[...] Sur l'idée de mort et de renaissance, je ne suis pas étranger à cette idée. Je trouve cela intéressant. Mais pas besoin de croire en Dieu pour cela. Comme tu sais, je suis Darwinien, c'est-à-dire que je pense que le monde, son évolution, est le résultat d'un mécanisme, donc qu'il n'y a pas de plan divin, de finalité, de but, de "causes finales", et partant pas de providence. Du reste, je constate cette absence de providence, d'ordre providentiel partout. En cela, je suis plus proche des Epicuriens que des Stoïciens. Quand j'écrase un escargot par mégarde, où est la providence pour lui? Quand je connais un homme, jeune, bon, qui est atteint d'une maladie rare, et souffre une longue agonie, puis meurt, où est la Providence pour lui? Quand je vois tous les enfants qui meurent, à Auschwitz, au Rwanda, à Gaza, où est la Providence pour eux? On peut dire que le mal n'est qu'apparent, car il est utile à l'ensemble, parfait. Ca ne me convaint pas. Les hommes, les théologiens essaient de résoudre le problème du mal, car comment expliquer tant de souffrances si Dieu est bon? Mais si le mal vient des hommes, alors pourquoi les animaux ne sont pas épargnés, pourquoi les enfants, ou les hommes bons ne sont pas épargnés? D'autre part, si c'est Dieu qui a créé les hommes, c'est Lui qui les a rendu mauvais, qui leur a donné cette possibilité. On parle de libre-arbitre, mais je ne crois pas que les hommes soient libres. De plus, Dieu, comme un mauvais père, un père pervers, rend les hommes libres, mais libres de s'écarter de ce qu'Il veut, alors Il les punit (l'enfer), ou de faire ce qu'Il veut, alors Il les récompense (le Paradis). Donc ils ne sont pas vraiment libres, s'ils doivent faire ce que Dieu veut et s'ils sont sanctionnés s'ils ne le font pas.
Par contre, dans une optique plus matérialiste, on peut résoudre le problème plus facilement. Il n'y a pas de Dieu, juste un monde qui s'auto-organise, qui finit par secréter un ordre, des lois naturelles, et l'homme est pris dedans, comme les animaux ou les plantes.
C'est pourquoi, en tant que non-croyant, les religions me paraissent être le produit du délire humain. D'ailleurs, c'est l'homme qui a inventé l'idée de Dieu. As-tu vu un chien catholique, un chat bouddhiste, un âne musulman, un tigre juif? S'il n'y avait que des animaux sur Terre, il n'y aurait pas de croyance en Dieu. Pendant des millions d'années, il n'y avait pas d'idée ni de présence d'un Dieu fictif sur Terre. Puis l'homme est apparu, s'est complexifié. Il a pris conscience de sa conscience, du fait qu'il est mortel, et a inventé les mythes religieux pour se rassurer, par peur de la mort, par angoisse de l'imprévu, essentiellement. C'est pour cela qu'il y a un rapport évident entre la névrose individuelle et la religion, névrose universelle de l'humanité comme l'a bien décrite Freud dans "l'avenir d'une illusion". Il n'y a pas de rapport de causalité entre les rites et le résultat espéré. Dieu, c'est le père idéal, bon, tout-puissant, qui remplace le père réel défaillant, dont on s'aperçoit des défauts quand on quitte l'enfance. La religion, comme l'écrit Freud, est bien une "fiction consolatrice".