Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 21:48

 

Le bizutage, c’est l’humiliation qui sert à cimenter le groupe. Or, il entraîne le refoulement de la haine légitime envers le groupe qui a massacré l’individualité. Et la reproduction des violences subies. On a décidément pas assez lu Alice Miller. Et puis d’ailleurs, quelle importance l’intégration dans un groupe ? En général, tout rassemblement uniformise, tue l’originalité. Rien de pire que « l’esprit d’équipe » tant plébiscité. Même les intellectuels, philosophes, sociologues, psychologues ont tendance à s’interdire de penser véritablement pour ne pas s’isoler et se mettre en danger C’est comme si l’intelligence et la sensibilité étaient bannies, et qu’il fallait être le plus bête possible pour paraître dur.

Partager cet article
Repost0
29 mai 2019 3 29 /05 /mai /2019 23:46

Brian revit Dominique. Celui-ci lui demanda pourquoi il avait l’obsession de prouver qu’il n’était pas un idiot, et pas, par exemple, qu’il n’était pas un unijambiste. Brian y repensa, et se dit qu’il savait qu’il n’était pas unijambiste, mais qu’il ne savait pas s’il était idiot ou non. Une part de lui savait qu’il ne l’était pas, une part en doutait. Pourquoi ? Eh bien on ne l’avait jamais traité d’unijambiste comme on s’était moqué de lui pour son imbécillité. Mais que serait-il arrivé, si on lui avait souvent dit, cinquante pour cent, quatre vingt pour cent des gens, qu’il était unijambiste ? Alors soit il se serait trompé sur lui-même, fou de croire qu’il a deux jambes, soit il serait tombé sur des gens méchants, cruels, destructeurs. Eh bien, c’est ce qui était arrivé sur ses capacités intellectuelles, et ça l’avait tellement détruit, qu’il cherchait encore et encore à prouver aux autres, à se prouver à lui-même, qu’il n’était pas idiot.

 

Il se dit, aussi, que s’il pensait si souvent à la mort, c’est qu’il pensait souvent au suicide comme seule issue. Ayant toujours le suicide comme horizon possible pour échapper à ses démons, la mort, la pensée de la mort était donc aussi une obsession.

Il lut « destin funeste » de François Roustang, sur les débuts de la psychanalyse. Même si approfondir les théories lui était parfois pénible, cet ouvrage l’éclairait. Il montre que l’aspiration de Freud à avoir des élèves, des disciples à la fois dociles et originaux est une contradiction. Il expose la fragilité des grands élèves, Rank, Ferenczi, Abraham, Jung, qui, tous, voulaient être le préféré, le prince héritier. Il y avait donc beaucoup de rivalités entre eux. Il critique les écoles de psychanalyse, contradictoires là encore, car le transfert doit aboutir à la dissolution du transfert, ce qui conduit à l’émancipation individuelle, antagoniste de tout esprit de parti, de tout groupe. La psychanalyse est fondamentalement une thérapie libératrice, donc a-sociale.

 

Il développe des points de vue sur la schizophrénie intéressants. Brian pensa à un ami, qui, effectivement, payait par la castration symbolique et réelle (par l’absorption de médicaments), un confort relatif, à cause d’ un asservissement à l’emprise maternelle. Sa mère lui avait d’ailleurs dit « tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça », et de fait, il stagnait dans une attitude infantile, préférant les jeux vidéo à la recherche d’une relation épanouissante avec une femme. On voit là encore, que la psychanalyse est dans le vrai quand elle établit l’origine de la schizophrénie dans la psychose maternelle.

 

De même, être pensé par un autre qui ne pense pas, un fou qui rend fou, et s’en déprendre progressivement, lui fit mieux prendre conscience que souvent, quand il pensait, c’est son père qui parlait à travers lui. Il fallait observer ses pensées, et se débarrasser de ses idées intrusives, et se trouver soi-même.

 Comme François Roustang critique toutes les figures autoritaires et sclérosantes, il s’en prend aux disciples de Lacan, à Lacan lui-même responsable de leur sclérose, de leur bêtise, et cela plaisait à Brian.

