Je regarde trop la TV. Mais que faire d'autre? Je zappe, et oscillant d'émissions en films stupides, ma misanthropie ne fait que s'accentuer. Sont-ils seulement des hommes, ces abrutis abêtissant l'humanité? Ainsi, comme il m'est extrêmement difficile d'éteindre le poste et d'affronter la solitude, j'ai choisi de ne pas l'allumer ce soir. Je suis plus actif comme cela. Ainsi, je pense avoir bien fait, car à l'heure où je suis habituellement devant le poste, j'ai nourri le chien d'un ami d'un voisin.. J'ai repris conscience de mon affection pour les chiens lors de ce moment agréable. Puis, malgré de fortes douleurs à la tête et un état nauséeux, je suis sorti courir. J'ai pensé constamment lors de ce footing, ce qui m'a mis en état de grande tension, et en colère. De nombreux souvenirs pénibles ont réémergé. J'avais envie d'écrire sur ces choses, mais j'ai perdu l'envie. Je n'ai plus l'énergie. Après la vie épouvantable et si violente qui fut la mienne, les traumatismes succédant aux traumatismes, je suis installé dans une paranoïa quasi constante, un délire constitué d'images et d'anticipations ingérables.
Je ne parviens pas à me reconvertir et à trouver une meilleure situation, car je ressens le besoin de prouver encore et encore ce que je vaux, ce que je peux faire.
La philo me sert de protection contre le monde. C'est aussi la seule chose que je sais faire. Mais me lancer dans un autre domaine.? Et si je n'y arrive pas? Et si je redeviens le bouc émissaire que je fus, que je perde les mots pour me protéger, me justifier, qu'on me dénie toute valeur, toute intériorité?
Toutes ces craintes s'expliquent par des années d'humiliation subies à l'école, l'incapacité de m'affirmer, de m'opposer, l'annihilation totale de ma personnalité. D'abord l'enfance, puis l'école, puis la rébellion payée au prix fort, et générant l'incompréhension et le déni des parents, des professeurs, des élèves, des éducateurs, des militaires, un vrai massacre de ma personnalité, et une reconstruction impossible, avec des peurs, des inhibitions trop ancrées.
Une succession de lavages de cerveaux, dont les plus forts ne sauraient sortir indemnes, la construction d'un faux self et les problèmes d'identité associés, tout cela générant des problèmes relationnels et la crainte intense de revivre les situations de violence, de domination et d'intrusion passées avec donc le repli et l'isolement, la méfiance à l'égard des individus qui pourraient chercher à m'anéantir. Des effondrements psychiques récurrents, et une sidération, une prostration. Et le fait de n'être en paix, rassuré que par les animaux, avec lesquels le rapport ne passe pas par les mots, avec lesquels il n'y a pas besoin de prouver, toujours, de se défendre, d'attester que je ne suis pas idiot, de me protéger de l'invasion et de l'éventuelle intention de nuire, avec lesquels je ne ressens pas le besoin d'être fort, et alerte intellectuellement. Que c'est reposant! Le chien, le chat, le cheval apportent de l'affection, mais ils n'ont pas de mots durs, ils ne dévalorisent pas, préservent la vie intérieure, ne mettent pas en doute les capacités, et il n'est pas besoin de préparer des défenses contre eux. L'homme est une créature essentiellement méchante et dominatrice. Seuls quelques individus ne cherchent pas à empiéter mais à laisser croître, à favoriser l'épanouissement chez les autres hommes. Cette empathie et cette bienveillance sont la règle chez le chien.