Je ne vais pas reprendre ici la critique de la croyance en la responsabililité individuelle. Je l'ai développée, entre autres, dans l'article sur les "fondements de notre société".
Pour moi, il n'existe pas quelques déséquilibrés irresponsables. Il n'y a, principalement, que des irresponsables, et que des circonstances atténuantes.
Pas sûr que la liberté trouve une place dans l'ensemble des déterminismes!
Mais je veux simplement exposer, par des exemples concrets, en quoi la psychanalyse peut modifier, doit modifier l'appréhension des criminels par le monde judiciaire.
Elle dévoile les motifs véritables d'un nombre important de conduites délictueuses.
Il faut distinguer la délinquance intéressée ( recherche d'un gain, enrichissement illégal ), de celle, incontrôlable, qui résulte de troubles du comportement, même si les deux s'entremêlent souvent du fait de l'interaction constante entre la misère sociale et la misère psychologique.
Les études sociologiques, philosophiques ( Marx, Sartre, Foucault, Bourdieu ... ) explicitent les raisons de la délinquance par "intérêt", dévoilent que le droit sert souvent la domination des classes privilégiées, la perpétuation de l'idéologie qui structure la société,qui légitime les inégalités,et qui asservit la majorité des individus.
Et puis, ce n'est pas difficile de comprendre que des gens qui ne possèdent rien, vont être plus tentés par l'acquisition illégale de biens que des héritiers qui possèdent un chalet à Mégève et une villa sur la Côte d'Azur.
C'est pourquoi je n'insisterai pas sur cet aspect.
Mon idée, c'est plutôt de "compliquer" les choses, en montrant ce que masque la surface, et pour cela la psychanalyse est efficace.
Je ferai, également , une critique de la prison telle qu'elle est.
Beaucoup de criminels ne peuvent contrôler leurs pulsions, comme des enfants. Ne dit-on pas qu'ils sont souvent de grands enfants? C'est tout le problème. Leur processus d'autonomisation a été entravé, ce pourquoi ils ne sont pas sortis de la fusion. Pour pouvoir accepter la frustration provisoire, il faut que l'individu croit qu'il va finir par réussir, par aboutir. Mais s'il n'a pas été, pour des raisons sociales, familiales, suffisamment comblé dans son enfance, tout succès par la voie légale peut lui paraître inaccessible. L'individu n'a pas appris qu'il pouvait obtenir quelque chose en y travaillant ( par des moyens acceptables socialement ). Ainsi, il prend de force.
D'autre part, l'individu peut, et cela tout à fait inconsciemment, commettre un crime pour aller en prison.
On s'y occupera de lui. Il n'y aura pas la nécessité de s'efforcer de subvenir à ses besoins, par ses propres moyens. Dans ce cas, un problème d'arrêt du développement psychique, conduit l'homme à chercher des raisons de vivre en dehors de lui-même.
Les individus qui ne sont pas suffisamment autonomes cherchent un cadre susceptible de les tenir, et les entretenir.
Cela peut être la religion, l'armée, la prison. C'est un fait connu de tous qu'un grand nombre de prisonniers, qui fantasment sur la liberté, s'écroulent complètement quand ils sortent. Ils déchantent vite car il leur faut se reprendre en main.
Et soit ils reprennent leur violente trajectoire, soit ils se laissent aller, et s'autodétruisent. Bien peu s'en sortent.
Il se peut aussi qu'un sentiment de culpabilité préexistant et angoissant attaché à l'enfance, et à des trauma plus ou moins conscients, poussent l'individu à la violence, à l'illégalité. Cela le rassure de rattacher son angoisse à quelque chose de concret, de réel.
C'est assez désolant de prendre conscience de l'enchaînement des complexes subis qui mène le criminel à perpétrer son acte. Le pauvre n'a pas choisi son enfance, et les ressorts de son attitude lui échappent.
Enfin, les responsables institutionnels se rendent-ils compte que ce n'est pas en enfermant les gens dans des lieux où ils subiront des traumatismes à répétition, qu'ils s'amélioreront. L'institution est responsable du déchaînement de violence qu'elle tolère, voir qu'elle favorise en ses lieux.
L'intégrité globale de l'individu devrait y être préservée. Certes ce sont les prisonniers qui s'écharpent, mais l'institution pourrait, donc devrait y remédier en développant les structures appropriées. La pacification des moeurs ne peut résulter des prisonniers. Ils se dupent eux-mêmes, finissent par croire au rôle qu'ils jouent depuis trop longtemps. Ce n'est certainement pas dans la compagnie d'autres semblables qu'ils se permettront de baisser la garde, de dévoiler qu'ils sont, au fond, plutôt poète, sentimental ou autre. La prison ne peut que les maintenir dans leur rôle, le favoriser.
Il est probable que la croyance métaphysique en la responsabilité totale et entière des individus sert pour justifier les souffrances des criminels, qui doivent payer à la hauteur du "mal" infligé.
Il serait temps d'en finir avec ces conneries métaphysiques.
Un dernier point. Je ne peux m'empêcher la surprise, la stupéfaction, quand j'apprends par des rapports de sociologues, psychiatres étonnés, que la plupart des prisonniers ont des "troubles mentaux". C'est tellement évident !
Une importante proportion de ceux qui y sont les avaient antérieurement, sinon ils auraient mieux calculé leur trajectoire.
On a même vu que beaucoup de prisonniers cherchaient, sans le savoir et pour des motifs divers ( manque d'autonomie, sentiment de culpabilité préexistant ) la prison. Et, puis ceux qui y sont arrivés "sains", c'est-à-dire plus équilibrés que les autres, plus "adaptés" aux normes sociales, développent eux aussi des problèmes psychologiques, parce qu'il est normal d'en développer dans les conditons qui sont les leurs, et qu'il ne peut en être autrement. Comment un individu luçide pourrait-il se satisfaire de cette situation, qui cumule les frustrations. L'homme est-il fait pour vivre aliéné, entre 4 murs, sans liberté, méprisé dans ses aspirations, infantilisé, maltraité?
Si l'homme ne développe pas des pathologies mentales dans de telles conditions, c'est qu'il était déjà bien atteint !
On a compris. Je pense que la justice moderne n'a pas intégré les apports psychanalytiques. Elle traite les hommes comme s'ils étaient absolument libres, inconditionnés, comme s'ils commettaient le "mal" en toute conscience et liberté, comme s'ils étaient des incarnations du Diable en quelque sorte, et elle les sanctionne en conséquence.