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20 décembre 2009 7 20 /12 /décembre /2009 17:59




Pour annoncer la couleur, je  vais donner une liste de quelques oeuvres littéraires qui sont pour moi incontournables, parmi tant d'autres.

Je tiens à préciser, par la même occasion, le caractère subjectif de toute appréciation en matière de goût en général, et ici en littérature.

En effet, nos inclinations sont en étroite correspondance avec la singularité de nos parcours. Ainsi, tenter d'établir une liste des meilleurs livres, même si cette liste s'affirme très personnelle, n'est pas une démarche aisée pour cause d'évolution permanente, et bien que le franchissement d'étapes, ruptures qualitatives résultant d'une lente maturation, soit peu fréquent.
L'évolution du goût littéraire n'empruntera pas la même direction pour tous. Elle dépendra des commencements.

Je ne placerai pas, dans cette liste, les romans qui m'enchantèrent enfant, comme "Les Aventures du Plus Petit des Pirates et de Son Ennemi le  Gros Capitaine", "Les Aventures du Petit Baron Fauntleroy", "Mon Bel Oranger", "Voyage au Centre de la Terre", "Le Comte de Monte Cristo",  "Le Petit Chose", car je suis désormais incapable de savoir quelles impressions ils me donneraient si je les lisais actuellement.

Peut-être ne faudrait-il retenir, comme critère, que l'aspect "révélation" au moment de la découverte.
Cependant, il me paraît difficile de placer dans une liste de chefs-d'oeuvres des romans que j'adorais enfant et que je pourrais juger comme de pitoyables navets maintenant. Et les exemples ne devraient pas manquer !

Sans remonter aussi loin, je sais que certaines des oeuvres que je vais mentionner, lus il y a une dizaine d'années, ne correspondent plus à mes attentes. Mais, si je ne devais conserver que les livres qui ont été les révélations, ou les heureuses découvertes qui correspondent aux besoins qui étaient les miens ces derniers mois, ma liste serait bien pauvre, et j'aurais le sentiment de commettre une injustice envers tous les auteurs qui furent des révélations passées, m'aidèrent à tenir quand il le fallait, et me sauvèrent peut-être la vie.

Par cette dernière idée, je comprends que le critère qui me servira à choisir une période à partir de laquelle je pourrais sélectionner des oeuvres, c'est l'âge à partir duquel les livres me sont devenus biologiquement nécessaires qui me le fixera, un certain moment de mon adolescence à seize ans où je n'étais plus "tenu" que par eux, où ils se muèrent de distraction profonde en toute autre chose, satisfactions d'un besoin vital, compagnons, ultime réconfort. Leurs aides, leurs influences dans la conduite de ma vie surpassèrent, et de loin, les avantages de la bouteille, n'en déplaise à Bukowski.


Pour reprendre brièvement sur mon parcours littéraire, je vais donner quelques exemples.

"Jacques le Fataliste" m'avait fasciné adolescent, et m'avait déconcerté  pour son étrange philosophie. La vision déterministe de Jacques m'ouvrait des portes, me donnait de nouvelles grilles de lecture pour comprendre le monde, et cela constituait un aspect central du charme de l'oeuvre. Or, depuis, (il se trouve que je suis philosophe), j'ai lu "l'Ethique " de Spinoza. Et l'influence de Diderot pour ce qui concerne la vision de Jacques, c'est Spinoza. Comme Voltaire, Diderot aimait beaucoup Spinoza et peu Leibniz (Pangloss dans "Candide" , c'est Leibniz : "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes"). Spinoza, évidemment, approfondit bien plus les implications du déterminisme que le fait Diderot par Jacques. J'ai donc été fort déçu par la relecture récente de "Jacques",  qui ne pouvait plus rien m'apporter de ce côté là. Et cette déception n'a pas été compensée par l'aspect humoristique qui m'avait moins marqué à l'époque.

La déception, je l'ai également ressentieà la relecture du "Portrait de Dorian Gray". J'avais été, adolescent, émerveillé, fasciné par l'intelligence, la spiritualité des dialogues. A la fin du livre, j'avais regretté ne pas avoir souligné les plus remarquables et nombreux passages. Et puis, je l'ai relu il y a peu, mais finalement, je n'y ai plus rien appris, alors que tout m'y paraissait nouveau, que j'avais été subjugué. Cela tient sans doute au fait que parvenu à un certain seuil de connaissances, plus rien ne surprend, au moins au niveau des idées, alors il faut trouver autre chose.

Dans ce prolongement, cela fait bien longtemps que ne ne me suis pas replongé dans '"Le Loup des Mers" de London, qui est un des rares livres que j'ai lu de nombreuses fois. C'est un roman d'aventures maritimes, et il met en scène un lettré fragile, sensible, habitué à la compagnie des femmes, dont les idées politiques sont empreintes d'altruisme, qui, au terme d'un naufrage, est confronté à un capitaine cruel, surnommé Loup Larsen, rude, sans pitié, Nietzschéen, doué d'une puissance physique colossale, d'une vigueur phénoménale, et néanmoins original en ce qu'il révèle un fond raffiné, avide de connaissances. Les deux personnages sont en fait deux incarnations de Jack London, qui était et socialiste et Nietzschéen, et ne parvenait pas à réellement concilier ses deux tendances en lui. C'est un roman captivant. Mais m'apporterait-il encore, ne serait-ce qu'un peu de l'énergie qu'il porte en lui, ou bien ce souffle, cet amour de la vie propre aux oeuvres de London, finiraient-ils par m'abattre, comme l'ont fait certains de ses romans? Je crois, en fait, avoir épuisé ce que cette oeuvre pouvait m'insuffler.

