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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 20:57

 

A la TV, à la radio, toujours repassaient les figures médiatiques affreusement plates. Gounelle servait dans ses livres la médiocrité de la PNL, Lenoir publiait un livre sur Spinoza pour lequel il n’avait aucune légitimité, Matthieu Ricard égrenait avec bonhomie des conseils éculés. Comme l’a écrit Irving Yalom, il est étonnant que, lors de conférences du Dalaï Lama, de grands esprits s’extasient sur les  banalités proférées comme s’ils perdaient tout esprit critique. Matthieu Ricard critique la psychanalyse, pourtant on sent une colère rentrée en lui. Une thérapie lui aurait peut-être été plus salvatrice que la fuite dans les montagnes parmi des imbéciles heureux souffrant du manque d’iode. Plutôt que rejeter les méfaits de la colère, il lui aurait été profitable de la vivre, de l’accepter pour la dépasser. Son père, philosophe, et sa mère, assez égocentrique apparemment, l’ont bien secoué. Lui, le physicien, prétend que le bouddhisme n’est pas incompatible avec la science. En quoi la réincarnation est-elle cohérente ? Certes, nos composants matériels se transforment, mais comment une conscience pourrait-elle se réincarner indépendamment d’une reconfiguration identique des éléments matériels ? Et puis, c’est une croyance étonnante pour qui croient que le Moi est une fiction, et que le Soi n’existe pas. Et à quoi bon tous ses efforts, s’il n’y a que vacuité ? Le but qu’il recherche, l’extinction, ne l’atteint-t-on donc pas tous, et bien tôt, sans passer par l’ascétisme ? Même  le socle, les 4 nobles vérités, impliquant la condamnation du désir comme source de la souffrance, est très mortifère. Après tout, c’est dit et redit, mais si la joie a une existence positive, si elle n’est pas qu’absence ou diminution de souffrance, et si le désir est aussi la source de cette joie, leur système s’écroule. Et Matthieu Ricard, pédant, se louant de son sens commun et anti intellectualisme, donne des leçons de bonne conduite, vante le régime végan, les pratiques méditatives, avec cet air niais typique des curés. Eh réveille-toi Mathieu, et va vers les femmes, ou les hommes si c’est ton désir. On les connaît les guides spirituels refoulant leurs besoins sexuels, car ceux-ci reparaissent souvent sous forme violente, comme on l’observe chez nombre de « guides », gourous, lamas, prêtres ou moines zen.

 

A l’inverse, Freud et son œuvre sont sans cesse critiqués. On ne cesse d’analyser sa vie pour le discréditer, mais Rousseau ou Einstein n’étaient pas exempts de critiques et on ne s’acharne pas sur eux, on ne discrédite pas leurs travaux pour autant. Comme Dostoïevski qui passait pour révolutionnaire sous le tsar, et réactionnaire après la révolution d’Octobre, on reproche désormais à Freud, après son aspect subversif, son conservatisme. Il faut remettre les choses dans leur contexte. A son époque, les pratiques psychiatriques étaient très violentes. On parquait et maltraitait les « déviants », on les lobotomisait, les électrocutait. Lui a apporté la parole et la possibilité de se confier, et développé l’idée que cet échange par la parole donnait quelque chose de plus, ou de différent que les autres traitements, comme les médicaments. Cela qui existait chez les religieux, il l’a apporté dans la psychiatrie. Et toutes les thérapies encore utilisées qui se servent de la parole s’inspirent plus ou moins de lui. On ne peut pas tout soigner par les médicaments. Ils sont inefficaces pour comprendre son itinéraire, ses erreurs, ses compulsions de répétition, changer réellement. Un doc sur Arte le montrait avec un champion de karaté allemand, Andreas Marquardt, qui, en prison, voulait comprendre comment il en était arrivé là, si froid, violent et sans empathie. On voulait lui administrer des médicaments, il a réclamé une psychanalyse. Il s’est battu, s’est fait isolé, a prétendu qu’il frapperait tous les détenus, jusqu’à ce qu’il voit un psy, parce qu’il avait besoin de parler. Et il l’a obtenu. La psychanalyse lui a apporté ce que les médicaments ne peuvent pas donner. Pour Charly Graf, boxeur allemand emprisonné, c’est la rencontre avec un ex de la fraction armée rouge, Peter Jürgen Boock, qui lui a permis de changer, notamment par la découverte de la lecture, Dosto, Hesse, Handke. Un échange là encore, et pas des médicaments.

