Quand on meurt, on se fond avec l’Univers, on nourrit le grand Tout, mais si on est pas conscient alors, on ne sombre pas dans l’inconscience non plus, mais on est placé dans un au-delà de la conscience justement indéfinissable. Aussi, en pleine contemplation, d’où part la puissance ? De l’au-delà de la conscience dont on retrouve une partie seulement et dont nous jouirons encore davantage quand nous en serons partie intégralement incorporée ou de la conscience que nous avons de la perception de l’au-delà de la conscience, dont nous ne sentirions alors plus rien après la mort et cela adviendrait au néant ?
En fait, l’homme dispose d’une capacité d’auto-contrôle l’empêchant, même quand il suspend le cours de ses pensées, de reprendre le comportement animal. Il s’agit donc bien d’une supra-conscience lui permettant d’atteindre l’au-delà de la conscience indéfinissable. Et tous, les bons et les méchants, nous retournerons à Dieu, et cela est la justice suprême, une équité parfaite qu’on ne peut saisir qu’après s’être immergé dans l’indéfinissable divin.
La jouissance vient-elle de la perception de l’au-delà de la conscience directement, ou de la conscience qu’on prend de la perception de l’au-delà de la conscience ? Dans un cas, cela veut dire que l’au-delà de la conscience dominerait notre conscience actuelle et que la félicité serait totale quand nous serions arrivés à l’état de pure perception, dans l’autre, que notre conscience actuelle serait la cause de notre félicité condamnée alors à cesser. Seulement, si effectivement, c’est celle qui permet l’élevation de notre âme lors de notre vie, rien n’empêche que la suppression de notre corps entraînant la fin de toute conscience personnelle, produise un effet particulier qu’on ne pourrait définir et qui n’appartiendrait qu’au monde de la sensation.
Quand l’homme supprime pour un temps les images et la pensée qui lui traverse l’esprit, sa puissance de conscience, curieusement, se conserve grâce à une capacité spécifiquement humaine et on assiste à un transfert de force entre la suppression de la conscience classique et l’émergence d’une supra-conscience en phase avec le divin, l’au-delà de la conscience, qui seul véritablement apaise.
Comment les organes nous déterminent ? L’essentiel de l’envie mystique est conditionnée par les yeux, créant l’envie de redonner aux objets que l’on perçoit leurs vraies valeurs, par la suppression d’une perception limitée et subjective, remplacée par la perception divinement objective, et ainsi de ne faire qu’un avec l’extérieur perçu. Mais si on ne peut plus le percevoir par la vue, l’envie de fusion diminue nécessairement, car elle se limite aux organes de puissance inférieure.
Je vis avec l’angoisse de perdre ma sensibilité, où d’en perdre la force qui m’a conduit jusqu’ici à chercher avec une telle ardeur, le bonheur en Dieu. Car si je sais, qu’en perdant l’envie du progrès, ma personnalité serait tellement différente que je n’en souffrirais pas trop, et qu’en redevenant commun, je ne serais plus affligé par tout ce qui ne l’est que trop, je perdrais malgré tout beaucoup, car la félicité promise resterait le plus haut point de la vie humaine et je n’y aurais plus droit.
Quand je m’analyse et constate mon niveau de pensée, je le juge ni bon, ni mauvais, simplement moyen. Mais alors, je me promène dans les rues, entend les gens parler, lit des articles de journaux, et je me surprends à leur être bien supérieurs. Car que penser d’une société, et je vise en même temps la démocratie, ou quarante-sept pour cent des gens croient aux lignes de la main, et donc représentent quarante-sept pour cent de débiles légers. Car si quarante-sept pour cent de Français ont ce niveau, rien ne nous indique que les cinquante trois pour cent restant sont bien plus élevés.
Jésus a dit : « Avant de pouvoir ôter la paille qui est dans l’œil de ton voisin, ôte la poutre qui est dans ton œil ». Moi, je dis : « Même si tu n’as qu’une paille dans ton œil, n’essaie pas d’ôter la poutre de l’œil de ton voisin, car comment jugeras-tu que c’est une poutre puisque la paille dans ton œil t’empêchera la vision claire. Ainsi, il te faut ôter même la paille pour atteindre l’objectivité et te permettre de juger, car d’autre par, qui ne te dis pas, tant que tu as une paille pour t’obstruer la vue, que ce n’est pas une poutre que tu as ? Tu ne le peux savoir qu’en supprimant la brindille la plus imperceptible, et alors tu verras. »
Si les résultats de la révolution sont négatifs, il y a un bilan doublement négatif, le massacre et ses suites. S’ils sont neutres, il y a un bilan négatif, le massacre. S’ils sont positifs, ils ne font que compenser le massacre. Le bilan n’est donc neutre que sur ce troisième point et encore, en apparence seulement, car la monopolisation des forces vives sur un certain laps de temps aurait pu être dirigée d’une meilleure façon que l’annihilation pure et simple de ses actions.
