Il repensa à Clara. Des visages de femmes qu’il rencontrait émergeaient à nouveau, et emplissaient son esprit, le détachaient de cette femme si mystérieuse à ses yeux. Il se déprenait d’elle. Il en resterait une tristesse, une incompréhension, l’impression d’un gâchis, pour lui et pour elle, une blessure narcissique qu’elle lui avait consciemment infligée. Elle avait dû pressentir un danger et elle n’avait pas couru le risque, ne s’y était pas ouverte. Comme tout type prisonnier de la violence et sachant que l’incorporation dans une bande, un gang, un groupe, était toujours un travestissement individuel, la construction d’un faux self, Brian savait qu’il lâcherait tout par amour, parce qu’une vraie rencontre permettait de se libérer vraiment, de faire ressortir le meilleur de soi, la bonté enfouie, et qu’une femme qui ne donnait pas accès à cela, avec qui il fallait tricher, se masquer, jouer un rôle comme dans un gang, n’était pas la bonne personne. Il avait connu ce type de relations, ou il devait rester sur le qui vive, méfiant, dans la crainte de réactions brutales et dévalorisantes, et ces femmes ne l’avaient pas assez aimées et lui non plus, pour l’aider à se détourner de la violence. Il n’avait pas fait la bonne rencontre. Il avait cru un temps que Clara pouvait être cette femme, et s’y était fixé pour cette raison. Il fallait faire le deuil de cette croyance, de cette illusion. Et pour ce motif peut-être, elle ne lui avait pas permis de pénétrer dans sa sphère Et pourtant, il lui était inconcevable qu’elle le jugeât totalement sans intérêt. Il ne pouvait admettre qu’indépendamment d’une attirance réciproque, elle le méprisât effectivement. Incroyable comme cette femme l’avait déstabilisé, l’avait remué. Pourquoi son esprit y revenait sans cesse, malgré d’autres attachements ? Pourquoi Elle ? Si elle n’était pas la femme qu’il croyait, il ne devait pas être si difficile d’en prendre conscience, et de se désillusionner. Etait-il plus amoureux de l’amour que de son objet particulier ? Mais pourquoi Elle, toujours ? Un simple tête à tête dans un café aurait pu ramener cette cristallisation amoureuse à de l’amitié, ou un échange pragmatique d’informations. Mais elle avait tout refusé, et s’était muée par la même occasion en idéal inaccessible. Et pourtant, il avait perçu en elle une riche intériorité, une femme qui réellement était différente, exceptionnelle, isolée dans sa singularité malgré sa vie sociale, et il la préférait à toutes celles qui le draguaient. Maria le sortirait peut-être de sa léthargie, de son obsession. Il avait étalement fait un rêve troublant avec l’artiste un peu gitane, un peu punk et indienne, qu’il avait rencontré à Parthenay. Ca l’avait intrigué au réveil. Il la retrouvait sur une île dans les Mers du Sud. Sa chienne mordait ses fesses amicalement, puis reposait sa tête sur sa poitrine. Il était bien, allongé sur le dos, dans l’herbe, avec la mer à côté et la tête de de la chienne sur lui. Et « l’indienne » s’approcha de lui, se mit dans une position comme pour faire de la danse contact et finalement, après quelques cabrioles, ils s’attirèrent aimantés et firent l’amour. Ils s’aimaient. Un beau rêve.
Une musicienne Japonaise qu’il croisait quelquefois à Poitiers l’intriguait également. Il aimait son regard, plus que leur beauté l’expression de ses yeux. Et il commençait à ressentir uen attirance sexuelle et sentimentale pour une de ses profs de danse. Il s’était surpris à y penser, à imaginer son joli visage. Il ressentait une attraction et de la bienveillance pour elle. Et elle, au moins, ne le fuyait pas. Elle était tout le contraire de Clara, elle montait à l’assaut, et semblait prendre du plaisir avec son corps. Une belle blonde. Il attendrait et verrait ce qui émergerait, quelles possibilités réelles s’offriraient, avec l’incertitude, la « création d’imprévisible nouveauté » cher à Bergson. De la discontinuité, de l’événement, du neuf ! Ou une extinction rapide ! Pas le choix, faut y aller !