 

Quant aux TCC, thérapies cognitives et comportementales, dont les thuriféraires ne cessent de combattre la psychanalyse, elles ne sont basées que sur les symptômes apparents qu’elles considèrent comme des « troubles » sans signification. Elles confrontent le patient à ses phobies, et le torturent ainsi, mais considèrent, comme l’intensité physiologique de la peur décroît, que la patient progresse. En réalité, quand le patient va mieux, ses symptômes disparaissent progressivement et naturellement, sans efforts particuliers, sans exposition graduelle aux objets appréhendés. Les TCC cherchent une efficacité rapide et illusoire, cherchent à conformer le sujet aux normes en vigueur, telle la productivité, la performance, quand la psychanalyse cherche à le libérer, pour qu’il puisse se trouver lui-même.

 

On prétend que Freud n’a rien apporté sur l’inconscient, que cette notion existait chez Leibniz ou Schopenhauer. Certes, mais Freud a développé toute son œuvre autour de cette découverte, et l’a incomparablement plus approfondie. L’existence d’un inconscient actif, de vécus psychiques inconscients, qui nous déterminent à notre insu, est par ailleurs validée par les neurosciences actuelles.

 

Freud est également le premier penseur d’importance à avoir analysé le rôle fondamental de la sexualité. Il eut un seul précurseur en philosophie Occidentale, Schopenhauer, mais celui-ci n’avait fait que dévoiler le fait que la sexualité était la plus évidente manifestation du vouloir vivre, et il la condamnait, voulait la nier. Freud, plus proche de Nietzsche, pense au contraire qu’il faut aller dans le sens de l’affirmation du vouloir vivre, et qu’une sexualité satisfaisante est nécessaire pour une vie épanouie, la sublimation voire la surcompensation créatrice ne pouvant se substituer entièrement à la sexualité concrète.

 

On peut également considérer  l’influence de Freud, dans les champs thérapeutiques, philosophiques, anthropologiques, littéraires, artistiques. Il a apporté des clés, ouvert des perspectives, exposé le déterminisme inconscient, « l’inquiétante étrangeté » en chaque homme, et on n’a pas fini d’en apprécier les apports et les implications, en ce qui concerne l’homme, la culture, les religions, les guerres.

 

Sartre par exemple, semble être passé à côté. Sa « psychanalyse existentielle »,  par laquelle il voulait, comme à son habitude, concilier déterminisme des situations et liberté individuelle, semble un peu foireuse. Il croyait en un projet originel d’existence, qu’on choisissait ses névroses. Freud ne dit pas autre chose quelque part, mais il ne moralise pas. Sartre pensait que le névrosé ou le psychotique était de mauvaise foi, car pour refouler quelque chose de dangereux pour le moi, il fallait une conscience première de ce qu’il fallait refouler, et donc l’homme restait à l’origine de sa névrose, et libre. Mais il oublie que de refoulement était nécessaire pour la cohésion du moi, que sa cause est bel et bien oubliée, et ses effets, les symptômes, réels. Il moralise ainsi un processus de survie psychique. Son aveuglement est lié à son obsession existentialiste de la liberté.

 

Dans « la transcendance de l’ego », Sartre, pour illustrer sa thèse, prend l’exemple d’une femme qui a peur de se mettre à sa fenêtre parce qu’elle craint de crier. Sartre pense que son angoisse exprime sa liberté, le fait qu’on est libre à chaque instant de faire n’importe quoi. De même, on peut ressentir l’angoisse sur un pont, parce qu’on peut effectivement en sauter à tout moment, si on le souhaite. Pour Freud, la peur de cette femme, cette angoisse sur le pont serait plutôt la manifestation d’une névrose, d’une aliénation, un être libre et maître de lui-même, ne craignant pas de s’échapper ainsi à lui-même. 
Il semblait à Brian que Freud l’emportait, et lui qu’on accuse de jargonner, la lecture de son analyse de la « Gradiva » était bien plus agréable à Brian que « l’Etre et le Néant ».

 

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