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29 octobre 2012 1 29 /10 /octobre /2012 12:31

2.3 – L’HOMME

 

A – COMPLEXITE-CONSCIENCE.

 

Avec l’apparition de l’homme, nous franchissons un cap, vraiment décisif. L’homme est le plus complexe des êtres organisés, du moins, à notre connaissance. Sa complexité corporelle est telle que la conscience réfléchie émerge à travers lui, et, du fait même qu’elle soit réfléchie, du fait même que désormais, une créature sait, et sait qu’elle sait, l’homme acquiert par elle une dimension de plus, une liberté, une autonomie, une responsabilité inexistantes aux stades antérieurs d’organisation.

En l’homme, c’est littéralement l’évolution qui prend conscience d’elle-même, qui se réfléchit, qui « rebondit », et il fallait attendre l’homme pour que la lente progression des corps et des consciences prenne un caractère d’évidence, et il fallait l’homme pour en analyser rétrospectivement les données, et seul l’homme de toute façon est en mesure de réfléchir le phénomène.

 

« Avec la conscience au carré, ce n’est rien mois qu’une nouvelle espèce de Vie (c’est une vie de deuxième espèce) qui a commencé, au Pliocène, sur notre planète, son évolution particulière  […. En l’Homme, ce n’est pas simplement un phylum de plus qui se branche sur les Primates. Mais c’est le Monde lui-même qui, forçant l’entrée d’un domaine physique resté jusqu’alors fermé, repart sur soi pour une étape nouvelle. »

 

L’Apparition de l’homme, Seuil, 1956, p. 317

 

La matière, les corps, le vivant, comme nous l’avons vu, sont, entre autres, de l’ordre du complexe, et sur l‘échelle de la complexité, l’homme n’a pas d’égal. Comme le disent Albert Jacquard et Axel Kahn dans « l’avenir n’est pas écrit », l’homme ne dispose pas de plus de gènes que certains animaux, mais c’est la richesse de la combinaison qui importe, et fait la différence.

 

« Dans un univers à deux infinis seulement, les vivants supérieurs (l’homme par exemple) peuvent être considérés comme « moyens ». Mais dans un Univers à trois infinis, ils se détachent des autres grandeurs moyennes non complexes ; ils viennent occuper le sommet d’une branche spéciale ; et dans cette position terminale (où ils prolongent directement la lignée des atomes et des molécules) ils forment un extrême, au même titre qu’une galaxie ou qu’un électron. (…) L’Homme n’est évidemment pas le premier par la taille. Mais, en revanche, c’est  en lui, certainement, c’est dans les milliers de millions de cellules de son cerveau que la Matière est parvenue, actuellement, à son maximum de complication liée, d’organisation centralisée. Chronologiquement et structurellement, l’Homme est incontestablement, dans le champ de notre expérience, le dernier formé, le plus profondément centré de toutes les ‘molécules`. »

 

La vision du passé, Seuil, 1ère édition, 1957, p. 315-319

 

 

L’homme, par ses facultés réflexives, possède la clé explicative de tout l’Univers.

 

« Au milieu d’un Cosmos où le primat est encore laissé aux mécanismes et au hasard, la Pensée, ce phénomène formidable qui a révolutionné la terre et se mesure avec le Monde, fait toujours figure d’inexplicable anomalie. L’Homme, dans ce qu’il a de plus humain, demeure une monstrueuse et encombrante réussite.

C’est pour échapper à ce paradoxe que je me suis décidé à renverser les éléments du problème. (…)  L’Homme semble une exception. Pourquoi ne pas en faire la clef de l’univers ? L’Homme refuse de se laisser forcer dans une cosmogonie mécaniciste. Pourquoi ne pas édifier une Physique à partir de l’Esprit ? »

Comment je crois, Seuil, 1èreédition, 1969, p. 126

 

 

L’Homme est le centre, l’axe et la flèche de l’Univers, le dernier niveau atteint par la création, le plus abouti.

