Comme la plupart des êtres qui ont subi la violence dès l'enfance, je me suis enfermé tôt derrière une carapace. Cette carapace, psychique et physique, elle est très répandue chez les taulards, les militaires, les pratiquants d'arts martiaux et de sports de combat. D'où aussi des problèmes d'identité. On se confond avec sa réputation de dur, avec ses muscles, et on nous confond avec eux. On a l'impression que si on perd cette carapace, si on lâche prise, on va se faire bouffer, arnaquer, violer, dominer, manipuler, alors on s'y cramponne, on la renforce, on se durcit à l'extrême, mais on ne sait plus qui on est vraiment, prisonnier d'une identité factice, sociale. On croit que sans cette carapace qui nous ferme à autrui, on se retrouvera sans défenses, et on ne parvient pas à s'abandonner et à retrouver son humanité et sa confiance.
Comme j'ai souffert sur le chemin de l'émancipation, toujours enfermé dans des croyances successives, incapable de m'affirmer réellement, prisonnier et sous dépendance, cherchant à me conformer à un rôle pour être apprécié et accepté, quitte, après avoir été ignoré, à passer pour un crétin, une brute stupide, un taré, image que me renvoyait ma famille, les profs et les ado que je côtoyais. Mais je cherchais trop à plaire, à maintenir la place que je m'étais faite, pour que je puisse me faire valoir autrement.