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16 octobre 2018 2 16 /10 /octobre /2018 21:29

Brian s’énervait vite quand il jugeait d’un manque de respect envers une personne. Pour lui, se laisser insulter sans réagir était inenvisageable. Il avait plusieurs fois proposé son aide à des amis qui subissaient des pressions. Il voulait s’occuper de types qui avaient traité un copain de « grand benêt, de grand dadais » sur son lieu de travail. Ca l’avait secoué. C’était inadmissible. Puis il se souvint que son père l’appelait souvent ainsi, et il comprit pourquoi il voulait éliminer les types.

 

Parfois, le moral de Brian remontait, parfois il rechutait, notamment lorsqu’il se rendait compte à quel point il était différent. Peut-être 95% des gens n’ont jamais lu un livre de philosophie, un classique de littérature, ou un bouquin de science, et lui y consacrait l’essentiel de son temps. Ce n’était pas que du plaisir, mais un besoin qui répondait à une nécessité profonde. Peut-être était-ce une surcompensation d’instincts profonds insatisfaits, un détournement des pulsions érotiques en une pulsion de savoir, d’où une érotisation du champ intellectuel, des objets culturels. Et cette insatiable curiosité, soif d’apprendre, caractéristique également des surdoués, on la lui faisait payer. Son génie était un obstacle à l’intégration, comme si l’intuition (Bergson), en se soustrayant aux impératifs de l’action et  lui ôtant les œillères, détournait l’intelligence de son but et le détachait du monde pratique. Il se passionnait pour la philosophie, la littérature, la psychologie, la spiritualité, le cinéma, les arts du mouvement comme les arts martiaux, la danse, le yoga, pour la théorie de l’évolution et ses implications sociologiques et psychologiques, pour l’éthologie, les arbres et les plantes, les neurosciences, mais il n’avait pas trouvé le domaine ou concentrer ses forces, et ne parvenait pas à socialiser ses capacités, à en faire quelque chose de viable. Et avec ses amis combattants, il échangeait parfois sur ses obsessions, mais il effleurait simplement les choses. Ils ne pouvaient le suivre. Il était essentiellement un philosophe, comme, blague connue, l’on peut dire d’un mathématicien qu’il est extraverti quand il regarde le bout de vos chaussures, c’est-à-dire préoccupé, concentré sur des objets intellectuels, comme des équations, qui l’isolait et lui donnait l’impression, la sensation même, d’appartenir à une autre race. Cette carence dans la communication, la non réceptivité des autres à ce qu’il pouvait et voulait dire, était vraiment pénible. Et lorsqu’il lui était permis d’échanger et d’approfondir par la rencontre avec des sensibilités proches, il se sentait reconnu et moins seul. Car parfois, il avait réellement l’impression d’être seul de son espèce dans l’Univers, et cet isolement était si douloureux qu’il l’amenait toujours à la question du suicide.

 

Lors d’une conversation avec des Russes sur Camus, il aurait aimé développer sur la notion de nihilisme, passif pour ceux qui jugent le monde absurde et s’en retirent, comme Baudelaire et Schopenhauer, actif avec par exemple les anarchistes « mystiques » chers à Dostoïevski, le dépassement du nihilisme avec la révolte constructive, où on rejoint l’affirmation du vouloir vivre de Nietzsche plus que sa négation, et par exemple l’existentialisme. Dans ce dernier courant, il ne s’agit pas tellement de faire malgré l’absurde, car le postulat de base « l’existence précède l’essence », chez l’homme, suppose la liberté, le fait de pouvoir poser des actes, et d’en poser paradoxalement par nécessité de toute façon, et on peut dire alors que la condition de l’homme n’est intrinsèquement pas absurde, mais que la condition de l’animal l’est, automate régi par son instinct, qui lutte pour survivre et se reproduire, mais sans en connaître la raison ni en retirer du bonheur, et qui plus est entièrement déterminé. Alors, si la condition de l’animal est intrinsèquement absurde, seul l’homme peut en échapper (par la négation ou l’affirmation du vouloir, selon l’option et non la structure) ou en échappe nécessairement par sa nature à chaque instant, s’il est libre.

 

Mais Brian se voulait bien plus révolutionnaire. Sa thèse du réductionnisme total du psychisme au corps, à chaque instant, la conscience étant l’expression de l’état corporel, donc déterminé intégralement impliquait le choix de la vraie philosophie, scientifique, conte les hypothèses métaphysiques, les postulats pratiques. Nous sommes des animaux, notre conscience sert les intérêts biologiques de l’espèce. D'où le besoin de refonder toutes les institutions, le passage à une nouvelle ère, l’ère de la responsabilisation, et déresponsabilisation collective, responsabilisation collective juridique, déresponsabilisation métaphysique et phénoménologique. Une nouvelle prophétie. Science, philosophie et sociologie main dans la main !

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