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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 16:02

Cette attraction avec Maria le changeait, mais le minait. Il reprit des vocalises, un soir. Il avait arrêté. Puis il lut des textes. Sa voix avait changé, plus tendre. Il fut surpris. Il pouvait mettre du rythme, des intonations qui modifiaient son ancienne diction monocorde. D’habitude, il ne parvenait pas à rendre à l’oral l’émotion qu’il ressentait quand il lisait. C’est comme s’il n’avait plus peur d’exprimer ses  émotions, sa vraie personnalité, sa sensibilité dont il s’étonnait par ailleurs, comme si s’exposer tel qu’en lui-même n’était plus psychiquement suivi de l’idée d’agression.

 

Il avait hâte de parler avec Dominique. Lui seul pouvait le guider. Dominique était psy, et il était l’unique psy qui avait été crédible pour Brian. Il était à la hauteur intellectuellement, plein de compréhension sur les émotions, avait eu un parcours avec des coups durs et des similitudes avec Brian. C’était un guerrier presque apaisé. Sans lui, Brian se serait sûrement tué. Il était le seul avec qui vraiment parler, se livrer, qui l’écoutait sans le juger. Dominique lui avait amené à comprendre les raisons de son itinéraire, le cycle de la violence. Il lui avait servi de « témoin secourable ». Il lui apportait de la tendresse, de l’affection, une présence. Ce ne suffisait pas bien sûr. Les femmes apportent quelque chose que les hommes n’apportent pas. Elles ont pourtant le même cerveau. D’où vient, mis à part sur le plan sexuel, que la chaleur humaine et émotionnelle qu’elles dégagent leur est propre, qu’elles nous complètent ? Est-ce une question d’onde ?

 

Pourquoi est-on si déprimé lorsqu’on a un chagrin d’amour ? Shopenhauer aurait-il vu juste ? Son œuvre anticipe celle de Freud avec l’importance du refoulement et du sexe, mais aussi celles de Darwin et de Dawkins avec l’idée qu’on est attiré par une personne biologiquement compatible, et qu’en fait, dans la séduction, nous sommes le jouet de la nature. On recherche un partenaire avec lequel on produira la meilleure descendance possible, doté d’une combinaison génétique optimale. On ne choisit donc pas d’être amoureux. Il y a des déterminismes économiques, sociaux, ethniques. Il faut tout d’abord se rencontrer pour s’aimer, et partager quelques codes communs. Ensuite, il y a l’inconscient. On est attiré on ne sait trop pourquoi par quelqu’un, en vertu d’associations d’idées, de motifs qui nous échappent. Brian appréciait le texte de Descartes sur la fille qui louche, très clair à ce sujet. On présente Descartes comme le philosophe de la conscience, mais, avant Leibniz, il dévoile néanmoins l’existence de l’inconscient. Descartes y raconte que jeune homme, il avait une prédilection pour les filles qui louchent, ce défaut rehaussant leur charme d’une particularité. Elles lui étaient sympathiques. Or, il se souvint que son premier amour était affecté de ce problème (mais ce n’était pas pour cela qu’il l’aimait), et par conséquent, il l’associait sans le savoir chez toutes les femmes concernées à cet amour d’enfance. A partir de cette prise de conscience, il mit fin à cette association et s’en libéra. On peut le regretter ou pas, selon qu’on louche ou pas.

Enfin, il y a le physico-chimique, l’aspect, la vivacité, la façon de bouger, de s’habiller, la voix, l’odeur. Ca c’est la nature. Et si nous désespérons lorsque nous loupons la complémentarité, c’est qu’il s’agit de quelque chose de plus fort que nous, c’est qu’en nous, c’est la vie, l’espèce qui a perdu l’occasion de se reproduire, et qui nous laisse complètement abattu et amorphe. Le but n’a pas été atteint et tout nous paraît vain.

Autre idée puisée dans Schopenhauer, sans le sexe, le couple ne serait pas tenable. Tolstoï a repris cette thèse et l’a remaniée dans « La sonate à Kreutzer », s’inspirant de sa vie par ailleurs. On ne cesse de se déchirer, de se réconcilier par le sexe, puis de se déchirer, de se réconcilier par le sexe, incessamment. Seul le sexe maintient le couple. Y a-t-il possibilité d’atténuer les conflits entre 2 coïts ? Ca ne l’était ni pour Schopenhauer ni pour Tolstoï en tout cas. Et pour Brian, ça restait à développer. Freud écrit que pour éviter la surestimation sexuelle, faut coucher. Bander pour l'éternité, voilà une belle utopie!

 

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