Suis sorti à la piscine. 2 ans que je n'y étais pas allé. En mettant mon maillot, j'ai eu l'impression que mon corps avait terriblement changé et vieilli. Passer l'été à Poitiers seul est absolument épouvantable. Il fait beau, les gens se regroupent aux terrasses de café, s'en vont en week-end à la mer. Et l'impression de solitude est renforcée. Je ne sais absolument pas ce que je vais pouvoir faire comme travail, comment me sortir de cette situation catastrophique, rompre l'isolement, construire du sens. Je n'ai aucun projet, je vis la nuit et je rate donc tous mes rendez-vous. De toute façon,chaque rendez-vous m'effraie car je suis obsédé à l'idée de ne pouvoir trouver mes mots, de ne pouvoir m'adapter à la situation, et d'être placé en institut pour débiles ou déficients où je n'existerais plus ,où je perdrais tous mes droits, où ma parole ne compterait plus, ou l'on déciderait pour moi et orienterait ma vie à ma place.
Si les africains ou tous les gens que l'on voit dans des reportages TV qui appartiennent à des communautés paraissent plus heureux que nous, ce n'est pas qu'ils vivent davantage l'instant présent, comme je l'ai entendu dire, mais qu'ils ne sont jamais seuls, et par conséquent ils sont plus stimulés, dans l'échange, et ruminent moins. Le moyen de ne plus ruminer seul? La solitude rend fou. Et je suis plus seul qu'un prisonnier à l'isolement s'il échange avec son surveillant.
En lisant un livre de Christophe André sur la psychologie de la peur, je me suis rendu compte à quel point j'étais atteint. Phobie sociale, phobie du vide, phobie des transports, phobie d'impulsion, trouble panique, plus gros problèmes identitaires, névrose obsessionnelle (ou Toc), dépression, crainte d'être dominé psychiquement par autrui, sous emprise, de ne pouvoir résister aux agressions, aux volontés et désirs des autres, hypocondrie, terreur de la mort, peur de devenir fou (et de l'être devenu, ce qui est pire), désert affectif, et peur obsédante de ne pas y arriver. Comment ai-je pu survivre avec tout cela? Comment je fais pour tenir?
Une de mes résistances aux médocs pourrait être du à une crainte intéroceptive, mais chez moi ils entraînent une déréalisation, une perte de libido et d'appétit, l'incapacité de trouver mes mots et de me concentrer, la crainte d'un accident vasculaire cérébral qui me rendrait idiot ou m'amoindrirait, tout un tas d'effets indésirables. J'y réagis très mal.
Ce qui me domine, c'est la peur, peur de ne pas m'adapter aux situations, de ne plus savoir bouger, de ne plus trouver mes mots, de ne plus arriver à lire ou remplir un papier etc... Le problème est que l'exposition, ou la confrontation n'y change rien. L'explication psychanalytique semble l'emporter sur le cognitivo comportementaliste. Mes peurs semblent être des symptômes d'un problème profond, d'une angoisse primordiale. J'ai beau lire tous les soirs ou faire du sport très souvent, la peur de ne pas parvenir à comprendre ce que je lis, ou de ne pas parvenir à me mouvoir par exemple, précède toute lecture et tout exercice, et confère un caractère angoissant, un stress constant à toute ma vie. Je suis étranger à moi-même. Je me vois comme un autre. J'ai été dépossédé de moi. Je suis en enfer, et je paie je ne sais quel crime.
A la piscine, vu un jeune, costaud, gras et primitif, du type des emmerdeurs de l'armée ou du centre aéré. Réaction négative en chaîne et retour vers un passé douloureux. Même si je ne suis pas actuellement avec des brutes qui se fouteraient de moi et m'empêcheraient de m'exprimer, ma situation de précarité sociale peut me replonger au sein d'univers vulgaires, bruyants et brutaux.