Je suis très intéressé, actuellement, par la littérature américaine, pour la raison même qui m'en a si longtemps tenu éloigné . Je reprochais aux auteurs américains leurs manques de fond, leurs manques d' idées, lorsque j'attendais des auteurs de longs développements spéculatifs sur tous les sujets possibles, arts, littérature, métaphysique, politique, science etc
C'est la raison pour laquelle je n'ai pas aimé, parmi les allemands, "Le Jeu des Perles de Verre", de Hesse, qui proposait l'élaboration de vastes synthèses de tendances opposées et complémentaires, comme le yin et le yang, l'esprit et la matière, la liberté et le déterminisme, l'homme et la femme, l'Occident et l'Orient, la foi et la raison, mais ne les développait jamais, à l'inverse de Proust, Mann, ou Dostoievski par exemple.
Or, je me suis lassé de ces sortes de développements.

Si Proust a été l'écrivain que je plaçais au-dessus de tous les autres pendant tant d'années ( je l'estimais le plus grand de tous les temps, plus universalisable que Dostoievski ), dévorant en plus de l'oeuvre les ouvrages critiques de Gaetan Picon, Geoges Poulet etc,  je finis par m'en lasser lorsque je fus sevré des longues et interminables digressions plus proches de l'intellect que de la vie, et la critique que DH Lawrence, dans "L' amant de lady Chatterley" livre sur Proust, où, pour faire simple, il fait dire que finalement il manque quelque chose d'essentiel dans cette oeuvre, de l'orde du vivant, me parut assez pertinente.  Et pourtant elle m'aurait scandalisé il y a quelques années.


Comme l'écrit Schopenhauer, le fond et la forme doivent s'équilibrer. Si la forme prime, c'est vide, ça manque d'âme, et si le fond l'emporte, le roman ne devient qu'un prétexte pour exploiter ses idées, et il s'agit alors davantage de dissertations philosophiques que de romans.
Balzac, Zola réalisent à merveille cet équilibre. Les auteurs russes également.
Malheureusement pour ces derniers, on pourrait leur appliquer la critique de Sartre à propos de Kierkegaard, c'est-à-dire que leurs réactions salvatrices à l'esprit systématique allemand et en particulier Hégélien sont limitées par leurs repliements pathologiques dans l'idéologie locale et particulière de la Slavophilie, religion Orthodoxe, âme russe etc
Il est vrai que c'est aussi ce qui fait son charme. Celui-ci provient peut-être des limitations, inhérentes à la spécialisation, comme en tout domaine. Otez à la philosophie ses concepts, au sport le mouvement, il n'en reste rien. Leur puissance réside dans ce qui les détermine et les limite.

Un des éléments qui explique que mon coeur, mon âme ont été longtemps russes, et pour lequel je vénérais plus que tout Dostoievski, est celui-là même qui, comme pour l'élément intellectuel de certains romans trop philosophiques, m' en éloigne aujourd'hui. Cet invariant des grands Romans russes qui m'attirait, c'était l'angoisse métaphysique, et les russes m'ont si profondément marqué que j'ai pensé m'inscrire, un temps, à l'Institut Saint Serge, pour me spécialiser dans l'orthodoxie, m'abreuver de la "Philocalie" etc...
Il m'était aisé, et même naturel, de me passionner pour Dostoievski, puisque, hormis hélas le talent, j'en partageais les préoccupations, l'hystérie, les obsessions religieuses, et de nombreuses craintes, d'innombrables conflits intérieurs. Or, les discussions interminables sur la vérité et le Christ, la justification du mal si Dieu est bon, les problèmes théologiques, la foi et la raison, la liberté et la grâce, la liberté n'occupent plus, du tout, la place centrale de mes réflexions. Et il faut que je m'avoue qu'il m'est bien difficile d'en détacher Dostoievski, car ces obsessions imprègnent tout le reste, et c'est jusqu'au rapport de ses personnages masculins aux femmes, complexes et que j'adorais, qui a perdu de l'attrait et du charme pour moi.


Et maintenant, l'Amérique!

Ce que j'apprécie chez les américains, chez Bukowski, Kerouac, Fante, Toole, Miller, c'est l'instauration d'un nouveau rapport à la littérature et à la vie, et de ce rapport naissent une violence et des révélations d'une autre nature que celle des autres classiques européens.  Les oeuvres des écrivains américains paraissent moins encombrées, ou plombées différemment, riches de possisibilités nouvelles, et décomplexantes tant nombre de ses réalisations paraissent plus abordables que "La Recherche" ou "La Comédie Humaine", et leurs génies moins inaccessibles.


Je termine pour annoncer que malgré ces changement incessants d'intérêt, je donnerai très rapidement une sélection embrassant les apothéoses de l'ensemble de la quête.



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