Par association d’idées avec Jean-François Billeter, Brian eut envie de relire François Roustang. Roustang était un de ses maîtres. Ses critiques éclairées sur la psychanalyse, son intérêt pour la pensée chinoise, le mouvement, l’hypnose le stimulaient. Plongé dans « comment faire rire un paranoïaque ? », et aidé par un échange avec Dominique, il crut comprendre ce qui l’avait attiré et fasciné chez Clara. Il aurait voulu être elle quelque part, c’est-à-dire qu’il sentait des points de convergence, mais qu’elle était beaucoup plus avancée que lui en un certain sens. Elle s’était trouvée. Prisonnière de problèmes peut-être proches, motivée par une recherche spirituelle, elle semblait s’être libérée, avoir franchi un point de non retour psychique, et évoluer librement dans et vers la vie. Une femme libre, qui avait trouvé la force, les ressources nécessaires pour puiser à partir d’elle-même. Et elle avait dû sentir qu’il était à l’ « arrêt », que quelque chose bloquait en lui de mortifère, de contraire à la vie. Accepter de le voir, c’était pour elle se freiner, se ralentir. Elle avait, était ce qu’il n’était pas, une femme libre. Pour reprendre des termes Bergsoniens, l’intelligence conceptuelle de Brian le figeait, le bloquait dans ses obsessions idéologiques, ses fantasmes, quand elle était portée par l’intuition et qu’elle épousait l’élan vital. Une belle Niezstchéenne, une danseuse Taoïste voguant dans le flux, la créatrice de son monde. Après le « Surhomme », la « Surfemme ». Lui, homme du ressentiment, de la pesanteur et du passé, il ne pouvait pas suivre. Peut-être était-ce là une interprétation parmi d’autres mais c’était celle qui lui était venue. Elle était la joie et l’énergie, il était la tristesse et les abymes.
Encore avait-il des projets.
Il ne voulait pas finir, comme Kurtz, gourou sanguinaire et détraqué d’une communauté perdue. Il voulait fonder sa propre voie thérapeutique, synthèse de toutes les connaissances et expériences qu’il avait éprouvées. Quand le moment serait venu, enfin il apporterait du positif, de la joie lui aussi, débarrassé du souci du moi.