Brian se souvint avec nostalgie de Schonberg, une belle brute nordique, une bête blonde comme l’écrivait Nietzsche. Ils s’étaient rencontrés lors d’un sparring léger en karaté, et malgré des coups bas, ils avaient appris à se connaître. Par bien des aspects, Schonberg, issu d’une lignée de mineurs lorrains, était borné, naïf, adepte des théories du complot les plus farfelues. Mais il n’avait pas d’égal pour le côté pratique de l’existence, inlassablement curieux. Il disposait d’une énergie incroyable pour le bricolage, et aurait pu aider Brian dans ses nouvelles aventures. Ils s’étaient soutenus lors de périodes très sombres, partageant des traumatismes anciens. Et bien qu’ayant très peu de points communs avec lui, Brian aimait sa présence. Mais il ne le reverrait plus. Son ami s’était fourvoyé dans de troubles alliances chinoises, et il ne put s’en libérer. Les triades le tuèrent, après l’avoir atrocement torturé. Schonberg s’était isolé, replié sur lui-même, et il était mort d’avoir oublié qui étaient ses vrais amis.
Brian en voulait à la Chine. Il s’était renseigné. Les Chinois, dans leur évolution, avaient pris le pire du communisme, et le pire du capitalisme. Et ils revenaient à leurs traditions, mais pour ne garder que le pire du Confucianisme, à des fins d’obéissance, de soumission et de docilité. On avait l’équivalent d’une trahison de la noble pensée Chinoise avec les entreprises de formation Occidentale usant des concepts de « Tao management » dont le but, la productivité accrue, occultait complètement l’éloge du vagabondage, de l’oisiveté et de la contemplation, chers aux grands Taoïstes. Mais Brian croyait en la Chine, et ne désespérait pas d’un retour de son Peuple à son antique sagesse. La Chine n’a pas besoin du communisme pour être vertueuse, ni des droits de l’homme d’ailleurs. Elle a tout ce qu’il faut pour une croissance harmonieuse, et l’avait bien avant que nous la corrompions par notre matérialisme dialectique, notre productivisme effréné, et nos déclarations universelles intempestives.
Brian avait aussi découvert le ressentiment très fort des Chinois pour les Japonais, à qui ils ne reconnaissaient aucune qualité, ni vertu, ni originalité, ni richesse culturelle, ni sensibilité. Brian s’étonnait car la position des français vis-à-vis de l’Allemagne était bien différente, l’attrait pour la culture Allemande, la fascination même, étant propre à la France. Mais cette animosité s’expliquerait par les positions nationalistes et ambigues des gouvernements japonais successifs, ne reconnaissant pas vraiment les crimes de guerre comme ce qu’ils furent, des exactions si horribles que même les nazis en étaient parfois choqués.
Brian s’était aussi renseigné sur les guerres de territoire entre triades et yakusas, la mafia chinoise empiétant sur les zones d’action des Japonais, et ce à Tokyo même. De toute façon, les Triades étaient trop puissantes pour penser à une vengeance personnelle. Il fallait laisser tomber. Brian pleurait son ami perdu. .La vie vous prenait tout.