« La philosophie a finalement toujours été une école de management et de leadership ». On pourrait dire également que les managers et les leaders sont les philosophes des temps actuels.
L’existentialisme :
« L’existence précède l’essence ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Que vous êtes libre de bien bosser, ou non, pas d’excuses. Comme l’a écrit Sartre, condamnés à être libre, quels que soient vos choix. « Projet originel d’existence », vous n’êtes pas déterminé. Certes, il y a les situations, mais toujours vous avez le choix, librement inconditionné, au sein de ce contexte. Vous êtes embarqué. Qu’allez-vous faire de votre vie ? Servir l’entreprise, ou non ? Freud était de mauvaise foi. Pour refouler quelque chose comme dangereux dans l’inconscient, il faut en avoir une conscience première, donc vous êtes encore et toujours libre. Votre conscience l’emporte. Pas d’excuses.
Le Bergsonisme :
Il y a l’élan vital, la morale close, fermée pour les faibles, la morale ouverte pour les forts. Vous voulez être faibles ? Soyez les créateurs de vos propres valeurs, boostez votre créativité, la vie est « création d’imprévisible nouveauté », comme l’écrit Bergson, et servez l’entreprise au mieux. On rejoint les Taoïstes. Soyez flexibles, libres, adaptez-vous et assumez vos choix. Certes, les rites sont utiles à toute organisation (Confucius), mais l’excès de rites ne doit pas scléroser, figer, empêcher l’innovation. Peut-être atteindrez-vous alors le dernier stade, le mystique, et l’empathie que vous aurez bénéficiera à tous vos collaborateurs, à vos subalternes, et même à vos supérieurs, eh oui, je vous le dis, c’est provocateur, mais même vos supérieurs ont besoin de vous, peuvent apprendre de vous. Mais si vous êtes pauvres, interrogez-vous vraiment. Qu’avez-vous fait, réellement, sincèrement, pour devenir riches ? Mais pour bien anticiper, il faut se concentrer sur le pouvoir du moment présent, riche de toutes les virtualités, les possibilités en sommeil. Méditons.
La main invisible du marché :
Comme l’écrivait Adam Smith, toujours bon de rappeler les fondamentaux, on ne demande pas à un boulanger d’être sympathique, on lui demande de faire du bon pain. Eh bien, on ne demande pas à un cadre d’être un gentil garçon (rires), on lui demande d’être efficace, de produire, d’agir. Un temps pour la réflexion, un temps pour l’action. Et souvenez-vous toujours de cette maxime tirée de La Fontaine, ce maître de sagesse, « L’oisiveté est la mère de tous les vices » et, encore, je ne peux m’empêcher, de vous donner celle-ci, qui a été ma boussole, mon repère toute ma vie « Le travail, c’est le vrai trésor ».
Pragmatisme :
N’oubliez pas, les plus grands penseurs américains étaient pragmatiques. Ce qui compte, ce n’est pas la vérité de la proposition, c’est si elle fonctionne. Que vous importe si Dieu existe ou non, si croire en son existence vous apporte le bonheur. Souvenez-vous que la réussite de votre entreprise, et donc de vos collègues, dépend de votre motivation. Libre à vous de vous détruire, de renoncer, mais, je vous en prie, ne gâchez pas la vie de vos collègues !
