La psychanalyse comporte un élément d'émancipation individuelle qui peut la rapprocher de l'anarchisme ( Philippe Garnier ).
Cette libération individuelle est toujours un compromis entre les inclinations personnelles et les obstacles qui lui sont imposés du dehors.
Pour qu'il y ait réalisation effective, il faut bien que l'individu s'accomode du principe de réalité.
Ce qui ne signifie pas qu'il ne peut pas et ne doit pas chercher à modifier son réel.
Mais sa liberté, comme dirait Sartre, est bien obligée de faire avec la situation qui lui est donnée.
A la différence de chez Sartre d'ailleurs, l'homme ne naît pas libre, n'est pas condamné à être libre. Mais si "le moi n'est pas maître en sa propre maison", il peut le devenir.
Cependant, comme chez Spinoza, ce n'est pas la liberté qui pose des actes et ainsi fonde, "crée" la nécessité, mais l'accession à une certaine compréhension intuitive de la nécessité qui engendre la liberté. Et cette libération, sorte de prise de conscience de l'enchaînement des causes et des effets, des motifs qui nous déterminaient à notre insu ( l'inconscient chez Freud ), et dont l'ignorance nous donnait l'illusion d'être libre, cette liberté donc est elle-même le fruit d'une chaîne causale, dont nous ne sommes, en définitive, pas les responsables.
Je crois utile de signaler qu'à mon avis, cette libération a comme corollaire la prise de conscience de notre finitude, donc la critique implicite des dogmes religieux. Freud ne s'est pas privé d'en démontrer le caractère de fiction consolatrice ( Dieu le Père tout puissant, idéal etc ).
Spinoza a dénoncé les croyances religieuses comme superstitions mais sa pensée s'est développée sur le mode de l'éternel, donc s'écarte de Freud sur ce point.
Ce n'est que parce que nous nous sentons finis, que nous pouvons, même si ça ne suffit pas, être libres.
Car alors seulement, nous pouvons réinterroger toutes nos pratiques, nos investissements énergétiques, remise en cause qui ne tient que par la conscience d'un horizon borné.
Il s'agira alors pour nous de réussir à savoir ce qui est l'essentiel pour nous, et pas l'essentiel pour Dieu, pour pouvoir s' y concentrer.
Bien sûr, il faudra y concilier le cadre objectif, historique d'existence dans lequel nous sommes immergés. Mais il importe aussi de se déprendre d'une médiation excessive, sans rapport avec la stricte nécessité imposée par le réel, une médiation de type Hégélienne qui a tendance à repousser indéfiniment la satisfaction du désir.
Reste le délicat problème du contenu exact du concept de la liberté chez Freud.
Il existe 2 visions divergentes, au moins à première vue :
-Pour les surréalistes, Breton en tête, il s'agit de se déprendre de l'influence du conscient, du surmoi, de la censure, pour laisser agir la fougue de l'inconscient, vraie racine de l'être ( ex : écriture automatique, valorisation du rêve )
-L'autre conception est celle de Thomas Mann. Pour lui, si Freud a exposé la part obscure, irrationnelle, "l'inquiétante étrangeté" en chaque homme, c'est pour mieux la domestiquer, et s'en préserver. Le rationalisme, le moi doivent triompher de l'instinct, des pulsions, de la bestialité non raisonnée.
En fait, il n'est pas exclu que les deux visions, apparemment irréductibles, puissent converger.
Après tout, l'épanouissement individuel réclame la satisfaction libidinale, et le meilleur moyen pour y parvenir, sans se contenter de fantasmes, mais sans enfreindre les moeurs, les valeurs établies, c'est d'avoir un moi "fort", capable de composer avec ça et surmoi, afin de trouver les meilleures solutions pour un compromis toujours précaire, toujours à faire.