Brian repensa à la valorisation de l’homme par l’homme, l’humanisme. Etonnant quand même, parce qu’à y regarder de plus près, l’homme est, de loin, la pire espèce sur Terre, tout à la fois pour les centaines de millions d’animaux qu’il tue, qu’il asservit à des fins utilitaires ou domestiques, et pour ses semblables. Observe t-on dans la nature plus effroyable attitude que l’homme qui, avec force canons, épées, nucléaires, instruments de torture divers, tue et mutile par millions sa propre espèce ? Oui, comme l’écrit Nietszche, l’homme doit être dépassé, ou, selon Brian, disparaître, car il est bel et bien le poison qui corrompt et avilit, dégrade, détruit toute noblesse, toute forme de vie, tout élan sauvage, spontané et libre. Il est l’ennemi à combattre. Seigneur Jedi par ses compétences physiques et intellectuelles, Brian était passé du côté obscur, au service des Sith. Il voulait faire évoluer l’espèce sous un autre mode, ou anéantir une forme qu’il détestait telle quelle. D’ailleurs, Pasolini aussi bien que Mishima pouvaient être envisagés comme des seigneurs Sith. Et l’exigence du Tatenokaï, la Société du bouclier, la véritable aristocratie, Brian désirait la revivifier. Tout plutôt que cette société du spectacle affligeante et bruyante. Une dictature imposant des références culturelles élevées valait mieux que cette démocratie dévoyée, sans vitalité et sans idéal.
Jamais les mots de Tocqueville n’avaient sonné plus juste. « Je voudrais prévoir sous quels maux nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde. Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes afin de se procurer de petits et vils plaisirs dont ils emplissent leur âme ».
Le pire, chez l’homme, c’est la bonne conscience avec laquelle il commet les crimes les plus morbides. Autour de lui, bien plus que pour n’importe quel animal, ne transpirent que destruction du psychisme, amoindrissement d’autrui, empiètement sur l’intégrité corporel et spirituel. Il fallait être fort pour résister à tout cela, et en ressortir pas trop brisé.
Et l’esprit moutonnier, conventionnel, qui rendait les hommes, philosophes et scientifiques inclus, incapables, dans leur majorité, de toute vraie contestation, de toute désobéissance civile. Désespérant !
C’était sans doute trop tard pour faire évoluer la situation globale des hommes, englués dans un entrelacs sans issue, les privant de toute expression personnelle, trop occupés par les spectacles infantilisants qu’on leur proposait. C’en devenait tellement débile qu’on en arrivait à un point de rupture nécessaire. Toutes ces émissions populaires, ces téléfilms idiots devaient être interdits, leurs animateurs sanctionnés, et les décideurs supprimés. Il fallait inverser les valeurs. Les hommes étaient actuellement persécutés en proportion de leur différence. Plus ils étaient originaux, critiques, philosophes, préoccupés d’emplir leur vie d’activités épanouissantes, plus on les stigmatisait. Il n’y en avait plus, pour tout secteur, que pour les commerciaux décérébrés, conditionnés pour la TV réalité, le foot et Koh Lanta, Taxi et Fast and Furious, Coe et Hanouna, toute cette bouffonnerie insupportable et permanente inondant télé, radio, net et réseaux sociaux.
Putain, la guerre ! Pasolini et Henry Miller triomphant, et le reste au goulag. On y travaillait.
Et en même temps, Brian se savait plongé dans le côté sombre de l’existence, et qu’un aspect plus clair existait pour d’autres, qu’il percevait parfois lui-même. Idées noires et paranoïa qui s’enracinaient dans l’enfance, impossibles à extirper !
Et ce n’est pas avec le Monstre, et deux tueurs expérimentés qu’il allait extirper le mal et se réconcilier avec le monde. Il dérivait. Existait-il des guides pacifiés ? Dominique en était peut-être un, mais il n’avait été possible pour Brian de ne connaître que cet homme. Ca ne lui suffisait pas. Sa haine et sa colère le détruisaient.