Lorsque tous furent de retour dans leurs tanières, grottes et chaos respectifs, stressés quans même parce que, malgré leurs précautions de professionnels, le gros type ciblé et ses hommes allaient focaliser l’attention du public, des médias, de la police sur les mystérieux meurtriers, Brian alluma la radio et chercha à se distraire grace au programme de France Culture, une émission spéciale sur Carlos Castadena. Ca tombait bien. Il danserait ensuite pour se délasser et entrer en transe en se connectant au Buddha Bar via Radio FG
Tout se passa sans accros. Juste quelques vertiges, prononcés, lorsqu’il tournoya longuement sur lui-même comme un derviche tourneur ou les adeptes de danses chamaniques. Un peu dans le brouillard, il se coucha. Peut-être avait-il trop forcé ? Il avait peut-être également réactivé une ancienne blessure, à l’oreille interne, qui lui avait autrefois donné une sorte de mal de mer constant, la vision floue et flottante, jusqu’à ce qu’un kiné lui permette d’en résorber les symptômes. Ou peut-être était-ce la conséquence de la tension des événements, des risques encourus et des forces futures à éviter ou anéantir. Il finit par s’endormir. Le lendemain, tout lui parut normal. Nulle métamorphose ou bizarrerie Kafkaïenne pour chambouler le quotidien. Il prit du café. Son estomac en tolérait à nouveau une petite quantité, qu’il régurgitait à chaque fois qu’il la dépassait. Et il la dépassait presque toujours. Alors il vomissait aux toilettes, et à chaque fois, il le savait. Ce n’était pas agréable, mais il s’en foutait.
Il sortit, ferma la porte à clé et, dans la rue, commenca à marcher. Et là un truc bizarre. Il tanguait, de droite à gauche, comme un homme îvre, impossible de marcher droit. Lors du précédent trauma crânien, qui lui avait bousillé l’oreille interne, tout tanguait, sa vision était brouillée, mais il marchait droit. Là, il dérivait, glissait d’un côté puis de l’autre. Bordel, qu’est-ce qu’il lui arrivait. Il téléphona à son médecin qui l’envoya aux urgences. Là, il fit un énième scanner, et on ne décela ni hémoragies, ni hématomes. Après avoir affolé les infirmières, en soins intensifs, tout excitées à la vue de son torse viril, et être resté un temps en chambre individuelle, il fut installé dans les couloirs, par manque de place. Les infirmières lui proposèrent d’y passer la nuit. Brian déclina et rentra. Eh bien, il le regretta. On se fait toute une idée des choses parfois, et c’est pas si terrible. Quand nous voyons des éclopés agonisant dans les couloirs des urgences à la Télé, on se dit que c’est sinistre et un violent et indigne spectacle. Mais Brian s’y était senti mieux, seul sur son lit à attendre un diagnostic angoissant, avec de la souffrance tout autour, que seul chez lui. Là il y avait au moins de la vie, des êtres humains, de l’animation, des infirmières et des médecins aux petits soins. Peut-être ne connaîtrait-il le bonheur qu’en phase terminale d’une maladie quelconque, entouré de femmes soignantes gentilles et dévouées. Il les ferait rire, les attendrirait, les peloterait au passage, coucherait, s’il le pourrait encore, avec les plus généreuses et attentionnées, tomberait peut-être, sans doute, amoureux une dernière fois, et s’éteindrait dans la ouate et un semi délire. Une fin un peu Proustienne d’asthamatique bourgeois, Malheureusement, il était plus probable qu’il terminerait sous les balles et les coups de couteaux qu’il avait su esquiver jusque là, comme Ueshiba, d’une façon moins noble et plus lâche, mais aidé par le même Esprit, la même Force.