Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 mai 2023 5 12 /05 /mai /2023 22:58

La Pnl dominait dans le développement personnel et le management il y a quelques années. Or, rien que le terme est sujet à caution. Programmation neuro-linguistique. Programmation comme si nous étions des ordinateurs à programmer. Ensuite neuro-linguistique, pour faire scientifique. Or, même si les fondateurs s’inspirent de concepts scientifiques, comme la logique de Alfred Korzybski, ce qu’ils en ont fait n’est reconnu, ni par les scientifiques ni par les philosophes, comme très sérieux. Il suffit de se référer aux critiques justifiées. C’est une démarche qui me semble à l’opposé de la démarche philosophique. Je ne vais pas développer, de très bonnes critiques sont accessibles sur le net. Quant à son chef de file médiatique, Anthony Robbins, sorte de gourou télévangéliste bodybuildé, il me répugne. Tout me semble faux, artificiel chez lui. Une poupée marvel.

La Pnl a été remplacée par la pleine conscience (et une certaine hypnose actuellement), que je connais mieux pour l’avoir pratiqué. J’ai fait un cycle il y a une dizaine d’années, quand c’était plus accessible et assez nouveau. Je ne nie pas que cela ne contienne des éléments intéressants, notamment le fait de donner des accès à la méditation pour des laïcs, où pour des hommes qui ne se reconnaissent dans aucune religion, mais avec des aspirations spirituelles. Je me suis servi d’exercices par la suite dans ma propre vie.

Mais il y a de multiples interrogations quant à cette pratique.

-Absence de contexte sociologique, économique, philosophique

- Focalisation sur le bonheur comme but de la vie. Or, pourquoi cette obsession contemporaine pour le bonheur ? Comme l’écrit Huxley dans « Le meilleur des mondes », être libre et souffrir plutôt qu’être heureux mais asservi. C’est la fable du Loup et du chien.

-Une responsabilisation individuelle qui culpabilise ceux qui ne parviennent pas à être heureux, comme si l’individu était absolument libre de choisir sa vie, indépendamment des multiples déterminismes, contextes dans lesquels il est inséré, un nœud de serpent comme l’écrit Laborit. C’est une hypothèse qui ne tient pas sociologiquement.

-Une voie qui se veut libératrice individuellement, mais qui procède par une standardisation mécanique, normée d’une pratique, ce qui est contradictoire (bien développé par Graziani).

-Le fait qu’elle soit très demandée par les entreprises. On insiste sur la responsabilité individuelle encore une fois. On cherche à renforcer la résistance de l’individu (résilience est le mot à la mode), pour qu’il s’adapte à des conditions de travail qu’il serait préférable de changer, plutôt que d’y conformer les individus.

-Le business autour, et la médiocrité intellectuelle des livres sur le sujet. Christophe André en écrit des tonnes, ou, comme le Dalaï lama, il ressort toujours les mêmes choses, et les mêmes platitudes. C’est pour cela que j’avais loué le livre de Russell « A la conquête du bonheur ». Comme « L’éloge de la fuite » de Laborit, ils vont beaucoup plus loin sur le sujet, en un seul livre.

-La détestable idéologie du bonheur, ou de la joie, le concept de pensée positive. Penser positif, c’est se condamner à ne pas penser du tout. Christophe André m’évoque la dystopie de Zamiatine « Nous autres », où il est question du bonheur comme idéal, validé par les moyens de la science. C’est exactement cela qu’on nous propose, qu’on nous impose presque. D’ailleurs, cet homme qui moralise, Christophe André, a dit dans une émission qu’il n’aimait ni Baudelaire, ni Dostoïevski, ce qui ne m’étonne guère, la complexité de l’âme humaine lui échappant. Le spleen a sa fonction, la tristesse et la colère sont aussi essentielles que la joie ou l’apaisement. Quant à Dostoïevski, « Le sous-sol » est l’exact opposé de l’idéologie hygiéniste actuelle. Et si je veux être malheureux, si je refuse leur conception du bonheur, ou le bonheur tout court? Préfiguration Dostoïevskienne des totalitarismes nazis et communistes. Or, nous glissons vers un totalitarisme du contrôle, hygiéniste et technologique, une uniformisation des pensées, des comportements, une surveillance et une transparence constantes. Le loup est devenu caniche, le cavalier des steppes mongoles est un docile employé de bureau en open space. La liberté contre la sécurité.

-La critique systématique de la psychanalyse, qui prend en compte, elle, la complexité de l’âme humaine. Mais la psychanalyse est subversive, donc dangereuse. Il est plus facile pour la société, pour les familles, pour les institutions, de responsabiliser les individus comme auteurs de leurs pathologies, où sans nécessairement les responsabiliser, de les considérer comme étant seuls porteurs de problèmes, indépendamment de leur environnement,  plutôt que d’approfondir le passé traumatique, les influences désastreuses, les conditions économiques, la violence et le non sens au travail, la misère culturelle et médiatique. La souffrance est un symptôme. Le symptôme a une signification. Il exprime, ou tente d’exprimer un malaise, un désir. Et on veut l’étouffer avec des médicaments où des pratiques, comme la pleine conscience, qui n’en tiennent pas compte. Or, sur les phobies par exemple, il me semble que la psychanalyse est dans le vrai. Christophe André me paraît survalorisé, surmédiatisé, car il sert le système, dont il est un efficace chien de garde. Il suffit de lire « Malaise dans la civilisation », ou « L’avenir d’une illusion », pour mesurer l’écart à l’avantage de Freud, mais aussi pourquoi ses apports sont si combattus, y compris sa critique de la religion.

Partager cet article
Repost0

commentaires