Ce qui me fait douter ? Quand on écrase un moustique, a-t-on l’impression que son âme a réincorporé l’absolu, quand on égorge un poulet, puis quand on le mange, après l’avoir bien scruté dans son assiette, a-t-on l’impression que son âme a réincorporé le grand Tout ? Honnêtement non, et comme je pense qu’il advient le même sort à tous les êtres vivants après leurs morts malgré leurs différences corporelles, c’est soit le néant qui les et nous attend, soit mon impression est fausse et je n’ai pas su saisir l’essence du moustique quand elle s’envolait, soit que je me trompe sur les destinées de l’être humain qui sont particulières mais hélas mes raisonnements me font opter pour l’effroyable néant.
J’aimerais savoir si le désir de conserver mes textes m’empêche d’agir ou si c’est mon incapacité à agir qui a été la cause de la création de ces textes. Je pense que c’est lié, mon manque de sens pratique favorisant mon immersion dans le monde de la lecture et de l’écriture, mais mes capacités d’imagination et de rêve extraordinaires m’empêchant de la moindre débrouillardise par incapacité d’aucune décision ou d’aucun choix. Cependant, j’aimerais savoir si, comme je me le prétends, mes textes étaient connus, publiés, connus et admirés, je laisserais tout partirais ou au contraire s’ils ne servent que d’alibi à mon inaptitude à me lancer concrètement dans le monde. C’ est pour cela que je souhaite si ardemment rencontrer l’être qui saura les comprendre et à qui j’aurai envie de les montrer. Et je crois qu’il ne pourra être que sage, dépassant toutes les frustrations et tous les doutes, ou alors il deviendra fou, à moins que ce ne soit une femme, qui devrait alors m’aimer et que moi aussi je devrais aimer, ou encore si c’était un homme de mon âge, il faudrait de multiples conditions, qu’il soit intelligent, qu’il aime les femmes, qu’il ait une culture classique apparentée à la mienne et le même genre de goûts et de sensibilité, qu’il soit furieusement attiré par Dieu et tout ce qui est au-delà et il faudrait enfin que j’en ai confiance et que je l’aime. Ce serait les conditions nécessaires pour qu’il ne sombre pas dans le désespoir le plus noir et la monstrueuse folie et pour que je puisse tout lui montrer.
L’espérance, c’est quelque chose qui ne se commande pas, quand on la perd, on peut faire semblant d’y croire mais on n’y croit pas, on n’y croit plus, et si on espère à nouveau, c’est qu’on croit à nouveau, mais on n’est pas responsable de cela, simplement quelque chose s’est débloqué en cette vie, et tout n’apparaît plus vain. Car le véritable désespoir, si on n’y peut rien, ce n’est pas tant par la croyance qu’on a de ne pouvoir réaliser ses rêves que par le fait de n’avoir trouvé aucune raison qui prouverait que toute action n’est pas futile, que tout rêve n’est pas utile et vain, que la mort n’y nuit pas et que sa logique n’exclue pas celle de la vie. Et si l’homme retrouve l’espoir, c’est soit qu’il aime, soit étant seul et trouvant dérisoire d’aimer, qu’un obstacle lui rendant la vie incompréhensible est résolu, jusqu’au prochain qui lui fera de nouveau perdre l’espoir, car même l’espoir de le résoudre sera anéanti car jugé superficiel et non décisif pour la lutte incessante que la vie réclame. Ainsi, la perte d’espoir entraîne aussi la perte de l’espoir de le retrouver, de tout espoir donc, et c’est alors le terrible désespoir.
Je salue ces hommes divins dont l’obsession du sacré a conduit à de grandes œuvres, à changer nos consciences, à les élever, à y replacer une part du divin originel, et par la compréhension non de ce qu’on devrait tenter de dépasser le dépassement et montrer ce qu’on aurait trouvé, mais jugeant cela inatteignable et donc non montrable, du cheminement par une voie parallèle, pleins d’ardeur et animés d’un mystérieux don, jusqu’à sentir ce qu’il faut sentir et parvenir à nous le rapporter intact, et cela donne les paroles par Bouddha, par Jésus, le yoga par Patanjali, l’aïkido par Ueshiba, les divins écrits par Dostoïevski, la divine musique par Mozart, l’expression visuelle de la bonté incarnée dans le cinéma par Pasolini, et je loue en particulier ces artistes qui par la grâce d’un son, d’une image, de phrases particulières nous font instantanément redevenir plus simples et plus humains, car si le moustique n’a pas à redevenir moustique, l’homme a à redevenir humain car ces questions qui le tourmentent l’empêchent de jouir et pourtant sont inévitables mais elles l’ont perverti et il doit se retrouver et aimer cela et certaines œuvres ont ce pouvoir de tout faire comprendre, même les questions les plus hardies, mais d’une manière inhabituelle et bien plus riche, car ces questions deviennent comme inutiles et la réponse est qu’elles sont inutiles mais la démonstration est convaincante et les questions devaient être posées, il fallait passer par là pour comprendre, et ces œuvres centrent l’homme en ce qu’il a de bon, de grand, et de fort et font office de réharmonisation des énergies et de juste circulation de celles-ci sans cela dispersées, sans pratiques méditatives prolongées néfastes à l’homme incapable de s’en servir par une distribution harmonieuse et équilibrée.