Darwin est supérieur pour moi à Marx, car il se nourrissait moins d'illusions et d'espoirs. Ainsi, sans croire en Dieu, il considérait la religion comme utile d'un point de vue évolutionniste, et pensait que la nature nous avait fournie l'antidote adaptatif au gain de la conscience réfléchie, variation riche de possibles mais accompagnée de conscience de la mort potentiellement nuisible à la survie. Il restait dans une position lucide.
Pour Marx, le besoin de religion provenait de l'insatisfaction, de l'aliénation, et cette fiction cesserait quand, les hommes parvenus à plus d'épanouissement en cette vie ci, les motifs donc le besoin à l'origine de la consolation disparaîtraient. Or, c'était nier que dans absolument toute société, il y a des rites s'apparentant au religieux, à un principe sacré, et que, même dans une société plus juste, les problèmes, la mort, la maladie, les accidents, la vieillesse, poseraient des difficultés réclamant une consolation transcendante.
Je ne pense pas que l'homme puisse se passer totalement de spiritualité car elle lui est naturelle, fournie par la nature pour le maintenir à flots, comme l'envisageait Darwin. Même si individuellement, on s'en détache, elle est comme un fonds commun permanent, et qui structure la psyché humaine. C'est le besoin de croire en quelque chose d'irrationnel, d'avoir la foi, l'impression ou le désir que, même si tout paraît absurde, la réalité ne peut se réduire à cela et qu'il ne serait pas supportable pour l'homme de vivre dans un monde qu'il jugerait, en son for intérieur, véritablement et totalement absurde, qu'il aurait alors le besoin de se duper, de s'évader par les drogues, le travail, le sexe, n'importe quelle addiction, plutôt que d'être confronté à cette réalité là.