Brian avait un défaut de socialisation. Mais c’était quoi se socialiser ? Regarder Koh Lanta, le foot, rire devant des émissions vulgaires, lire Marc Lévy, marcher au pas, aller faire la guerre la fleur au fusil, embrasser tous les préjugés de son temps, accepter l’esclavage, tolérer l’intolérable, et avec une meute d’abrutis lyncher joyeusement Elephant man ? Plutôt crever !
Entre Silbermann et ses persécuteurs grégaires, Brian, autre Silbermann, mais surentraîné, éliminerait, pas avec la froideur d’un professionnel mais avec grand plaisir, ses bourreaux. Mais il en fut. Persécuté d’abord, puis persécuteur, encore persécuté, et enfin persécuteur, dans un cycle sans fin. En toute logique, et malgré les violences subies, il aurait dû commencer l’œuvre de justice par lui-même. La violence commise par autrui étant aussi conditionnée que la sienne, il devrait s’éliminer d’abord, ou plutôt s’éliminer en bout de course, tuer, puis clore l’œuvre divine, la colère de Dieu, par son sacrifice. Finalement, le Diable et le Christ ne font qu’un. Ils bossent tous les deux pour la même finalité, et servent le même patron. Mais comme le Christ a échoué, Dieu envoie le punisseur. Et se prendre pour le punisseur, la colère incarnée de Dieu, c’était un délire psychotique dont Brian était encore indemne. Non, il était lasse de tout ça. La corruption régnait absolument partout. L’homme était à la fois trop et pas assez animal., un entre deux déstructurant et destructeur, et Brian, lucide, savait que d’une façon ou d’une autre, il était piégé. Il ne pourrait ni amender le monde, ni le fuir, ni y vivre en supportant l’omniprésence de la violence. Il pourrait juste se trouver lui-même ou se saborder. Pas d’autres options, de troisième voie.