Quand on n'a pas d'enfants, il nous manque quelque chose d'essentiel, la vraie immortalité quelque part, dans le sens où, quand on en a, on n'a plus peur pour soi mais essentiellement pour ses enfants, et donc qu'on ne craint plus, ou beaucoup moins, sa propre mort. Sans enfants, on loupe la continuité naturelle, et le sens naturel. Mais avec des enfants, il y a un fonds d'angoisse permanent, qui empêche la détente totale, rend affectivement et globalement dépendant. Ce n'est pas très bien fait tout ça. Brian n'était pas loin de penser que Schopenhauer l'emportait sur Leibniz, à savoir que ce monde n'est pas le "meilleur des mondes possibles" mais "le pire des mondes possibles", dans le sens ou, encore pire, il n'aurait pas été viable. Mais peut-être est-ce le seul envisageable, et donc à la fois l'un et l'autre.
Si Schopenhauer l'emporte, alors pourquoi ne pas se suicider? Si le suicide est la manifestation d'une volonté singulière contrariée, il reste que, mort, on ne souffre plus de l'échec de la volonté en soi, ni de son absurdité. Cohérent, un Schopenhauerien devrait donc se suicider. Mais l'œuvre de Schopenhauer, en ce qu'elle manifeste son besoin d'expression, de réalisation, de communication, la nécessité pour son génie de se manifester et se déployer, va dans le sens d'une actualisation nécessaire qui sert l'individu Schopenhauer et l'universel, et infirme donc les fondements de l'œuvre, à savoir que la vie est absurde, qu'il faut mettre fin à l'exercice de la volonté en soi-même au bénéfice d'un détachement salvateur, et parvenir à la négation du vouloir vivre. Alors on rejoint plutôt Nietzsche et l'affirmation de la volonté en soi, voire au mépris des intérêts de ceux qui nous limitent.
Brian était donc pour l'heure un Nietzschéen. De gauche, de droite? Peu importe. Il s'extériorisait et jubilait, manifestait sa puissance en même temps qu'il pensait servir l'humanité et le monde. Un nouveau prophète! Une force. Peut-être le guide d'une nouvelle révolution, un Sun Yat-Sen français!
Un point ou Schopenhauer l'emporte cependant, c'est que si Nietzsche écrit que sans la musique, la vie serait une erreur, ne vaudrait pas la peine d'être vécue, Schopenhauer écrit, lui, que sans les chiens la vie serait une erreur!
"S'il n'y avait pas de chiens, je n'aimerais pas vivre".
"L'homme est le seul être qui en fait souffrir d'autre sans autre but que celui-là; j'ai un caniche et quand il fait une bêtise, je lui dis: si tu n'es pas un chien, tu n'es qu'un homme. Oui, un homme, tu devrais avoir honte. Alors il est honteux et va se cacher dans un coin."