Si l’on considère que statistiquement, les membres d’une population donnée vont plus souvent, beaucoup plus souvent, en prison que d’autres individus d’une autre population, on peut dire qu’il y a un évident déterminisme social. Si l’on objecte que certains y échappent, d’où vient qu’ils y échappent ? Des circonstances, d’une bonne rencontre, d’une force morale propre, d’une sorte de vertu intrinsèque « spéciale » ? Mais alors, on n’est pas le « projet originel d’existence » sartrien, bien plutôt la courbure originelle de l’âme de Bergson. On reste dans le déterminisme, pas de libre arbitre mystérieusement inconditionné ici. Il faudrait, pour que l’homme échappe moralement aux lois physico-chimiques, qu’il échappe au monde, qu’il soit un « empire dans un empire » comme chez Spinoza (qui n’y croyait pas), qu’une espèce d’ordre intelligible se plaque, se superpose sur le monde sensible. On est en plein surnaturel, hypothèse métaphysique qu’on ignore être tel et toute la société est régie sur l’idée que l’individu existe sans les relations qui l’ont façonné, en quelque sorte complètement isolé, et complètement responsable.Mais un tel individu n’existe pas. L’homme est toujours inséré dans un milieu, façonné par lui, on le comprend quand on sait les enchaînements qui ont conduit l’homme là ou là, à penser ceci ou cela, à faire ceci ou cela, et la seule justice véritable, c’est celle qui, pour chaque délit ou crime commis, le place dans l’ensemble du contexte et de la communauté, symptôme de la violence communautaire, et punit la collectivité dans son ensemble. Rien de plus opposé à la justice Occidentale.
On comprend pourquoi l’Eglise est clémente envers Lacan et Dolto, car ils responsabilisent et donc culpabilisent complètement l’individu, en le posant comme à l’origine des refoulements dans son inconscient donc toujours libre, position Sartrienne. Toute autre était la position Freudienne à mon avis, qui observait des processus de survie, et n’omettait pas l’importance du biologique, énergétique des pulsions. Ainsi, j’arrive à la position inverse. La volonté individuelle (proche de Nietzsche) est une construction théologique qui sert à asservir les esprits, et l’homme n’est pas plus responsable, libre de son inconscient que de sa conscience.