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17 juin 2018 7 17 /06 /juin /2018 20:27

Habitant provisoirement la même ville, Brian et Clara ne pouvaient, de temps en temps, que se retrouver. Ainsi, Brian fut surpris par sa présence, au coin d’une rue, quand il pensait justement à elle. Il fut surpris par son émotion aussi, et contourna une voiture, en répondant à peine à sa salutation, et prenant plus ou moins la fuite. Pour une reine, il faut un roi, et il n’était qu’une sorte de chevalier. Mais un sort le poussait irrésistiblement vers elle. C’était plus fort que lui, ou c’était son vrai moi, ses émotions, qui sortaient et s’exprimaient enfin. Les vannes lâchaient. Il en était venu à s’effondrer et pleurer en pleines rues, à plusieurs reprises, ce qui ne lui arrivait jamais. Elle était comme la Gradiva de Jensen, elle était une source de révélations pour lui. Il savait qu’il ne devait pas s’accrocher, qu’elle le fuierait, et sans doute ne l’aimerait jamais. Néanmoins, un film Japonais, « Senses », l’avait fait réfléchir à ce sujet. Comme le disait un des personnages du film, il était aussi dans sa nature, dans la nature d’un homme vraiment amoureux, de l’exprimer, de le faire savoir. Car il fallait qu’elle le sache.

Brian éprouvait également une jalousie sexuelle. La perspective que Clara prenne du plaisir et donne, avec son corps, son attention et son affection à d’autres lui causait de la tristesse, et il tentait d’en supprimer les images. Il se dit alors que s’il éprouvait cela, elle était peut-être davantage qu’une amie,  potentielle, d’ordre spirituelle pour lui, que ce n’était pas non plus une question purement mécanique et sexuelle, mais bien au-delà, qu’il la désirait comme femme à part entière, dans tout son être, et qu’il ne désirait pas, alors qu’ils n’avaient jamais fait l’amour, qu’elle se donne à d’autres. C’était une jalousie dénuée de fondements, absurde puisqu’il n’y avait jamais rien eu entre eux. Mais par le corps, c’était son attention qu’il désirait capter, et il ne voulait pas la partager à ce niveau-là. De toute façon, ce désir d’exclusivité était cantonné dans son imagination, et il le resterait vraisemblablement. Mais le sentiment amoureux est toujours un peu exclusif. L’autre est tout pour nous, et on veut être tout pour lui. Là, il n’était rien pour elle, et elle était un fantasme plus ou moins réel, plus ou moins idéalisé pour lui. De toute façon, le sentiment amoureux repose toujours aussi sur une illusion, mais l’amour véritable, basé sur le respect des différentes identités, non fusionnel, existe lui. Mais pour cela, pour que les choses avancent, il fallait se rencontrer, poser les choses en face, se confronter dans le réel, et non virtuellement. Elle s’y opposait, et il ne pouvait pas décider cela seul. Et comme elle ne venait pas, il attendait, il dérivait. Malgré ses projets, la présence unique de Clara lui manquait. Il souffrait, non comme un loup stoïque, mais comme un samouraï en pleurs, lassé des combats, de l’étude et de l’armure, un guerrier des monts Wudang qui découvre, comme dans « Tigre et Dragon », que seule la femme aimée importait à ses yeux et dans sa vie, bien davantage que le Taoïsme abstrait. Et peut-être était-ce Clara, la vraie guerrière dans l’histoire, la vraie héroïne. Et lui, comme la plupart des hommes, était assez lâche. Mais elle se savait aimée, ce qui donne la Force et l’Univers.

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