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19 octobre 2015 1 19 /10 /octobre /2015 01:47

Chère maman, cher papa je pense à vous d’où je suis et toi aussi petit frère, ce n’est pas trop dur pour l’instant mais j’ai un peu d’appréhension. Arriver jusqu’ici a presque été un calvaire, mon sac n’est pas du tout adapté. Je tenais bien du côté droit mais je dois avoir une carence du côté gauche car je n’ai pas pu le porter plus de cent mètres à chaque fois de ce côté. Mais enfin le sac a tenu, ce n’est que le commencement. j’ai bien failli m’arrêter au bout de cinq kilomètres, je n’étais plus du tout sûr d’arriver à termes. Je me suis arrêté, ai mangé un peu (du pain de mie et une barre de chocolat), j’ai aussi lu le premier chapitre du Mont analogue de René Daumal. C’est spécial, je n’étais pas sûr d’aimer au début mais j’y ai pris goût, il est vraiment spécial, mais enfin vous verrez. J’ai pensé me coucher un moment là-bas mais l’endroit n’était pas idéal. A peine me suis-je installé qu’une énorme araignée m’est montée dessus. Autrement je suis content, j’ai parlé à une dame âgée, je lui ai plu, une belle femme mûre m’a sourie. Je me suis entraîné un peu, et là je vous écris. Je ne sais si l’on voit la nuit ici mais le bruit de l’eau est si intense que je n’entendrai pas ou peu les bêtes, je préfère car j’avoue en avoir un peu peur. J’espère que les ragondins ou les serpents s’il y en a ici ne viendront pas me voir de trop près… et qu’ils n’attaquent pas l’homme. Il y a des chevaux à côté, je vais les voir. Il est 19h10. Je vais manger bientôt, certainement une boîte de thon ou de bœuf avec du pain de mie et peut-être une barre de chocolat. Pour le reste, je vais certainement lire quelques chapitres de Daumal, peut-être le finir. Et pourquoi pas, jeter un œil dans mes bouquins scolaires, j’en ai amené. Pour l’heure je vais voir les chevaux et essayer de m’en faire des amis. Un chien loup m’a aboyé dessus tout à l’heure et par un regard, naturellement gentil et bon je pense, je l’ai calmé. Je me sens un peu comme Rousseau ici mais le but n’est pas le même et je crois bien qu’il n’a fait qu’une nuit de belle étoile, le reste en hôtel !
Voilà, pensez bien à moi, je pense à vous, faites attention sur la route et n’oubliez pas : la fortune aime les hommes qui savent se jeter à l’eau et dire d’un ton ferme et assuré : Alea jacta est, le sort en est jeté (je le dis aussi un peu pour me rassurer).
Et toi petit frère, travaille bien, ferme bien les portes, protège-toi et pense à moi je pense à toi !


