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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 23:53


Toute notre société Occidentale est fondée sur le Judéo-Christianisme.
Même Descartes, qui a bâti sa méthode en réaction aux spéculations oiseuses de la scolastique, a établi une stricte séparation entre l'âme et le corps, unifiés par une Substance mystérieuse.
Cette laïcisation de principes religieux erronés a modelé les orientations culturelles, juridiques de notre société.

C'est pourquoi l'animal a pu etre considéré comme un pur automate, puisqu'il ne "pense" pas. Le tuer, lui faire subir mille atrocités, s'en rendre "maître et possesseur" de toutes les manières possibles, etaient donc permis, légitimés, dédramatisés.
Certaines sociétés traditionnelles imposent des rites spécifiques lorsque ses membres tuent un animal. Par ses rites, elles reconnaissent, avec la nécessité de tuer pour subsister, l'importance, la gravité d'un tel acte, qui supprime une vie. La divergence des conceptions modernes et primites de la vie implique des conséquences qui ne plaident pas en notre faveur.

De même, la notion de liberté, et donc de responsabilité individuelle, résulte de la croyance en la possibilité d'une sorte d'âme absolument inconditionnée. Comment se fait-il que ce genre d'âneries détermine encore toute l'organisation sociale?
Que l'homme soit partiellement déterminé par son inconscient, par son rôle social, par son propre corps, par un enchaînement complexes de causes et d'effets, cela a été l'objet des réflexions de Spinoza, de Marx, de Freud, de Darwin, de Foucault, de Claude Lévi Strauss, de Bourdieu, et de tant d'autres.
Aussi, lorsqu'un criminel est jugé pleinement responsable de ses actes, cela n'a pas de sens. Par définition, s'il était pleinement responsable, il aurait prévu les conséquences de son acte. Et s'il les a prévues, et qu'il n'a pas pu s'empêcher de commettre l'irréparable, sa responsabilité est encore diminée, puisqu'il s'avérait incapable d'agir contre ses impulsions, ses tendances, ou de les détourner. Cela ne devrait pas renforcer la peine du fait de la préméditation, car, et c'est logique, cela révèle des complexes d'une profondeur bien plus difficilement maîtrisable, et une absence quasi totale d'intériorisation du principe de réalité.
Cet homme n'est tout simplement pas parvenu à concilier principe de plaisir avec principe de réalité. C'est l'ignorance de sa situation qui l'a piégé. "Nul ne fait le mal volontairement".
Même lorsque l'on altère la responsabilité d'un individu par des circonstances atténuantes, on ne voit pas qu'en réalité, il n'y a que des circonstances atténuantes, qu'il ne peut y avoir que cela.

L'homme est un animal doué de raison, mais en tant qu'animal, il ne cherche qu'à survivre, à s'exprimer, à s'en sortir. La raison peut l'aider dans son entreprise, mais elle le plombe aussi en ce qu'elle le rend conscient de sa mort à venir, d'où 2 seules conséquences possibles : -soit la fuite psychique dans le délire religieux ( qui est folie, inadéquation avec le réel, mais permet de tout accepter ),
                                                                            - soit l'extrême et angoissante urgence de se réaliser.

Un homme qui commet un crime, un délit, n'a pas eu l'intelligence suffisante de la situation pour à la fois se réaliser individuellement, et s'adapter aux exigences et normes sociales en cours.
Mais j'irais bien plus loin. Je dirais qu'en réalité, il faut renverser les perspectives, et comprendre que non seulement, il y a des hommes irresponsables, mais qu'aucun homme n'est réellement et totalement responsable, et que l'homme le plus libre qui soit, c'est-à-dire dont la compréhension de sa situation est la plus adéquate à la réalité, n'est pas à l'origine/le responsable de sa propre accession à ce niveau de prise de conscience ( Spinoza ).
Par conséquent, la société est toujours aussi "responsable" que le criminel, et certaines sociétés primitives, qui expient toutes entières les écarts de conduite d'un de leurs membres, membre qu'elles n'ostracisent pas puiqu'elles comprennent ses actes criminels comme imbriqués dans l'ensemble dont ils sont issus, sont beaucoup plus justes, au point de vue logique et moral, que nos sociétés développées.

