J’ai regardé la dernière vidéo de Greg avec Léo Tamaki et je suis surpris par l’unanimité des commentaires positifs. Je suis plutôt contrasté, tout à la fois admiratif et critique. Je trouve que Léo est courageux de créer sa propre voie, et j’apprécie ses connaissances historiques, son parcours. Mais j’ai aussi à y redire. Je le pense un peu naïf quant à l’appréciation martiale de ses maîtres. Autant je respecte Tamura et Kuroda senseï, autant j’émets des réserves sur Hino Akira. Je suis sceptique quand je vois ses vidéos, je ne suis pas convaincu, mais je peux aussi me tromper.
Sur l’aïkido, « art de détruire » dans ses origines, et cette valorisation de la destruction, il me semble que Léo Tamaki fait fausse route. S’il veut retrouver cet aspect, qu’il le cherche, libre à lui, s’il a des élèves intéressés par cette démarche, libre à eux. Mais l’évolution de l’aïkido tient aussi au fait que le temps des samouraïs est révolu, qu’on n’est pas des samouraïs, et n’avons pas la nécessité de le devenir. Pourquoi valoriser l’efficacité ultime ? Jigoro Kano a lui-même fait de son art une voie d’éducation en l’orientant vers moins de techniques violentes que le ju jutsu. Si, comme le dit Léo, le but, c’est d’éviter le conflit, mais si on ne peut l’éviter, détruire l’adversaire, quelle est la spécificité de l’aïkido ? Quelle différence avec le karaté par exemple ? Et pourquoi le fondateur n’en est-il pas resté aux origines, notamment le Daito ryu ? Pourquoi ne pratiquons-nous pas le Daito ryu ? Eh bien, parce que l’aïkido n’est pas le Daito justement, dont le but (Sokaku Takeda) était la destruction radicale. Si le fondateur a évolué vers sa forme propre, a crée son style, c’est, comme le judo, dans un but éducatif et pacifiste. L’aïkido n’en est pas moins efficace, comme le judo. Mais toutes les techniques ont été modifié en ce sens, pour que le souci de la préservation de l’adversaire soit incorporé, non seulement dans l’intention, mais dans les techniques elles-mêmes. Irimi nage projette, mais ne brise pas les vertèbres, nikyo, sankyo, kote gaeshi, hiji kime osae luxent les poignets, les coudes, mais ne rendent pas infirmes. Les techniques doivent rester suffisamment efficaces pour se défendre sans infliger de terribles blessures à l’attaquant. Cette recherche est la spécificité de l’aïkido. En faire un art exclusivement guerrier par rapport à ses origines, c’est méconnaître son évolution à des fins plus altruistes. L’aïkido, ce n’est pas Steven Seagal. Un attaquant détruit ne s’amende pas.