Nietzsche :
Comme l’a bien vu Nietzsche, la vie est surmontement, dépassement de soi. L’homme est un pont vers le surhomme. Voulez-vous faire partie des faibles ? Alors stagner. Régresser ? Non, tout de même, car alors c’est la porte (rires). Non, sérieusement, stagner aussi, c’est un crime contre la vie, la volonté de puissance de domination. Il vous faut vous surpasser à chaque instant, et écraser, sans vergogne, la concurrence, car la vie est cette lutte pour le pouvoir, l’accroissement. Nietzsche rejoint ici Spinoza, pour qui le bonheur est le passage à un degré de perfection supérieure. Allez, je vous la fais plus simple, l’augmentation de la puissance d’agir, c’est, aussi, la joie. Vous voulez être tristes ? Baissez les bras, abandonnez la lutte, vous serez tristes, mais vous ruinerez la vie de vos collègues, les entraînerez dans votre sillage, inondant d’ondes négatives l’espace de travail. Et vous croyez vous en tirer comme ça, si simplement ? (rires). Non, ce n’est pas acceptable. La responsabilité avant tout. Ne vous défaussez pas. Et la mystique encore, aller je vous le donne, la connaissance du troisième genre, la plus haute chez Spinoza, la béatitude intellectuelle dans le travail, au travail, par le travail.
Selon Nietzsche, encore, il y a Apollon, l’ordre nécessaire à toute organisation, le support de l’entreprise, et Dionysos, la créativité géniale qui fera prospérer l’entreprise. L’entreprise doit trouver un équilibre entre le dionysiaque et l’apollinien, laisser du lest à ses employés, tout en les cadrant. C’est ce qui fait la beauté de la culture d’entreprise.
Stoïcisme :
Et les Stoïciens, dans tout cela, me direz-vous ? Ah, ce n’étaient pas le genre à se plaindre, ce n’étaient pas des grincheux, eux ! Et on ne veut pas de ce travail, et on veut plus d’argent, et tels avantages. Non ! Pensez qu’il y a des choses qui dépendent de vous, d’autres non, et qu’il faut les distinguer pour sagement mener sa vie. Votre patron vous en fait voir de toutes les couleurs (rires). Ca ne dépend pas de vous. Seule votre vertu, votre rectitude intérieure, votre maîtrise de vous-mêmes dépendent de vous, et vous mènent à l’ataraxie, l’absence de trouble, la maîtrise de soi, la constance du sage, la tranquillité de l’âme, pour reprendre des traités de Sénèque, qui était, je le rappelle, le conseiller de Néron (qui a si bien réussi comme chacun sait), donc un consultant, un coach, un expert en management lui aussi, pour ceux qui douteraient de l’intérêt de la philosophie dans l’entreprise, pour la vie pratique.
Imaginez toujours le pire ! Voilà qui devrait être un mantra. Imaginez toujours que vous pouvez être licenciés du jour au demain, et vous ne serez pas surpris, choqué de l’être. Cynisme ? Non, car vous pourrez ainsi, préparés, mieux rebondir. Pensez qu’Epictète était esclave, et qu’il considérait que le sage, imperturbable, ne souffrirait pas s’il perdait femmes et enfants, car ce sont choses naturelles qui ne dépendent pas de lui, de nous. Pourquoi, si nous ne nous attachons à rien qui ne soit indépendant de nous, irions-nous gémir ?
« Gémir, prier, pleurer est également lâche
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t’appeler
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler »
C’est le loup élevant le poète, et lui délivrant son magnifique message de grandeur et de vie. Il lui enjoint de le prendre pour exemple. Eh bien, votre vie à vous, « la voie où le sort a voulu vous plonger, c’est l’entreprise, et la résignation que vous devez atteindre, c’est celle du loup, qui ne gémit, ni ne pleure, ni ne prie (quoique vous pouvez prier) mais fais énergiquement sa longue et lourde tâche dans voie où le sort a voulu l’appeler. Puis après avoir souffert, il meurt dignement, sans jérémiades, sans parler est-il écrit. Voilà ce que devrait être votre vie dans l’entreprise, au service de l’entreprise. Et, encore, plongé dans le taureau de Phalaris –qu’est-ce que le taureau de Phalaris, me direz-vous (eh bien, on y brûlait vif les condamnés), le sage est heureux, il n’est point troublé. Eh bien, vous qui vous plaignez sans cesse de vos conditions de travail, êtes-vous plongé, dites-moi, dans le taureau de Phalaris ?