J’ai bien dormi, c’est vrai la nuit a été difficile mais je n’ai ni été poignardé ni inquiété (trop) par les bêtes et la nuit n’a pas été, sur toute sa longueur, blanche. Le banc de pierre est très dur, j’ai dormi essentiellement d’un côté, car de l’autre un ruisseau coule (le « cloître » est presque inondé). Je crois que je vais maintenant alterner les deux côtés car si je veux rester intact après mon long retour il ne faut pas que je parte ayant trop mal au bras droit, l’essentiel de ma force s’y concentrant. Ainsi je pensais avoir mal aux biceps, muscles utilisés pour porter le sac et même être aujourd’hui, peut-être, pratiquement invalide, mais j’ai mal au dos et sur tout le côté du bras droit (versant triceps). Les jambes, normalement atteintes, ne me posent aucun ennui. Des jeunes sont venus me voir hier vers 22h15, il fait presque nuit. Nous avons lié conversation, 3 sur 4 présents étaient en seconde technique à Paul-Guérin, ils m’ont offert une cigarette, j’ai mangé avec eux ma boîte de cookies. Je comptais l’ouvrir après mais j’ai prévu les imprévus, comme mon duvet qui malencontreusement ce matin est tombé dans l’eau, je l’ai mis à sécher au soleil et rapidement le mal fut réparé. Heureusement, nous n’étions pas en hiver. Mon duvet s’est coincé quand il fît nuit, j’ai bien allumé mon briquet 3 fois mais de peur d’attirer tous les animaux et insectes j’ai préféré m’en arranger et l’ajuster au mieux. Ainsi ma fermeture-éclair s’arrêtait, dans mon dos, à hauteur de ma poitrine environ, un peu plus bas, vers mon nombril. Parfois de l’air froid s’engouffrait à l’intérieur mais point trop dur et pas de serpent. J’ai, malgré tout, mis du temps à m’endormir, peut-être une heure, et me suis réveillé à maintes reprises, 4 ou 5 fois, si ce n’est plus. Dont une fois pour aller, vulgairement, pisser. La nuit par contre n’est pas comme je me l’imaginais, toute noire, il y a bien un réverbère à 150 mètres, mais inefficace d’ici. Peut-être la lune… elle est belle mais j’aurai, certainement, d’autres occasions plus chaleureuses de la contempler, en bonne et charmante compagnie j’espère.
Le jour n’est plu aux environs de 22h15 et la nuit s’en va, légèrement et très imperceptiblement à 5h pour commencer, plus sérieusement à 6h, et totalement et définitivement à 6h30. J’ai attendu le jour avec impatience (pour me lever) et, finalement, fourbu, j’ai prolongé la grasse matinée jusqu’à 8h.
Petit déjeuner jusqu’à 8h35 (bien équilibré : biscuits gerblé très nourrissant et bon, pain de mie et eau, il manque le lait). Entraînement et fin du livre Le Mont Analogue. Bonne expérience, marche et pensée similaire à Rousseau. Midi, bon repas, pâté pur porc et pain de mie, n’en ai pas mangé la moitié, boîte énorme, pour 4 ou plus raisonnablement pour 2, manque de cornichons. Salade niçoise mangée jusqu’au bout, avec les olives noires., j’ai apprécié. Barre de chocolat et eau. Fin plus complète du livre Le Mont Analogue (notes de l’éditeur) et ballade, conversation avec les chevaux, gentils mais costauds, de véritables monstres. Ce ne sont pas les chevaux d’à côté, introuvables, mais de derrière le parking, un homme rencontré m’en a parlé, ce sont les siens, l’avantage est que l’on peut aller dans l’enclos, ouvert au public, un homme peut passer, pas un cheval. Je les ai donc caressés ; gare aux coups de pattes cependant. Mais ce sont presque des potes de longue date. Une jument a l’air effarouché a eu un peu peur de mais j’ai l’air de lui plaire, attention à la jalousie des 3 autres. J’ai rencontré une famille qui visitait le château, il y avait une jeune fille, celle-là je n’ai pas eu l’air de lui plaire, normal avec mon jean sale, mon air sauvage, mes cheveux sans doute bourrés de pellicule et en bataille et ma barbe avec des points blancs certainement impressionnants. Pour l’heure, j’ai l’intention de bosser en histoire (contrôle lundi) et ensuite d’entreprendre une expédition à Ternanteuil pour trouver de l’eau : un robinet ou la bonne « charité » des gens fera l’affaire. En effet, sur les conseils de mon très jeune frère je n’ai amené que 3 litres, j’en aurais bien bu 6 ! Mon frère, merci ! Cependant il avait raison, 1L5 de plus à porter et c’était trop. Je vais tâcher de trouver une poubelle pour mes détritus, sinon j’attendrais Echiré. Après cela, j’entreprendrai « Mes souffrances écrasent celles du jeune Werther » et compte le finir ce week-end. Voilà, amusez-vous bien tous et sachez qu’ici les courbatures et le rationnement d’un jeune et anonyme étudiant fin de 20ème siècle et amateur de Rousseau (dont il aurait été et l’ami et le modèle si Rousseau l’avait pu connaître) valent celle d’un légionnaire.

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