 Il se demandait quel besoin pathologique le poussait à chercher un refuge ultime, un penseur, un courant de pensée auxquels il pourrait s’associer, s’appuyer, sur quoi se reposer. Or il avait été déçu par Tchouang Tseu, et Patanjali récemment. En fait, ce n’était que des hommes, et tous ces grands esprits pouvaient avoir dit du vrai et du faux. Evident, et pourtant difficile d’admettre qu’on puisse être vraiment seul. D’autre part, la plupart des hommes ont le besoin de s’appuyer sur ce qui les précéde, catholiques, musulmans, bouddhistes, communistes, ces hommes ne s’équilibrent-ils pas ainsi en aliénant leurs pensées et leur liberté ?

Brian se dit qu’était peut-être venu le moment de s’affranchir, de se trouver lui-même, de créer indépendamment sa voie, de ne plus dépendre des idées.

Mais, il est difficile d’oser voir, de se confronter à cet au-delà, cet en-deçà, et de ne plus s’accrocher aux mots et aux images comme repères pour se définir contre, en s’opposant.

Il lui fallait se désaliéner de l’emprise du discours sur soi d’un tiers, de tous les tiers. Et toujours, la prise de conscience de l’identification de son être profond avec ses idées. Il était celui qui pense cela de Kant, de Spinoza etc… Difficile quête identitaire, de la non identité ? pour sortir de la confusion de son être avec ses idées, ou des idées. Sans elles, sans  références intellectuelles, effondrement, le vide, qui était-il ?

 

 

Partager cet article
Repost0
29 mai 2019 3 29 /05 /mai /2019 23:43

.

 

Centre TCC pour phobie scolaire, une aberration.

Si l’enfant, l’ado, craint l’école, « phobie » et non « refus scolaire anxieux », ce qui est culpabilisant, c’est qu’il y est mal. Or, s’il est isolé, l’objet de moqueries, de coups, la raison en est un problème de socialisation, qui résulte de causes le plus souvent sociales et familiales. Faire faire des exercices à l’enfant plutôt que s’occuper des parents, de l’entourage, des causes, c’est choquant. En quoi travailler sur sa respiration ou ses schémas de pensées erronés, ont à voir avec sa situation? S’il se fait tabasser, s’il souffre d’ostracisme, d’isolement, c’est du réel. Et c’est cela qui doit changer. Plus intégré, plus à l’aise, les phobies scolaires disparaîtraient aussi. Mais pourquoi est-il si peu à l’aise ? On veut soigner l’enfant, quand il n’est que le symptôme d’un dysfonctionnement   familial. Lamentable. Le défaut de la psychanalyse, consiste dans l’immaturité des psychanalystes, leurs incompétences éventuelles, pas dans la théorie, qui est juste. Mais ce courant adaptatif, qui nous vient des USA, les TCC, abomination réductionniste sans profondeur, il faut le combattre avec force.

 

Partager cet article
Repost0
10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 21:09

 

Un des méfaits de la sociologie.

Bourdieu a eu raison de montrer que l’école reproduisait les inégalités sociales, et stigmatisait les enfants de classes entières de population, moins adaptées, préparées aux normes, aux exigences qu’elle prône. Il a eu raison de montrer que les classes sociales favorisées se parent d’une différence intrinsèque, de qualités d’être qui sont de l’ordre de l’acquis et de l’héritage culturel, et non de l’innée. Certes, mais cette prise de conscience a eu l’effet inverse de ce qu’il fallait faire. Plutôt qu’élever les classes populaires à la compréhension de Dostoïevski ou Spinoza, c’est le niveau global de l’élite qui a considérablement diminué. On s’étonne que le QI baisse quand les gens sont abrutis par des émissions, des spectacles, des films plus vulgaires et grotesques les uns que les autres. Bourdieu a conduit au triomphe de la société de consommation, du spectacle, de la culture de masse, tout l’inverse de la direction souhaitée par Pasolini. Société de transparence absurde, où la médiocrité, la banal, le conformisme, l’anti-intellectualisme, le « tout se vaut » domine les mœurs et les manières. Conception complètement pervertie de l’égalitarisme. On a même des présidents, des ministres qui, pour plaire, louent ses divertissements. Je n’en voudrais pas pour tapis sur lesquels m’essuyer les pieds. C’est un des pièges de la démocratie, cette emprise des opinions, des goûts de la majorité.