 

« En vérité, je doute qu’il y ait pour l’être pensant de minute plus décisive que celle où, les écailles tombant de ses yeux, il découvre qu’il n’est pas un élément perdu dans les solitudes cosmiques, mais que c’est une volonté de vivre universelle qui converge et s’hominise en lui. L’Homme, non pas centre statique du Monde, -- comme il s’est  cru longtemps ; mais axe et flèche de l’Evolution, -- ce qui est bien plus beau. »                                            

                                                                                                        

Fin du Prologue du phénomène humain, 1955

 

 

Dans un tel contexte, si l’homme n’est plus à proprement parler le centre géographique de l’Univers, (géocentrisme), il l’est d’une tout autre manière, de l’ordre de la complexité organisationnelle. Ainsi, le vieil anthropocentrisme de « position » est abandonné, au profit de l’anthropocentrisme nouveau, l’anthropocentrisme de « mouvement ». 

 

 

 

B – ROLE ET FONCTION

 

Nous sommes, en quelque sorte, Dieu en train de se réaliser. L’individu est un être qui incarne, exprime et transmet l’Esprit au monde, selon des modalités historico-spatiales définies, et déterminé par un ensemble de dispositions corporelles. Comme les animaux, les plantes, mais à un niveau de réalisation infiniment plus élevé.

 

L’homme est un « demi-dieu » en quelque sorte, dans le sens ou, accédant à la liberté, à une dignité supérieure, à une forme de conscience nouvelle, à une profondeur intellectuelle stupéfiante, à une puissance technique à peine imaginable, il acquiert un titre exemplaire : le voici co-responsable, et disons-le, co-créateur, de l’Univers en devenir. Il devient participant au sens fort ; non plus forcé à subir le mouvement d’ensemble, mais libre d’acquiescer ou non à l’œuvre en cours.

 

Il accède, aussi, puisqu’il le sent intensément travailler en lui, à la conscience du Créateur, de la force créatrice, au  goût et au besoin de Dieu. S’il perd la croyance en cette force, le nihilisme le guette. Lui seul, dans la création, réclame une signification pour seconder l’impulsion corporelle dans son action, à défaut de laquelle c’est sa propre vie qu’il mettra bien souvent en jeu, au mépris des forces vitales l’inclinant à la conservation de son être.

 

« Pour mettre en branle la chose, si petite en apparence, qu’est une activité humaine, il ne faut rien moins que l’attrait d’un résultat indestructible. Nous ne marchons que sur l’espoir d’une conquête immortelle. Et je conclus directement : « donc il y a de l’immortel en avant de nous. »

 

Comment je crois, p. 131

 

 

Notons que s’il n’y avait que de l’éphémère à saisir, n’en déplaise à Teilhard, il faudrait bien s’en  contenter. La « tristesse » de cette situation devrait-elle nous conduire au sacrifice de la seule chose qui soit à notre portée ? De plus, il y a une distinction à établir entre la nécessité, pour les pousser à agir, de la croyance des hommes en de l’incorruptible, et la nécessité que cet incorruptible soit réellement. Mais, il est vrai, nous espérons cette croyance fondée dans la réalité, dans la vérité.

 

 

 

C – NOUVEAU STATUT DE L’AMOUR

 

L’amour accède à un niveau supérieur en l’homme, il s’hominise. Ce qui était simple affection instinctive, simple tropisme (attractions positives ou négatives dues à des excitations physico-chimiques), franchit un pas supplémentaire, se spiritualise.

 

« C’est avec l’hominisation que se révèlent, enfin et seulement, les secrets et les vertus multiples de sa violence. L’Amour « hominisé » se distingue de tout autre amour parce que le « spectre » de sa chaude et pénétrante lumière s’est merveilleusement enrichi.

Non plus seulement l’attrait unique et périodique en vue de la fécondité matérielle, mais une possibilité sans limite et sans repos de contact par l’Esprit beaucoup plus que par le Corps […. ] »

 

L’énergie humaine, Seuil, 1962, p. 41                                                                                                                                        

 

 

 

 

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