Et comme mantra, aussi, « ce n’est pas l’événement qui m’affecte, c’est la représentation de l’événement ». On vous l’a souvent dit, ou c’est nouveau pour vous. Eh bien, ce n’est pas le développement personnel qui l’a trouvé ça, non, ce sont les Stoïciens. Ca veut dire que vous êtes troublé par la représentation, non par l’événement réel. Votre femme meurt, et c’est l’événement qui vous trouble croyez-vous ? Mais regardez votre voisin, qui vit la même chose sans souffrance, parce que sa représentation de l’événement est différente. Ainsi, vous perdez un bras, votre travail, un proche, ne vous plaignez pas, agissez sur ce que seul vous pouvez contrôler, l’usage de vos représentations. Vous avez un patron irascible, des conditions de travail que vous trouvez déplorables ? Dites-vous bien que ce n’est que dans votre tête que cela se passe, qu’il vous suffit de changer la façon dont vous percevez les choses pour modifier votre état d’esprit. Et vous deviendrez adultes, autonomes, ne vous plaindrez plus dans une attitude de victime, un geste infantile, le refus d’assumer vos propres responsabilités car c’est facile, sur le patron, les collègues, la société, le boulanger, ou le service SNCF (rires) qui vous fait arriver en retard, quand vos collègues, eux, n’ont pas de retard. Mais quand donc deviendrez-vous adultes, responsables ? N’oublions pas le pouvoir du moment présent, méditons.
Pascal :
Finissons par Pascal. Paraphrasons ce grand maître de sagesse. Pour Pascal, un patron a toujours raison, non dans l’absolu qui n’est pas de ce monde, mais du seul fait de sa position en tant que patron, on lui doit obéissance, car le respect de la hiérarchie est inévitable pour préserver la paix sociale, éviter le chaos. Un peu d’injustice est préférable à la faillite de nos institutions, de notre belle société n’est-ce pas ? Vive la République, vive la France ! Hourra !
Ce sera la conclusion, chers amis !
Ps : L’historien Harari dit que les poules ont réussi au niveau de l’espèce, d’un point de vue démographique, mais que leurs vies individuelles (enfermées dans des box) sont terribles et nettement moins libres et heureuses que celles de leurs ancêtres. Ne pourrait-on pas ajouter, si l’on suivait anarchistes et marxistes, qu’il en est exactement de même de l’homme, qui s’est multiplié en tant qu’espèce, mais qui vit parqué dans des espaces fermés toute la journée, quand, avant l’avènement de l’agriculture, l’homme du paléolithique chassait et cueillait au grand air ! Eh bien, osons le dire. L’homme enfermé qui œuvre au bien commun, qu’on dispense de penser pour son bien, au profit de l’entreprise et de la société, n’est-il pas le plus heureux des hommes ? On le prive ainsi d’inutiles atermoiements, qui plus est néfastes à la société, et on lui offre en retour tant de divertissements, de distractions salutaires, pensons à nos bleus champions du monde, aux émissions de variétés si ludiques et entraînantes. Nous verrons lucidement qu’on lui offre le meilleur des sorts, une vie confortable, où tout est balisé, sécurisé, sans incertitudes, sans risques, sans pensées, la vie idéale en somme, où tout est fait pour son bonheur. Car l’homme ne veut-il pas être heureux ? Comme le disent le Dalaï lama, Christophe André, Eckart Tollé, Ringpoché quelque chose, et tant de maîtres de sagesse, arrêtons de nous plaindre, de ressasser le passé, d’anticiper l’avenir, et concentrons-nous sur le moment présent, surtout sans réfléchir, et peut-être arborerons nous sur notre visage la magnifique idiotie du parfait crétin, le crétin des hauts plateaux himalayens, le visage de l’imbécile heureux le plus connu de la planète, (mais Eckart Tollé n’est pas loin, puis suivent de près Laurent Gounelle et Eric Emmanuel Schmitt), j’ai nommé le Dalaï lama.