Des souvenirs épouvantables lui revenaient. Sa personnalité détruite, Brian ne pouvait, à l’école primaire, au Collège, exister par lui-même. Complètement sous emprise, il n’avait pour ainsi dire pas d’existence autonome, pas de possibilité de s’affirmer. Et pas de moyens de protection, aucune estime de lui-même. Il avait été l’exclu, puis le violent dépossédé de lui-même, toujours essentiellement muet. Lorsqu’il était parti pour l’armée, c’était un des pires endroits où il pouvait aller. A dix-huit ans, sans diplôme, sans compétences manuelles, sans amis, fuyant sa famille, il cherchait un nouveau foyer au pire endroit pour lui. Pourquoi y était-il resté ? Parce qu’il préférait encore les coups, les insultes, les « y a rien à en tirer » venant d’étrangers que s’ils émanaient de ses propres parents. Et tous ses souvenirs refluaient. Tout était encore à faire. Il n’avait eu qu’une obsession après l’armée, prouver que si, il y avait quelque chose à tirer de lui. Il avait repris ses études, passé des diplômes, mais ce qu’il redoutait par-dessus tout, c’était se perdre à nouveau et revivre le passé. Ne plus pouvoir s’exprimer, être comme un objet, sans défenses. Et cette crainte lui avait posé d’énormes problèmes d’intégration sociale, professionnelle. Et s’il n’y arrivait pas ? Et si les formateurs, ses collègues, le traitaient d’idiot ? Et s’il était un idiot ? Comment sortir de ce cycle ? Accepter comme possible les brimades et l’enfer ? Ou se tuer ?
Il ne croyait plus en Dieu, mais il en avait tellement besoin.