Il est notoire que les artistes sont aussi intéressés par la psychanalyse ( Mahler, Mann, Zweig, Breton, Dali ), qu'ils s'en méfient.
Ils pensent que leurs conflits intérieurs sont le moteur de leurs créations, et que s'ils les réglaient, ils n'éprouveraient plus le besoin impérieux de s'en décharger par leurs oeuvres, grâce auxquelles ils modèrent la gravité de leurs névroses et retrouvent le monde réel selon Freud.
Ils le retrouvent, car il leurs faut bien composer avec le principe de réalité, pour aboutir à quelque chose de concret et ne pas stagner dans le fantasme, l'inachevé.
Ils doivent imposer une forme communicable à leur imaginaire.
Je crois que leur crainte est infondée. La psychanalyse peut leur permettre de prendre conscience de leurs désirs réels. Il est possible, en effet, qu'ils ne cherchent à créer que pour répondre à des injonctions inconscientes, telle qu'une intériorisation d'un désir parental par exemple. Dans ce cas, la psychanalyse leur donnerait la possibilité de s'en libérer. Mais s'ils veulent continuer à créer, librement cette fois, à partir de la prise de conscience de leurs désirs, ils le peuvent. Et s'ils s'aperçoivent qu'ils ne le veulent pas, pourquoi s'enfermer dans le mythe de l'oeuvre à faire et gâcher leur vie par cette sacralisation abusive ?
Mais, ce qui importe plus que tout, c'est que la psychanalyse n'altère pas la pulsion primitive, la force de vie de l'individu, sa mémoire, sa libido, son imagination, ses capacités créatives. Au contraire, elle les lui rend.
Elle ne déconditionne pas, comme le fait la psychiatrie, pour reconditionner de façon comportementaliste.
Le reconditionnement est laissé à la charge du patient, donc sa liberté est sauvegardée.
Comme les troubles sont considérés comme des symptômes, on ne s'y attaque pas directement. On ne cherche pas à "forcer" l'individu, on le laisse advenir à son rythme, les symptômes disparaissant progressivement en fonction du mieux-être général.
Et, bien sûr, il s'agit encore moins d'amputer l'être d'une partie de lui-même par des pratiques si odieuses, si abominables, et qui furent néanmoins si fréquentes en psychiatrie ( dont les TCC sont les héritières ), que l'on en taira les noms.
La psychanalyse peut donc être utile aux artistes, surtout aux plus torturés d'entre eux. Elle peut les sauver de l'enfermement obsessionnel qui, s'il est un élément de leur profondeur, peut les conduire à la folie.
Schumann aurait sans doute pu être sauvé par la psychanalyse. Elle ne l'aurait pas rendu moins créatif, en lui offrant la perspective d'une libération intérieure, en le rassurant par la démonstration que ce qu'il prenait pour un mal incurable n'était en fait qu'un entrelacs de complexes psychiques que sa grande intelligence et sa prodigieuse sensibilité auraient en fait aidées à dénouer.