En effet, beaucoup de sociologues, à la suite de Bourdieu, n’analysent les créations culturelles, les pratiques culturelles, que comme des moyens de de distinction, de différenciation. Lecture paranoïaque du monde. On ne pourrait fréquenter les musées, écouter du classique, voir des films d’auteur,  que pour se valoriser socialement. J’ai pu lire un livre sur la « sociologie de la danse » où toutes les vocations étaient décortiquées, mais pas un mot sur la danse. Ainsi, ce qui est oublié par cette lecture sociologique du monde, c’est l’objet culturel lui-même, le tableau, le film, la mélodie, le spectacle, le livre. Et voir la création uniquement comme une production différenciante, c’est délégitimer la culture. Ainsi, j’ai pu lire que critiquer le tuning, ou certains goûts populaires, relèveraient du mépris de classe.

Exprimer l’idée que la plupart des émissions de télé, de radio, des films, des livres, sont du divertissement au mieux bêtes et assez inoffensifs, au pire effroyablement vulgaires et obscènes, ce serait donc inaudible parce que du mépris de classe. Terrible perversion de la gauche et du politiquement correct, qui fait regretter l’ancienne volonté politique et conservatrice d’élever le niveau culturel de la populace, par la force s’il le faut. Je donne entièrement raison à Finkielkraut sur ce plan. La démagogie conduit à des aberrations.

Et puis, ceci, contre Bourdieu là encore. Il est faux de prétendre que les individus des classes culturellement défavorisées souffrent de leur situation. D’abord parce qu’ils sont l’immense majorité, ensuite parce que la culture n’a jamais servi de réels moyens de légitimation mais seulement le vernis culturel. Qui parmi les petits bourgeois, les grands bourgeois, les aristocrates en effet, lisent, lisaient il y a trente, cinquante ans Balzac, Dosto, Schopenhauer ou Kant ? En fait, bien peu, cinq à dix pour cent peut-être. Donc, l’individu soi-disant opprimé culturellement ne souffre pas de sa situation. En effet, les amateurs de foot, de rugby, de voitures, de motos, de bricolage, de bowling, de billard, de pétanque, de best sellers, d’émissions et de films débiles et populaires sont des millions, des dizaines de millions, rien qu’en France. Ils se regroupent, s’entraident, ont des goûts communs, bref ils ne sont pas seuls. Mais les êtres réellement cultivés, qui connaissent en profondeur, ou ont un intérêt particulier, pour la littérature, la philosophie, les sciences, l’opéra par exemple, sont si peu nombreux que le désespoir lié à leur solitude, à leur particularité est abyssal.  Et cette solitude pousse au suicide, à la misère les esprits les plus complexes, quand la plèbe vociférante, ignare et violente pullule. Et de génération en génération, on en arrive à cette imbécillité de masse où seuls quelques intellectuels et être d’exception émergent et survivent péniblement.

Partager cet article
Repost0
10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 21:03

Brian, parfois, était pris de craintes irrationnelles, délires plutôt, mais pas réellement irrationnelles. Avant d’aller dans certains endroits, il craignait de perdre les mots, et d’être placé en institution pour idiots, de ne plus avoir droit à la parole, d’être traité comme un abruti, sans intériorité, à l’intériorité déniée. Or, outre qu’il l’avait été dans sa famille dysfonctionnelle, qu’il avait été réduit au silence, c’est, aussi, ce qu’il avait vécu réellement. Sa famille voulait le faire taire, l’empêcher de s’exprimer, de dire la vérité, de se confronter à leurs propres failles, et comme il le tentait, ils l’avaient étouffé, brimé. On lui reprochait son manque de docilité, on le rappelait à l’ordre san cesse, quand un excès de docilité l’avait tétanisé, rendu incapable de parler, de se lever d’une chaise en classe, de s’affirmer. On n’est pas élevé sous l’injonction « perinde ad cadaver », « obéis comme un cadavre », sans en subir les conséquences. Et, ne pouvant parler, prendre sa place, il avait été, longtemps, considéré comme inexistant par ses camarades. Il lui avait fallu s’en sortir par la violence. Mais, toujours, il ne parlait pas vraiment, et il avait, par incapacité, parce qu’on l’avait empêché de s’exprimer, de dire la vérité, été placé en institution plus jeune. Cette peur qu’il avait, c’était exactement ce qui lui était déjà arrivé, une intériorité brisée, pas prise au sérieux, niée, rentrée. Et sa famille ne reconnaissait rien. Il était, pour elle, coupable de tout. Il n’était pas assez méritant, n’avait pas fait assez d’efforts, était un cas social, n’avait jamais rien vécu de dur etc. Des murs, qui l’avaient conduit droit dans le mur. Et il était, toujours, mû par un désespoir atroce, des pulsions auto-destructrices, et destructrices.

