Brian avait écrit un récit de voyage entre Saint Malo et Londres, dans le genre Bouvier/Kerouac, mais il n’était pas satisfait de l’œuvre. Par contre il avait foi en son premier livre « carapace » publié sous le pseudo Lawrence King, dont il avait écrit une première mouture à la 3ème personne, puis tout refondé à la 1ère. Il y projetait une adaptation hollywoodienne. C’était réalisable. Une grande épopée. Genre Lawrence D’Arabie, soyons fous. Il y avait tout pour ça. La complexité du narrateur, l’enfance rêveuse et introvertie, l’adolescence décalée, violente, la découverte de la poésie, la quête identitaire, l’internat, la maison de correction, le lycée pro, l’armée en unités d’élite, l’alcoolisme, la lecture, l’écriture, la reprise d’études, les arts martiaux et le combat, les séjours en temple, monastère, forêt, la fac, la psychanalyse, les petits boulots, les rencontres, la critique radicale des institutions, de l’armée, de l’école, des éducateurs, des psy, des religions, des mouvements philosophiques, du travail, la solitude, la souffrance et la rage d’exister, comme dans une chanson des Guns Roses ou de Bowie. Bref, une grande œuvre.
Pour le moment, il pensait à Dominique. Dominique lui avait dit qu’il connaissait beaucoup de changements dans sa vie et ça inquiétait Brian. Il lui en parlerait. Et il devait avancer avec Maria. Les émotions l’avaient ouvert mais il ne pouvait rester bloqué sur elle, son esprit fixé. Et c’est ce qui arrivait. Pourquoi elle ? Le physique ? Bien sûr on est attiré par le physique d’abord, mais la première impression est souvent trompeuse. On flashe sur quelqu’un et plus on le connaît, plus on s’en détache. Ou bien on finit par s’attacher, par ne plus penser qu’à un être dont l’apparence nous a parue quelconque et ne nous a pas intriguée au départ. Donc ce n’était pas la beauté, ou pas seulement, qui importait. La beauté pouvait laisser froid et indifférent émotionnellement. Ca passait par le physique mais ce n’était pas le physique. C’était ce que le physique dégageait, exprimait, l’âme, l’énergie, la personnalité, les qualités, l’être profond. Son esprit s’était bloqué sur Maria. Il avait cristallisé. Il vivait avec la croyance qu’il n’y avait plus qu’elle, et plus d’intérêt à vivre en dehors d’elle et sans elle. Mais l’amour produisait cette illusion à chaque fois, et ce n’était pas vrai. Les femmes et les propositions affluaient, comme d’habitude. Il n’avait qu’à repartir et en disposer. Il contacterait Maria, puis il reprendrait sa route, avec ou sans elle, plutôt sans vu les circonstances. Il avait failli crever 100 fois, les mains gelées en stage commando chez les chasseurs alpins, accrochant son parachute en sortant de l’avion, le flingue à la tempe, le couteau sous la gorge, et il avait survécu. Il survivrait encore et se vivifierait.