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5 février 2018 1 05 /02 /février /2018 11:47

 

Il commencait tout juste à voir. Oui, c’était possible avec les femmes qui lui plaisaient. Il n’était pas le monstre qu’on lui avait fait croire qu’il était. Il s’autorisait juste à y croire, à l’accepter. Mais à cette découverte narcissique, émancipatrice, s’associait l’idée d’une faute, qu’il allait être sanctionné pour cette ouverture, pour cette liberté qu’il s’octroyait, se découvrait, redécouvrait, car il ne pouvait se permettre de s’estimer aimable. Il ne l’était pas. Il était monstrueux, et se laisser aller à penser qu’il pouvait être désiré, aimé par de belles femmes était une transgression. D’où venait tant de violence, uen telle haine de soi, une telle faille narcissique ? D’un abîme de souffrance qui lui barrait la route de la réconciliation.

Sans amour propre de base, il était dépendant du regard de l’autre, prisonnier de son évaluation, de son jugement. Il n’avait pas d’existence, d’individualité bien définie, d’où un besoin de reconnaissance viscéral. Cela avait généré un colossal effort de compensation, qui l’avait rendu extrêmement fort sur les plans intellectuels et physiques, mais qui, quête sans fin, se révélait inutile pour se libérer de ses peurs, de ses obsessions, de ses traumatismes. Le mal, il luttait contre, mais il ne le coupait pas à la racine.

 

Brian s’était inscrit à un atelier de théàtre. Etre au centre de l’attention lui posait problème. Il détestait ça, et voulait travailler dessus. Passer de l’ombre à la lumière.

 Lors de cette journée, il avait de nouveau fait une rencontre marquante. Il s’était senti pris d’intérêt pour une médiatrice culturelle, Véronique, qui assurait le lien entre la metteur en scène et les stagiaires. Il voulait la revoir, mais ne savait pas grand-chose sur elle, si elle était mariée, avait des enfants, ni comment créer l’occasion. Il voulait donc la revoir, et ne souhaitait même pas parler de lui-même ou se faire reconnaître par elle. Juste la voir, l’entendre, et en profiter.

Il s’interrogeait. Parfois, une femme se distinguait des autres femmes et il y avait comme un contact d’âme à âme. Le physique de la personne plaisait, sa voix, sa manière de parler, de bouger, et surtout, on ne se sentait plus seul en sa présence. Mais pourquoi les femmes qui éveillaient ainsi Brian, le ramenaient à la vie, étaient-elles si rares ? Les autres femmes continuaient, autour, à exister, mais Brian se sentait seul avec elles. Et depuis qu’il s’était imprégné du physique et de l’aura de Véronique, son image revenait sans cesse. Alors faillait-il s’efforcer de chasser le flux continu de souvenirs et de projections, le prolonger et s’y complaire, ou prendre du recul, l’accepter et, sans lutter contre, l’observer ? Il fallait surtout revenir au réel et revoir Véronique. Finalement, Brian trouva le moyen.

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