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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 13:55


La psychanalyse comporte un élément d'émancipation individuelle qui peut la rapprocher de l'anarchisme ( Philippe Garnier ).
Cette libération individuelle est toujours un compromis entre les inclinations personnelles et les obstacles qui lui sont imposés du dehors.
Pour qu'il y ait réalisation effective, il faut bien que l'individu s'accomode du principe de réalité.
Ce qui ne signifie pas qu'il ne peut pas et ne doit pas chercher à modifier son réel.
Mais sa liberté, comme dirait Sartre, est bien obligée de faire avec la situation qui lui est donnée.

A la différence de chez Sartre d'ailleurs, l'homme ne naît pas libre, n'est pas condamné à être libre. Mais si "le moi n'est pas maître en sa propre maison", il peut le devenir.
Cependant, comme chez Spinoza, ce n'est pas la liberté qui pose des actes et ainsi fonde, "crée" la nécessité, mais l'accession à une certaine compréhension intuitive de la nécessité qui engendre la liberté.  Et cette libération, sorte de prise de conscience de l'enchaînement des causes et des effets, des motifs qui nous déterminaient à notre insu ( l'inconscient chez Freud ), et dont l'ignorance nous donnait l'illusion d'être libre, cette liberté donc est elle-même le fruit d'une chaîne causale, dont nous ne sommes, en définitive, pas les responsables.

Je crois utile de signaler qu'à mon avis, cette libération a comme corollaire la prise de conscience de notre finitude, donc la critique implicite des dogmes religieux. Freud ne s'est pas privé d'en démontrer le caractère de fiction consolatrice ( Dieu le Père tout puissant, idéal etc ).
Spinoza a dénoncé les croyances religieuses comme superstitions mais sa pensée s'est développée sur le mode de l'éternel, donc s'écarte de Freud sur ce point.

Ce n'est que parce que nous nous sentons finis, que nous pouvons, même si ça ne suffit pas, être libres.
Car alors seulement, nous pouvons réinterroger toutes nos pratiques, nos investissements énergétiques, remise en cause qui ne tient que par la conscience d'un horizon borné.

Il s'agira alors pour nous de réussir à savoir ce qui est l'essentiel pour nous, et pas l'essentiel pour Dieu, pour pouvoir s' y concentrer.
Bien sûr, il faudra y concilier le cadre objectif, historique d'existence dans lequel nous sommes immergés. Mais il importe aussi de se déprendre d'une médiation excessive, sans rapport avec la stricte nécessité imposée par le réel, une médiation de type Hégélienne qui a tendance à repousser indéfiniment la satisfaction du désir.

Reste le délicat problème du contenu exact du concept de la liberté chez Freud.
Il existe 2 visions divergentes, au moins à première vue :

-Pour les surréalistes, Breton en tête, il s'agit de se déprendre de l'influence du conscient, du surmoi, de la  censure, pour laisser agir la fougue de l'inconscient, vraie racine de l'être ( ex : écriture automatique, valorisation du rêve )

-L'autre conception est celle de Thomas Mann. Pour lui, si Freud a exposé la part obscure, irrationnelle, "l'inquiétante étrangeté" en chaque homme, c'est pour mieux la domestiquer, et s'en préserver. Le rationalisme, le moi doivent triompher de l'instinct, des pulsions, de la bestialité non raisonnée.

En fait, il n'est pas exclu que les deux visions, apparemment irréductibles, puissent converger.
Après tout, l'épanouissement individuel réclame la satisfaction libidinale, et le meilleur moyen pour y parvenir, sans se contenter de fantasmes, mais sans enfreindre les moeurs, les valeurs établies, c'est d'avoir un moi "fort", capable de composer avec ça et surmoi, afin de trouver les meilleures solutions pour un compromis toujours précaire, toujours à faire.

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commentaires

M
<br /> ne perdons jamais de vue que la pulsion est une hypothèse à questionner "notre mythologie" disait Freud.<br /> Il semble que nous sachions peu de choses du point de vue scientifique sur les modalités d'ancrage de l'esprit sur le corps, au travers du langage et de l'imaginaire.Les catégories que nous<br /> formulons "réel", "imaginaire", "symbolique" n'ont de sens que l'une par rapport à l'autre et ne désignent en fin de compte rien de mathématiquement délimité ou délimitable. Le rêve, quand on le<br /> vit est aussi "réel" que le "réel". Qu'est-ce qui permet, sinon une catégorisation arbitraire de les considérer de nature différente. La vérité du sujet se révèle dans ses lapsus, ses actes<br /> manqués, nous dit Freud, et non dans le discours rationnel qu'il construit...<br /> La conception très XIXeme de l'économie psychique comme une thermodynamique semble aujourd'hui mise à mal par les neurosciences.<br /> Si on se réfère à la médecine chinoise ou ayurvédique, l'énergie est traitée tout différemment, le corps étant inséparable de l'esprit et en interrelation perpétuelle.<br /> Pour ce qui est de la liberté, dans la mesure où notre désir est toujours le désir de l'autre, la seule que la psychanalyse puisse nous offrir c'est celle d'être conscient que l'atteinte de la<br /> satisfaction du désir est impossible et de vivre la frustration avec une certaine lucidité. C'est mieux que rien. C'est loin d'une liberté véritable.<br /> <br /> <br />
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F
<br /> <br /> Je pense que la grande erreur de Lacan, comme de Adorno, ou de Sartre, cela a été de privilégier une approche existentielle dénuée de fondements, ou la sémantique au détriment de l'énergétique,<br /> pour reprendre Ricoeur. Ce qui m'apparaît important dans la psychanalyse, elle le doit à sa dimension incarnée, charnelle, biologique, ce qui lui permet d'éviter les spéculations dans le vide<br /> caractéristiques d'une certaine philosophie. Rien n'empêche de prêter foi à certaines pratiques chamaniques, ou ayurvédiques, cela ne contredit pas les apports de Freud selon moi. Pour Freud, le<br /> corps et l'esprit ne faisaient qu'un. Par contre, prétendre comme vous le faites que la satisfaction du désir est impossible à réaliser, c'est un peu rapide. Est-ce parce que nous ne serons<br /> jamais totalement rassassiés, satisfaits, qu'il faut s'interdire de vivre, de jouir, sous le prétexte que ces satisfactions seraient comme des divertissements au sens Pascalien, nous<br /> éloignant de l'essentiel? Mais quel est-il cet essentiel? Pourquoi la réalisation de nos petits désirs égoistes n'en ferait-elle pas partie ? Ce que je reproche aux religions et aux mystiques,<br /> c'est de nier la partie animale de l'homme, qui existe et qui doit s'exprimer. "Qui fait l'ange fait la bête" disait Pascal, et Darwin : "celui qui comprendra le fonctionnement du babouin fera<br /> davantage progresser la métaphysique que Locke". Je crois que c'est vrai.<br /> <br /> <br /> <br />