Si j’ai exposé en de nombreux textes pourquoi l’existentialisme athée ne pouvait rendre compte de la liberté, et qu’un monisme matérialiste ne pouvait être humaniste au sens Sartrien, c’est-à-dire qu’on peut considérer que les hommes sont peut-être doués d’une valeur et de propriétés spécifiques, mais qu’en aucun cas l’existence précède l’essence en l’homme, car il n’existe que des corps qui font les hommes, que ces corps fluctuent, et que l’existence d’un pour soi signifie émergence d’une complexité psychique supérieure à partir d’un arrangement corporel particulier, mais certainement pas libre arbitre , et que l’homme n’est pas libre parce qu’il est homme et homme parce qu’il est libre (je ne vais pas développer , il suffit de se reporter à mes textes nombreux sur la liberté, le matérialisme radical ou Sartre) je me suis peu servi de cet angle existentialiste athée pour nier l’égalité entre les hommes. Or, c’est curieux, car Sartre a adopté là-dessus un point de vue complètement religieux. Pour les Chrétiens, par exemple, ou les Bouddhistes, l’égalité se fonde sur le fait qu’en tout homme, et malgré les différences, il y a Jésus, ou Bouddha, comme puissance actualisable, et cette part prime sur les inégalités de capacités. D’où la responsabilité, mais aussi l’égalité fondamentale. Sartre a repris cette idée. Il écrit notamment à la fin des Mots : « Si je range l’impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il ? Tout un homme, fait de tous les hommes, et qui les vaut tous, et que vaut n’importe qui ». Et c’est logique, ce nivellement, car si l’existentialisme Sartrien a exactement les mêmes vues sur l’homme que les Chrétiens ou les Bouddhistes sur ce point précis de l’égalité, c’est parce qu’il considère que malgré les variétés individuelles, en chaque homme l’existence précède l’essence, donc l’homme se fait lui-même, il est libre, et cette caractéristique l’emporte en valeur sur les inégalités « matérielles », organiques, et elle fonde l’égalité entre les hommes, l’humanisme Sartrien, elle joue le rôle de l’âme chez les Chrétiens, l’immortalité en moins. Mais d’un point de vue scientifique, il n’y a que des corps aux capacités variées et évolutives, et rien d’autre, et l’existence ne précède pas l’essence en l’homme, et même si cela était, ce ne pourrait être en tous les hommes pour des causes purement organiques. Et si Sartre fait de la liberté, et donc de l’égalité la définition de l’homme, en exclurait-il tous ceux dont le corps détruit ne permet plus cette émergence ? Et à partir de quel seuil de complexité cette émergence est-elle rendue possible ? En fait, Sartre n’a même jamais analysé cette émergence, les conditions de possibilité de son effectuation. Tout dans sa pensée est donc vicié, son existentialisme est risible, et son marxisme, pourtant parfois pertinent, reste empêtré dans les impasses de sa première philosophie. Quant au marxisme, s’il n’est ni une science, un processus sans sujet au sens Althussérien, ni un processus avec sujet au sens Sartrien, il n’en reste pas grand chose.