En creusant les danses thérapies, Brian s’aperçut que pour lui, toute danse était cathartique. Les danses de salon, les danses traditionnelles, la danse contemporaine étaient aussi libératrices que les danses façonnées dans le but spécifique de guérir. Il suffisait de danser pour se trouver et se libérer.
Relisant Martin Eden, Brian se dit que même si nombre de thèses de Bourdieu étaient pertinentes, il était prisonnier d’une espèce de paranoïa où il voyait de la domination et de la compétition partout, comme si le seul moteur de l’action humaine, c’était la dictinction. On peut fréquenter des musées par goût réel pour les musées, apprécier Proust sans snobisme, et connaître les codes culturels, savoir que Tolstoï ou Mann sont mieux côtés que London, et exprimer sans honte sa préférence pour London.
Il repensa à Clara. Il vit sur son blog qu’elle aimait la nature, appréciait Keats, avait fait une formation de danse « life art process » dans le sillage d’Anne Halprin. Bordel, lui aussi aimait la nature, il avait emprunté un doc sur Halprin, et il aurait pu lui parler du film de Jane Campion sur Keats, qu’il avait vu à « La Fontaine des Eaux », sur un auteur dont il avait visité la maison à Londres. Elle était incompréhensible. Il avait retenté une approche et elle l’avait jeté. Pas la moindre chance ! Incompréhensible. Elle resterait un mystère pour lui, et elle était si fermée qu’il ne désirait même plus l’élucider. Elle avait rejeté sa proposition d’amitié, d’échange, de conversation, tout. Cette froideur, dureté, indifférence, insensibilité confinait à de la cruauté. Elle connaissait les bons plans en danse, elle n’avait même pas pris la peine de lui écrire dix lignes pour l’orienter. Quel mépris ! Il ne pardonnerait pas sa violence. Brian aussi savait être dur, et implacable, quand il le fallait. Va te faire foutre Clara, pour ta dureté sans égale ! A bien y réfléchir, c’était une bourgeoise qui ne connaissait rien à la spiritualité, ni à la philosophie, ni à la littérature. Finalement, c’est lui qui la méprisait maintenant. L’idée lui était même venue que son inaccessibilité était la source de son intérêt grandissant, sans cesse réactivé par un motif quelconque, et qu’elle lui rappelait inconsciemment sa mère par son ambiguïté, l’ambivalence de ses signes. Peut-être cette dureté méprisante l’avait-il attiré parce qu’il pensait qu’il y avait du bon en elle, et espérait la fléchir en ce sens. Dans ce cas, il lui fallait considérablement évoluer sur les plans psychologiques, émotionnels et spirituels. Elle avait gagné. Elle s’était débarrassée de lui. Et il la détestait. Fini, terminé. Rupture violente. Adieu Clara. Il était enfin débarrassé de ce spectre cruel qui l’empoisonnait depuis quatre mois. Elle était en définitive toxique, plus monstrueuse que le « Monstre ». Une femme impitoyable, trop méprisable pour être digne d’être une ennemie. Ni amie ni ennemie, du quelconque !
Enfin, il fallait reprendre l’action, monter une équipe pour buter Jolloré. Maharo ne serait pas disponible pour le coup. Mais Brian aurait le « Monstre » avec lui, et deux types aux parcours tourmentés, tous deux abîmés par de longs séjours en prison, et efficaces. Un espagnol, ancien de la légion, puis mercenaire, longtemps enfermé dans des endroits sordides en Afrique, amateur de littérature, et un indonésien, ancien trafiquant d’armes et de substances diverses, qui lui avait appris les bases du silat. Deux bons guerriers et un mutant. Et lui, un putain de génie, au centre ! Ca allait pouvoir se faire.