Les droits de l'homme sont eux aussi contestables, ne serait-ce que parce qu'ils ne sont qu'une vue de l'esprit. D'abord parce que ses fondements, liberté et égalité, sont purement abstraits. ( "il n'y a pas de liberté pour celui qui crève de faim"=Marx). Ensuite parce qu'ils ont été récupérés par la bourgeoisie et son idéologie dominante ( droit de propriété notamment ).
Mais, surtout, parce que les implications des grands principes sont éhonteusement méprisés.
On ne torture plus explicitement, mais on place les criminels dans des prisons où ils se font torturer. L'institution le sait et le permet. Comment l'individu emprisonné pourrait ne pas lui en vouloir ? Ce n'est bon ni pour lui, ni pour la société, dont il n'aura de cesse de se venger.
On critique les jugements sommaires pratiqués par d'autres pays moins élaborés. Est-il plus humain d'enfermer des hommes pendant 5,10,20,40 ans pour des crimes dont la responsabilité ne saurait leur être imputée scientifiquement ?
On critique la peine de mort, comme si on avait évolué depuis, mais qui y étaient condamnés dans notre pays? Les criminels dont la "faute" était la plus lourde.
Par conséquent, ce sont ceux qui ont écopé, à la place de la peine de mort, de la perpétuité.
40 ans dans un trou, à se faire humilier, et à se torturer à la pensée, juste d'ailleurs, qu'ils ont raté leur vie, que la vraie vie est ailleurs!
C'est pas sûr qu'ils gagnent au change !
Ils y gagneraient si les conditions de détention changeaient véritablement, si elle permettaient un progrès des détenus dans la compréhension de leur situation, et une heureuse réinsertion. Encore faut-il que l'atmosphère entre détenus ne soit pas constituée de tensions permanentes, tensions dont l'administration est responsable, car soit elle les favorise, soit elle ferme les yeux.
On comprend là encore que la justice expéditive "d'un coup de lance", qui nous paraît abominable, est dans les faits bien moins cruelle que notre justice dont la principale fonction est de créer des psychotiques  à la chaîne.

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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 23:09


Le Stoïcisme ( le Portique ) est un des 4 principaux courants de pensée de l'Antiquité, avec le néo-Platonisme ( l'Académie ), l'Aristotélisme ( le Lycée ) et l'Epicurisme ( le Jardin ). Ses fondateurs étaient grecs ( Cléanthe, Chrysippe ) mais ce sont les romains ( Epictète, Marc-Aurèle, Sénèque ) qui en sont les figures marquantes.
Les "Pensées" de Marc-Aurèle, les traités et les lettres de Sénèque, les "Entretiens" et le "Manuel" d'Epictète ont durablement influencé notre civilisation. Pour le pire, ou le meilleur ?

Un des principes fondamentaux du Stoïcisme est la recherche du discernement entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas. Lorsque cette distinction est réalisée, il faut se concentrer sur ce qui dépend de nous, et laisser à sa fatalité ce qui n'en dépend pas.
Mais comment être certain de ce qui ne dépend pas de nous?
Pour les Stoïciens, ce qui ne dépend pas de nous est du domaine de l'extériorité ( situation globale, richesse, santé ) et ce qui en dépend est l'intériorité, la paix de l'âme, le contrôle des émotions.
N'est-ce pas cepandant une illusion de penser pouvoir se suffire à soi-même, être heureux indépendamment des événements, de toute réalisation objective ? Est-ce même souhaitable ?
D'autre part, l'homme ne peut-il pas influer sur l'extériorité, changer ses conditions de vie ?
Si je suis esclave, et que j'y cherche mon bonheur, m'en accomode, n'est-ce pas de la résignation, une façon d'envisager l'existence proche du Bouddhisme?
Ce n'est même pas sûr qu'il faille accepter l'irréversible ( donc ce qui ne dépend vraiment pas de nous ), car cette révolte contre le sort peut conduire à de grandes créations.

Et puis le monde et l'homme ne sont-ils pas étroitement liés? Marc-Aurèle écrit : "Si le monde est ordonné, c'est pour le mieux, mais s'il va au hasard, ce n'est pas une raison pour, toi, aller au hasard".
Il oublie que cette possibilité pour l'homme de diriger sa vie, ne peut pas être coupée des possibilités inscrites dans la nature, car l'homme en procède.
Il ne pourrait y avoir aucune liberté humaine si cette liberté ne résultait pas d'une puissance naturelle.
Et cette liberté humaine n'est sans doute pas ce que croyait les Stoïciens, un contrôle des affects par la raison.
Si la raison a son rôle, elle sert bien plutôt la réalisation, tout à la fois individuelle et en accord avec les impératifs sociaux, des inclinations du coeur et des impulsions du corps.

