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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 00:34

Une ouverture, un espoir, je prends mon sac, quelques biscuits, du pain de mie, des céréales, boîtes de conserves et de l’eau : trois litres. La solitude, la transcendance est à ce prix. Dans le sac, en plus de la nourriture, du travail d’écolier, des feuilles pour noter tous les faits et les sensations vécues chaque journée, deux livres « Les souffrances du jeune Werther » de Goethe, « Le mont analogue » de René Daumal, quelques habits de rechange, un duvet, et un jogging pour que le corps, lui aussi, participe à l’oubli. La route est longue, je ne sais où aller. Est-ce bien raisonnable ? Notre époque est dangereuse. Le sac, de plus, pèse bien quinze kilos. Mais je continue, sûr de l’incomparable différence entre ce que je peux gagner, tout, et ce que je peux perdre, c’est-à-dire rien. Douze kilomètres après, le tout à pied sous un soleil de plomb, et m’étant fait assaillir par une bande d’araignées intrépides lors d’un arrêt, je trouvai enfin l’endroit idéal en un ancien lavoir, tranquille, placé suffisamment à l’écart de tout village pour jouir pleinement de la nature et du silence indispensable. Je suis en première au lycée, je pense donc à Rousseau. Comme il me ressemble en ce moment, je m’en sens vraiment très proche, car je l’aime Rousseau, surtout à ce moment-là. Je vais enfin pouvoir vérifier concrètement (ou plutôt revérifier) des bienfaits de la sainte protection des étoiles et de leurs bénéfiques influences sur les rêves. Tel un clochard céleste, démuni mais la tête remplie de références livresques, je peux m’adonner à la contemplation. Je regarde, je vois, mes yeux sont littéralement aspirés par ce qui m’entoure, il n’y a plus que moi et la nature. Il n’y a plus de moi, il n’y a que la nature. Moi fondu, absorbé par elle, sans ma conscience habituelle mais pourtant conscient de ce qui m’arrive. Sentiment merveilleux, exprimable, mais non communicatif, qui transforme et qui change toute l’optique de vie. Impression si merveilleuse que tout le reste paraît fade, trop fade, voilà le revers. Le retour est agréable mais dès les frontières de la ville franchies, le bruit infernal, l’absence de moustiques géants que bien qu’on répugnait, on apprit à aimer ; les visages tristes et inquisiteurs la morne perspective de la routine, tout cela concourt à une déstabilisation gravissime et terrible. Mais, l’expérience m’a montré où se trouve les clés du bonheur, elles ne sont pas difficiles à trouver. Un jour, j’y retournerai, un jour…

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