, émotivité, réceptivité, on est donc le plus hautement situé parmi les hommes et ainsi, nous, notre petite individualité, aux hommes élevés, c’est, malgré notre fragilité, l’aboutissement actuel de l’Univers, ce qu’il compte de plus élevé, de plus complexe, de plus achevé. Aussi, quel vertige lorsqu’on en prend conscience, et quel redoublement d’angoisse face à la mort, qui nous fera perdre tout çà. Et après, nous serons moins que les barbus incapables ( même si ce n’est pas de leur faute s’ils sont inaptes à la passion ) que nous critiquions, et moins même que les chiens. Nous vaudrons moins que les larves, et que les bactéries qui y grouillent. Le Cid n’est resplendissant que vivant ; mort, il l’est pour les vivants, mais en lui-même, il vaut moins que le plus infâme des personnages.
La folie, voyez comme je la crains toujours. Gare à mes exaltations proches parfois, peut-être, de simples élucubrations. Même misanthropes, cultivons l’altruisme, même non-croyants, cultivons la foi, même fous ( par l’enthousiasme s’entend ), restons calmes, et contrôlons-nous, même lucides sur la mort, agissons comme si nous ne savions pas, ou comme les plus illustres stoïciens. Prenons-les pour modèles, et si cela est trop dur, sauvons-nous, atténuons nos souffrances, magnifions-les par l’art.
La folie me rattrapera-t-elle ? Suis-je complaisant ? Il faudrait que le stylo me tombe des mains. Il tient bien encore et s’il en échappe, alors la cause sera davantage une attaque
S’accepter ! Accepter sa timidité infamante . Mais si nous sommes infâmes, abjects, qu’est-ce que s’accepter ? Ou nous ne pouvons devenir abjects si nous ne nous acceptons pas car cela relève d’une attitude combattante, audacieuse. Mais alors, c’est s’accepter qui est criminel. Non, accepter quelques défauts ne nuit pas nécessairement à l’orientation générale, au tout de la personnalité. Ainsi, moi, j’aimerai, après avoir forcé ma personnalité vers le dur, qui n’est pas moi, afin de me protéger, de survivre, j’aimerai retrouver ce qui est le fond de mon caractère, l’exprimer, extérioriser ma sensibilité maladive, ne plus la cacher. Cependant, je ne désire pas être envahi par une faiblesse démesurée comme autrefois, mais je souhaite garder un minimum convenable de contrôle. Il n’est pas question qu’une timidité à nouveau excessive annihile totalement mon être et ma vie. Cela dit, je ne me suis jamais totalement éloigné de cet état. Mais j’aimerai ne pas avoir constamment à rougir car je trouve cela très laid chez les autres hommes. Je me demande d’ailleurs comment j’ai pu plaire malgré cela. Et puis, j’aimerai articuler, et ne pas bafouiller.
« Il y a plus de différences d’homme à homme que d’homme à bête » Montaigne
D’accord, et cet écart entre homme à homme est pour moi vrai de tous les hommes qui ne goûtent pas l’art. Cependant, mettons le hola, et restons Chrétiens.
