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22 juillet 2018 7 22 /07 /juillet /2018 20:45

Brian revit Clara lors d’une soirée. Ils parlèrent de Tarkowski, de Sylvain Tesson, de François Cheng, dont il connaissait les œuvres bien mieux qu’elle. Ils se séparèrent et elle ne lui dit pas au revoir. Quel dommage que cette fermeture. Clara devait beaucoup souffrir pour être si dure, et ne pouvoir se laisser approcher et aimer, comme si elle cachait quelque chose. Ils ne pouvaient se rencontrer car ils étaient deux dragons, en quête d’apaisement. Ils étaient réellement comme deux âmes sœurs, deux esprits frères, et ils devaient tous les deux chercher quelque chose qu’ils ne pouvaient s’apporter mutuellement.

Et Brian rêva. Rêve, répétition, et digression de Brian où il s’appelait Lawrence.

 

« Quelle a été la première sensation, le premier sentiment de Lawrence ce matin ?

 Au premier pas hors du lit, Lawrence ressentit un certain désappointement, un vertige. Ca lui arrivait souvent en ce moment. Conséquence d’abus bien réels ou symptômes d’un profond bouleversement ? Il lui fallait cesser de s’accrocher à l’image d’une femme en lui, et surtout accepter le fait qu’elle n’était en définitive qu’une illusion. Il aimait paradoxalement une femme qui ne l’attirait pas. Depuis six mois.

Au deuxième pas, il vacilla et s’écroula. Il savait que des émotions extrêmes peuvent couper les jambes, mais tout de même ça le surprit.

Lors de la chute, il n’eut même pas le réflexe de se servir de ses mains pour se protéger, pour ne pas se blesser. Il s’en foutait. Il resta un moment allongé, sur le sol, froid.  Il regardait le plafond, les murs, tout offrait une perspective différente. Cétait peut-être vrai qu’un simple changement de position pouvait tout revouveler. Il suffit d’un geste, comme l’écrit François Roustang. Il était bien, au sol, moins assailli par ses pensées et obsessions, presque en transe sans effort à livrer.

Quand Lawrence pourrait-il se laisser approcher ?

Lorsqu’il se releva, il se dit « j’ai le même nom que Lawrence d’Arabie mais j’aimerais me débarasser de son excédent de surmoi. Il m’a mené à bien des déserts, aussi. Les carapaces sont difficiles à fissurer, et c’est la seule voie vers la vie, mais l’enfer attend celui qui y parvient. Alors on découvre que la vie est souffrance insupportable et on s’en forge une nouvelle. »

En marchant sur la corde, il risquait à nouveau une chute plus radicale encore. Mais pas d’alternative. Vivre maintenant ou mourir. Fini la période du loup des mers, du loup des steppes, du loup stoïque, de Mishima la lame plantée dans le ventre, il redevenait humain, un samouraï en pleurs, las de la violence et des armures, un guerrier des monts Wudang qui prend conscience que la femme aimée a plus d’importance que le Taoïsme abstrait. Lawrence dansait, il s’envolait.

Mais en s’envolant, même en s’envolant, il restait prisonnier, bloqué dans un entrelacs de formes trop contraignantes, trop contraires à la vie et à la liberté. L’effort à fournir était trop considérable. Et la voie du non effort réclamait des maîtres qui lui manquaient. Trop d’erreurs, trop de regrets. Et tous les Roustang, Yalom ou Alice Miller n’y pouvaient rien. Les racines du mal étaient trop ancrées. Il fallait se jeter dans le vide et tout risquer. Peut-être surferait-il sur les ondes, comme les physiciens quantiques en laissaient la possibilité. Ou pas.

 

Le dragon a-t-il besoin du ver, le ver a-t-il besoin du dragon ? Résigné comme le ver, obstiné comme le dragon, un dragon que seul l’amour peut apaiser.

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