Enfin, le Stoicisme prétend nous guérir de l'angoisse de la mort, par la raison, le raisonnement, en nous démontrant que la mort ne nous concerne pas. Tant que nous sommes vivants, elle ne nous affecte pas, et lorsque nous sommes morts, il n'y a plus de "nous" et donc elle ne "nous" touche pas.
"La mort est un possible que la vie n'actualise jamais" écrivait Heidegger.
Je ne vois pas en quoi ce raisonnement est susceptible de triompher de mon angoisse. Certes, je n'aurai plus ni conscience ni besoin, mort. Mais ce sera tout de même bien moi qui mourrai, qui passerai de vie à trépas. Et c'est justement le fait que cette angoisse n'empoisonnera plus ma non-existence qui empoisonne mon existence. Cette pensée que je n'aurai plus besoin ni d'aimer, ni d'être aimé par exemple, me terrifie.

Pour conclure, je dirais que la lecture des Stoïciens a un effet pervers. Elle donne l'impression que l'on va enfin pouvoir "contrôler" sa vie, devenir le maître de son temps, conjurer ses angoisses. Cette impression agit comme une drogue. Elle rend euphorique sur le moment. La chute est d'autant plus lourde

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12 janvier 2010 2 12 /01 /janvier /2010 01:01


Quel est l'intérêt de la philosophie, de la pratique philosophique?
Apprendre à mieux penser, remettre en cause ses croyances, ses valeurs, ses préjugés?

Dans l'idéal, ce serait cela, mais qu'est-ce que concrètement l'étude philosophique?
L'apprentissage, la comparaison, la critique de systèmes conceptuels.
Ce que devrait procurer cet apprentissage, c'est un accroissement du doute, de la capacité a s'interroger sur le monde, et sur soi.
L'étude philosophique est-elle réellement capable de cela?

Comme l'ont montré Freud, Nietzsche ou Schopenhauer, les affects, les pulsions l'emportent sur la raison qui n'est qu'un épiphénomène en justifiant après coup les orientations.
Mais si la philo ne sert pas la critique véritable, si elle n'inclut pas la possibilité d'un changement de ses pensées et de sa vie, elle  ne sert à rien.
Ce serait comme si on se donnait tout ce qu'on doit trouver dès le début ( ex: comme un dogme religieux ), et alors tous les développements ultérieurs ne pourraient que renforcer ses fondements ( comme la théologie ), jamais en corrompre la substance.

C'est un fait qu' un nombre conséquent de philosophes s'enferme dans un système de pensée, une vision du monde..
Est-ce du à ce que Freud nommait la tendance psychotique propre au philosopher ( ce que Paul-Laurent Assoun a développé dans son "Freud la philosophie et les philosophes") ?
C'est-à-dire que le philosophe, comme le religieux, a tendance à humaniser le monde avec des théories anthropomorphiques, qui le rassurent mais sont artificiellement fondées, ne correspondent à rien de réel.

Cette aliénation à une approche unique et arbitraire du monde. permet au philosophe de réinvestir le monde.
L'inadéquation de sa vision et de la réalité, de sa doctrine et de l'immensité de l'univers qu'il prétend y réduire, fait symptôme, donc a une utilité, une fonction.
Elle aide le philosophe à vivre comme le religieux.
Mais elle le bride aussi, en altère les capacités. Elle l'épuise vainement, puisqu'une part importante de son énergie est investie en vue de la résolution de fumeux problèmes ( le sexe des anges ).
C'est pourquoi Freud a pu employer l'expression de "spéculation dans le vide" pour qualifier l'exercice philosophique

Cette caractérisation négative est cependant contestable. Même si elle est très présente parmi les philosophes, même si elle est une pathologie redoutable ( bien qu'elle soit communicable, et donc qu'elle permette au philosophe de retrouver le monde, comme l'artiste reprend contact avec le réel par l'oeuvre ), on ne peut y réduire l'histoire de la philosophie.

Certes, elle ne peut remplacer la psychanalyse en ce qui concerne la reprise en main de la vie individuelle, sa libération.
Je la crois incapable de satisfaire à l'aspiration à se connaître soi-même.
Son étude est moins appropriée que la cure pour répondre à l'injonction Socratique : "Connais-toi toi même".
Elle n'est pas outillée pour cela.
Mais la psychanalyse ne remplace pas la philosophie en terme de contenus, de possibilités critiques.
La philo, si elle est impropre à changer la vie, à asssurer ce pour quoi elle était primitivement destinée, c'est-à-dire si elle n'apprend pas à vivre et à mourir, reste un formidable réservoir d'approches cohérentes et critiques des grandes questions existentielles.

Cependant, le danger de l'engluement dans le concept est toujours une menace pour les philosophes.
Quand la philosophie n'est plus qu'un assemblage de systèmes, qu'un jeu de concepts comme la stigmatisaient Claude Lévi Strauss dans "Tristes Tropiques" ou Simenon dans sa correspondance, elle n'a pas davantage de valeur intrinsèque que l'utilisation du rubik's cube. Ni plus, ni moins.

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