Pas pu finir le Royaume de Carrere. Livre qui commence bien mais assez décevant, mortifère et glauque au final. C'est un livre que j'aurais pu écrire, mais je ne l'ai pas fait. Pourquoi? Parce que je me suis totalement détaché de ce type de problèmes existentiels, raison pour laquelle j'ai tant de mal à relire Dostoievski. Je n'accroche plus. "Le Christ est-il oui ou non ressuscité ?" Franchement, ça ne me tarabuste plus. Or, Carrere est de ces Occidentaux qui sont Chrétiens/Bouddhistes/Chrétiens, c'est-à-dire que je le vois tout à fait revenir dans le giron du Christianisme après quelques épreuves. Un type au surmoi trop fort, qui ne s'est jamais réellement sorti de cette influence et libéré. Par exemple, il rejoint implicitement l'opinion de Ricoeur, pour qui il n'est pas besoin d'être Chrétien pour considérer que Jésus est un modèle d'homme accompli.
De mon point de vue, l'inversion des valeurs propres au Christianisme est anti naturel et va à l'encontre de la vie. Si quelques passages des Evangiles sont plaisants, l'essentiel est mortifère, et je pense que Jésus était psychotique, et que tous les "mystiques" tant glorifiés l'étaient également. Je n'ai aucune estime pour Thérèse de Lisieux, ou pour Simone Weil, de mon point de vue folles à lier. Quant à Paul, je crois qu'il a reçu une insolation qui a aggravé ses troubles psychiques, et je suis surpris de l'opinion de Carrere à son propos. Il en parle comme d'un véritable génie. J'ai eu beau essayer à maintes reprises, je ne suis pas parvenu à lire une Epître en entier tellement c'est ennuyeux. Il est vrai que certains considèrent Audiard comme un génie, alors... Carrere est-il victime d'un reste de croyance qui lui fausse le jugement, ou dévoile t-il quelques failles intrinsèques? A-t-il lu Schopenhauer, Dostoievski, Proust ou Balzac? Comment prétendre après cela que Paul était génial, ou même intelligent? La fadeur de ses écrits nous montre qu'il n'en était rien. N'est pas Saint Augustin ou Thomas D'Aquin qui veut, mais qui peut.
Quant à la secte de Jean Vannier, ces sado maso qui se lavent les pieds, nul n'est besoin d'être Chrétien pour être un homme vertueux, mais eux n'aident les plus fragiles que par intérêt d'une part, et parce qu'ils pensent que le Christ est en eux, donc pour autre chose que ce qu'ils sont, quelqu'un d'autre qui se surcroît n'est qu'une fiction.
De plus, avec ses références constantes au Bouddhisme comme une spiritualité intéressante, et une critique classique très superficielle, Carrere montre qu'il ne connaît que très basiquement toutes ces questions. Il est du genre à aimer le Dalai-Lama.
Finalement, et bien que j'aime l'écrivain, je me demande si sa culture, littéraire, philosophique, spirituelle, scientifique est réellement profonde. J'en doute et comprends alors son sentiment d'usurpation. De plus, je ne m'en étais pas aperçu, mais pour un type qui écrit à la 1ère personne, il fait étonnamment peu référence aux oeuvres qu'il aime, alors qu'un écrivain passionné aime passer ce qui l'a transporté, porté, et c'est à douter qu'il soit réellement littéraire. Heureusement, son "Limonov" à lui seul, le sauve.