Si j’avoue que je comprends mal les vieillards ou les adultes moroses quand je les vois assis dans une bibliothèque, on ne saisira pas pourquoi. C’est simplement, je crois, que je n’ai pas envie de leur ressembler. Quel immense orgueil que de ne vouloir ressembler à personne qu’à soi et à une poignée d’hommes ! Ma superbe est bien loin de la charité Chrétienne, de l’humilité. Et d’ailleurs, s’il m’arrive un accident qui me défigure, qui me broie le corps entier, qui m’enlève une partie plus ou moins développée de conscience, cela rabattra, beaucoup, ma fierté, ou plutôt la valeur que je crois mienne, la place qui me semble me revenir. Cependant, écrire toutes ces horreurs ( ce n’est pas sûr qu’elles le soient ), m’enlève des angoisses bien lourdes, les atténue au moins. Cela certes, pour dire à quel point mon âme est déjà largement pourrie. Seulement, dans ce cas, les principaux écrivains partageaient presque tous, peut-être tous, ce cruel jugement que je pratique sur moi, ce qui est, tout de même, peu probable, certainement pas indubitable. Comment ! Les hommes les plus raffinés, les plus délicats, seraient coupables par leur pudibonderie même, par leur prévenance, leur lucidité, et les rustres, les brutes, les sadiques dans leurs actes, qui ne se repentent pas, les violeurs, les cruels, les incultes ( moins importants ceux là ), les indifférents à leur propre sort aussi bien qu’au sort d’autrui, seraient les premiers au Royaume. Mais si c’était le cas, que Dieu me fasse, m’aide à faire tomber les écailles des yeux pour que je vois clair et que je sache. Et si le pourquoi est interdit, alors, s’il me reste des yeux, je m’en vais pour pleurer, et je suis consterné, atterré, affligé, cloué ( avec la retenue qui s’impose pour ce dernier terme ).
Si l’écriture enveloppe le folie en puissance, quelle joie. Si elle ne l’étouffe pas, ou plutôt si elle ne sait pas l’orienter, la magnifier, si la folie potentielle, objective, par représentation, s’actualise, se formalise ( devient actuelle, formelle ), si elle déborde l’écriture, de manière autre que sa canalisation par une forme d’art équivalente, ou supérieure ( ou pourquoi pas, moindre, si le peu qui a débordé n’a pas entraîné tout le reste, et donc se suffit d’une puissance accessoire ), alors c’est atroce, et n’est-ce pas, en tant que gens civilisés, ( et nous serions sauvages, ce serait le même chose, cela ne nous exempterait pas de notre devoir ), il faut éviter cette atrocité toujours possible pour l’homme, y compris, peut-être surtout, peut-être moins sûrement, pour l’homme qui, se considérant homme comme il juge les criminels et autres psychopathes hommes, a réfléchi sur la raison des actes de ces hommes, qu’il n’a peut-être pas bien su cerner d’ailleurs, peut-être que si, mais en tout cas qui fut sérieusement troublé par le fait que si eux, hommes, ont commis des actes barbares, pourquoi lui, homme, il ne tomberait pas dans cette folie meurtrière.
Qui est-ce que je suis, moi ? Qu’est-ce qui me définit, quelle est ma personnalité ? Mon caractère, je le connais, mais résume t il l’intégralité de mon être ? Celui-ci peut-il être subsumé sous mon seul caractère, ou y a-t-il autre chose ? Ce sont ces questions, dont l’enjeu fut compris profondément par moi, à sa racine même, ou presque, ou au delà, qui m’ont valu les pires problèmes que j’ai eu. La crainte du dédoublement, de la possession du moi que je connais par un autre moi qui n’est pas vraiment moi, et qui est en plus mauvais, d’où le fait que ce problème doit résulter non d’une illusion, mais d’un sérieux problème psychologique, est la pire ou une des pires épreuves que je connaisse.
Non pas se sentir autre, mais sentir qu’un autre va prendre la place du « se sentir » et que c’est un autre qui « se sentira », d’où le fait que le premier soi, le seul qu’on connaît, le seul à qui on tienne va ou risque de disparaître. Cela est tout bonnement effrayant. Je crois que c’est ce qui se passe dans « Le Horla », mais était-ce du fantastique ou en partie vécu ? C’est aussi, je crois, un thème de Dostoievski dans un de ses livres « Le Double ». En a-t-il ressenti les symptômes, l’angoisse ? C’est aussi « L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde ». Pourquoi faut-il que les plus grands génies souffrent tant ? Pour qu’ils soient génies et parce qu’ils le sont. Mais les autres, leurs compagnons de souffrances ? Peut-être qu’ils sont, aussi, géniaux, peut-être qu’ils souffrent moins, peut-être sont-ils responsables de leur folie, peut-être leur folie n’est pas celle des génies et là aussi, ils souffrent moins etc