Le Stoïcisme ( le Portique ) est un des 4 principaux courants de pensée de l'Antiquité, avec le néo-Platonisme ( l'Académie ), l'Aristotélisme ( le Lycée ) et l'Epicurisme ( le Jardin ). Ses fondateurs étaient grecs ( Cléanthe, Chrysippe ) mais ce sont les romains ( Epictète, Marc-Aurèle, Sénèque ) qui en sont les figures marquantes.
Les "Pensées" de Marc-Aurèle, les traités et les lettres de Sénèque, les "Entretiens" et le "Manuel" d'Epictète ont durablement influencé notre civilisation. Pour le pire, ou le meilleur ?
Un des principes fondamentaux du Stoïcisme est la recherche du discernement entre ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas. Lorsque cette distinction est réalisée, il faut se concentrer sur ce qui dépend de nous, et laisser à sa fatalité ce qui n'en dépend pas.
Mais comment être certain de ce qui ne dépend pas de nous?
Pour les Stoïciens, ce qui ne dépend pas de nous est du domaine de l'extériorité ( situation globale, richesse, santé ) et ce qui en dépend est l'intériorité, la paix de l'âme, le contrôle des émotions.
N'est-ce pas cepandant une illusion de penser pouvoir se suffire à soi-même, être heureux indépendamment des événements, de toute réalisation objective ? Est-ce même souhaitable ?
D'autre part, l'homme ne peut-il pas influer sur l'extériorité, changer ses conditions de vie ?
Si je suis esclave, et que j'y cherche mon bonheur, m'en accomode, n'est-ce pas de la résignation, une façon d'envisager l'existence proche du Bouddhisme?
Ce n'est même pas sûr qu'il faille accepter l'irréversible ( donc ce qui ne dépend vraiment pas de nous ), car cette révolte contre le sort peut conduire à de grandes créations.
Et puis le monde et l'homme ne sont-ils pas étroitement liés? Marc-Aurèle écrit : "Si le monde est ordonné, c'est pour le mieux, mais s'il va au hasard, ce n'est pas une raison pour, toi, aller au hasard".
Il oublie que cette possibilité pour l'homme de diriger sa vie, ne peut pas être coupée des possibilités inscrites dans la nature, car l'homme en procède.
Il ne pourrait y avoir aucune liberté humaine si cette liberté ne résultait pas d'une puissance naturelle.
Et cette liberté humaine n'est sans doute pas ce que croyait les Stoïciens, un contrôle des affects par la raison.
Si la raison a son rôle, elle sert bien plutôt la réalisation, tout à la fois individuelle et en accord avec les impératifs sociaux, des inclinations du coeur et des impulsions du corps.
Enfin, le Stoicisme prétend nous guérir de l'angoisse de la mort, par la raison, le raisonnement, en nous démontrant que la mort ne nous concerne pas. Tant que nous sommes vivants, elle ne nous affecte pas, et lorsque nous sommes morts, il n'y a plus de "nous" et donc elle ne "nous" touche pas.
"La mort est un possible que la vie n'actualise jamais" écrivait Heidegger.
Je ne vois pas en quoi ce raisonnement est susceptible de triompher de mon angoisse. Certes, je n'aurai plus ni conscience ni besoin, mort. Mais ce sera tout de même bien moi qui mourrai, qui passerai de vie à trépas. Et c'est justement le fait que cette angoisse n'empoisonnera plus ma non-existence qui empoisonne mon existence. Cette pensée que je n'aurai plus besoin ni d'aimer, ni d'être aimé par exemple, me terrifie.
Pour conclure, je dirais que la lecture des Stoïciens a un effet pervers. Elle donne l'impression que l'on va enfin pouvoir "contrôler" sa vie, devenir le maître de son temps, conjurer ses angoisses. Cette impression agit comme une drogue. Elle rend euphorique sur le moment. La chute est d'autant plus lourde