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14 mars 2017 2 14 /03 /mars /2017 01:46

 

 

Après avoir tué, Brian, pas toujours, s’interrogeait. La vie humaine prise, ce n’était rien pour l’Univers, mais tout pour l’individu supprimé. Si les stoïciens étaient dans le vrai, vivre cinq, dix ou cent ans, ça n’avait pas d’importance, ça ne changeait rien. Mais si la vie était un bien, avait une valeur spécifique, alors prendre une vie, ça comptait tout de même. Le néant éternel nous précède, le néant éternel nous suit, et nous luttons et souffrons l’essentiel de la vie, alors pourquoi ne pas partir volontairement, car c’est un sort insensé ? Comme le disent les Antiques, la nature nous a donné une seule porte d’entrée, et mille portes de sortie. Et pourtant, tuer est une chose, et plus aisé qu’il ne paraît, mais se tuer est plus ardu, comme contre nature. Après tout, c’est la nature qui nous a pourvus de l’instinct de conservation, et du désir de croissance. Aussi Brian, tourmenté par l’idée du suicide, avait bien des fois été près de l’acte, jusqu’à tenter un seppuku à l’aide d’un cran d’arrêt. La lame n’était pas entrée suffisamment en lui. Depuis, il avait détourné ses pulsions destructrices vers d’autres objets que lui-même, et il s’en réjouissait.

Combien de temps ça durerait ? Ses démons le rattraperaient-ils ? Finirait-il par se tuer ? Aucune importance. Il n’avait jamais réellement compté pour personne, et il ne comptait pas pour lui-même.

 

Quand vint le moment de tuer pour la première fois un homme, que cet homme fut choisi en conscience, il fallut agir. L’animateur de télévision plébiscité, sa cible (en fait il voulait se débarrasser des ¾ des présentateurs), habitait Paris.

Un ami, Maharo, ex légionnaire du 2ème REP, un peu perdu, regrettant les occasions de guerres manquées, avec qui Brian s’entraînait parfois, lui proposa de l’aide. Ils s’échangeaient des connaissances martiales, chacun sa spécialité, une synthèse personnelle de diverses traditions pour Brian, aïkido, wing chun et krav maga pour son ami. Brian avait trouvé un alter ego, encore plus affuté physiquement, mais dont quelques naïvetés révélaient des failles. Ainsi, comme les mafieux, sa conscience avait besoin de l’artifice religieux, le catholicisme en l’occurrence, pour se pardonner ses crimes, et peut-être vaincre sa peur secrète, enfouie de la mort. De même, il accordait une grande valeur à des combattants ou pratiquants dont le charlatanisme était avéré, comme Frank Dux, et dévalorisait le MMA comme système de combat de rue, MMA qui était selon Brian la meilleure des bases, à la condition qu’on lui rajoute quelques éléments techniques issus du muay chaia, ou du silat par exemple, et des principes issus du krav ou des bujutsu traditionnels.

 

Maharo, beau guerrier malgache, fut ravi par la nouvelle opportunité de pouvoir exercer ses talents particuliers, d’éprouver son âme et son corps de guerrier, de se lancer dans une nouvelle bataille, une nouvelle aventure. Il assurerait.

 

Brian fixa le jour. Le Malgache et lui se retrouvèrent à six heures porte de Paris à Poitiers et ils commencèrent à monter. Pas d’armes à feu. Mains nues gantées, couteaux à cran d’arrêt, ça suffirait. Et puis, ce n’était pas un contrat, ça viendrait après. Pour le premier homme, il avait choisi, et il voulait prendre plaisir. Et pour cela, il fallait que l’âme damnée qu’il allait ravir comprenne, prenne le temps de comprendre, et de souffrir un peu oui. Oh, pas une souffrance extrême. Ce serait un sort plus enviable que celui, insoutenable, réservé aux traitres par les narcotrafiquants, mais quand même, il souffrirait. Pas de jambes et de bras coupés. Juste quelques frappes, et des clés articulaires poussées au bout. C’est un peu vicieux oui. Rien de tel que le « hand to hand ». Les armes à feu, c’est utile aussi, indispensable même, pour des cibles plus compliquées. Mais le plaisir est moindre. C’est le travail.

 

Sur le trajet, Brian et son ami plaisantaient, confiants, sereins, en accord. Ils pouvaient partiellement se comprendre car l’un et l’autre avaient vécu des expériences éprouvantes. On peut parler de maisons de correction, de troupes d’élite, de graves traumatismes avec qui ne l’a pas vécu, mais la compréhension intellectuelle est superficielle, et seuls les rescapés se comprennent. Mais pas toujours, sur tout et tout le temps. Parfois seulement, sur quelque chose d’essentiel, le silence pour le respect de la souffrance de l’autre, et c’est déjà formidable. La vraie écoute quoi, l’attention véritable, sans forcer.

 

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