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11 janvier 2011 2 11 /01 /janvier /2011 14:27

 

  Lorsque j'étais très préoccupé par des problèmes religieux, du type "Entre la vérité et le Christ, si les deux s'excluent, je prends le Christ", ou "Si Dieu est mort tout est permis" ( Dostoievski ), ou bien "soit le Christ est réssuscité et est réellement le Sauveur du monde, soit il n'est pas réssuscité et le message évangélique perd toute sa puissance, sa raison d'être" ( Kierkegaard ), j'étais essentiellement fasciné par la littérature russe.

Or, avec le temps et mes changements d'orientations, j'ai tranché dans le sens de l'immanence contre la transcendance, et les problèmes existentiels tels que développés chez les auteurs russes appartiennent à mon passé, à tel point que je ne parviens pas ( sans doute pour des raisons psychologiques ) à lire "Les Possédés", seul grand roman de Dosto que je n'ai pas lu.

Dès que je l'aborde, il me tombe des mains, et pourtant Dosto a longtemps été l'incontestable number one pour moi.

Je ne parviens pas, également, à entreprendre sérieusement la lecture de "Guerre et Paix", bien que cette oeuvre semble une ode à la vie. C'est peut-être la longueur du livre qui me rebute, car le temps employé à cette lecture, je ne pourrais réellement m'intéresser à rien d'autres, et j'ai suffisamment délaissé une certaine part du réel pour ne pas en rajouter.

Le dernier grand Russe que j'ai lu, c'est Gontcharov et son "Oblomov"

 

J'ai l''impression que les russes, dans l'ensemble très religieux, se sont fourvoyés.

S'ils paraissent si tendus, si déchirés entre aspirations charnelles et religieuses par exemple, c'est qu'ils tentent de guérir de leur névrose en les renforcant.

Ce que Sartre écrit sur Kierkegaard, à savoir qu'après s'être libéré de l'esprit de système Hégélien par l'éloge de la singularité existante, il s'est renfermé dans une idéologie particulière ( le protestantisme pris au sérieux ), on peut l'appliquer à Dosto par exemple ( l'orthodoxie prise au sérieux ).

 Or, prendre la religion ( surtout monothéiste ) au sérieux, c'est se constituer une sorte de surmoi intense et omniprésent, une intériorisation d' un idéal du moi qui éloigne de soi, et s'empêcher de vivre ( Stirner puis Freud ).

 

Et tous les romans de Dostoievski sont imprégnés de ses névroses, et ses personnages également.

C'est très puissant, fascinant, attachant, mais c'est aussi très lourd.

Le plaisir charnel y est toujours implicitement condamné, la femme est considérée soit comme une Sainte chaste, soit comme une prostituée promise à la grâce qui peut être sauvée, mais la chair, l'abandon à la chair, y est toujours l'oeuvre du démon.

Et cela, on le retrouve complètement dans une partie de l'oeuvre de Tolstoï, et plus encore dans sa vie. Pourtant, il aimait la vie, mais comme il était terrorisé par la mort, il en vint à rejeter tout ce qui passe, est éphèmère, comme quelque chose d'inessentiel, et par conséquent à se priver de tout ce qui est seul à notre portée, et donc à lutter contre sa propre nature, et la nature en lui, et finalement, il aboutit à des tensions, des contradictions sans issue.

 

Toute autre me paraît l'option américaine.

Les grands auteurs américains cherchent à guérir de leurs névroses en en sortant.

Cela conduit non à un renforcement des tensions liées à l'adhésion insatisfaite à une idéologie particulière, mais à ce que Gilles Farcet ,à propos de Thoreau, Miller, Snyder ou Kenneth White ( écossais ) nomme "l'individualisme cosmique".

 

Les auteurs américains, grands originaux, cherchent leurs voies, et en s'individualisant à outrance, rejoigent l'universel et les vérités essentielles.

Cela ne va pas sans heurts, et certains chutent.

Mais c'est ce qui donne à leurs oeuvres quelques soient leurs sècheresses ou leurs excès, la couleur de la vie.

Je pense notamment à Thoreau, à Melville, à London, à Hemingway, à Miller, à Fante, à Kerouac, à Toole, à Harrison.

 

Il me semble que la force d'une tendance majoritaire de la littérature américaine, son impact actuel, vient de son adhésion à la vie, aux possibilités qu'elle offre et qu'elle essaie de faire fructifier, et non de l'opposition à la vie telle qu'on la rencontre chez beaucoup de russes, mais aussi, en France, chez Baudelaire, Bloy, Bernanos, Houellebecq par exemple.

 

C'est cette dimension de la littérature américaine qui est, d'après moi, la vraie spiritualité, et c'est cela qui m'attire.

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