 

Il avait entendu dire par frère Tang, qui le tenait de Chao, que le monstre s’amusait sur Paris, que les chinois étaient eux-mêmes surpris de son efficacité. Il voulait le rejoindre, aider la communauté, et, dans un suprême dégoût de l’humanité, torturer le plus d’ordures possible.

 

Le regard de l’autre, quand il était fixé sur lui, intrusif, évaluateur, lui était insupportable, intolérable. Sa famille en était l’origine, qui ne l’avait jamais regardé vraiment, regard qui absorbaitsans distance, qui rejetait comme étranger, mais qui ne le regardait pas comme différent, comme quelqu’un d’autre, avec ses besoins propres, son irréductible identité, son propre cheminement, regard qui lui faisait violence,  paroles qui lui faisaient violence, sans aucune empathie, dans une sorte de fusion destructrice d’autonomie, annihilatrice. Et tout ceci était nié, parce qu’ils ne pouvaient s’en rendre compte, parce qu’ils s’épaulaient, se confortaient dans leurs folies, leurs évitements, leurs dénégations, leurs systèmes psychotiques, leur rationalisation perverse. Tout était faux en eux, construit sur des mensonges, sur la négation de la vie.

Partager cet article
Repost0
10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 01:20

 

Brian vivait de grands changements. Il s’aperçut que ce qui l’avait passionné pendant des années lui était devenu totalement étranger. Il avait commencé un livre de Oulitskaïa, « Daniel Stein, interprète », mais ce bouquin, l’histoire d’un juif déporté qui se convertissait et devenait moine en Israël, était truffé de discussions, controverses théologiques qui le laissaient désormais complètement indifférent, comme s’il était saturé de tout cela. Et il avait, également, laissé tomber un bouquin d’Etienne Marcel, qui avait tout pour lui plaire, l’isolement dans la montagne, le baroud en Chine et en Afrique avec un regard critique, les références au transcendantalisme américain et à ceux que ce mouvement a influencé, Whitman, Thoreau, Emerson, Henry Miller, Kerouac, Alan Watts, Gary Snider, et des références au Bouddhisme zen, au Taoïsme, tout cela avec intérêt et distance, et pourtant, il n’avait pu lire ce livre, comme s’il en avait là aussi épuisé les possibilités, qu’il n’y avait plus rien pour lui à y trouver.

 

Il vivait ce qu’il avait désiré vivre pendant toutes ces années de désolation, ce pourquoi il avait tenu toutes ces années. Il vivait les trois semaines qui sauvaient tout de Tolstoï, et plus que cela, et cela durait. Il s’aperçevait, aussi, qu’il serait toujours différent, aussi décalé, pas adapté au monde dans lequel il vivait. Il ne se ferait jamais à la violence, à la vulgarité, à la bêtise omniprésente. Il comprit, après ces trois semaines et plus, que c’était bon, qu’il pouvait partir, qu’il ne trouverait jamais l’apaisement. Il est impossible d’échapper à la brutalité, à la violence en ce monde, même les animaux ne font que lutter, feintent, se camouflent, trichent pour survivre, tuer, se reproduire, manger, protéger leur territoire, leur intégrité. Qui pouvait seulement garantir que mourir ne conduisait pas, dans un multivers, à un univers encore plus violent, à une vie encore plus violente ? Les Bouddhistes auraient raison. Et s’il était impossible d’échapper à la violence autrement que par une extinction définitive ? Le suicide assurerait-il cette extinction ? Brian n’en pouvait plus. Tout son harassant effort, toute sa culture n’avaient servi à rien pour trouver sa place en ce monde. L’art était impuissant à le sauver de ses démons, et l’amitié, et la philosophie, et la spiritualité, et les thérapies. Même l’amour se révélait insuffisant pour le rééquilibrer, le pacifier. Mais il avait vécu ses trois semaines et il ne pouvait plus rien espérer d’autres. Tout cela, le sens, pourquoi était-il là, pourquoi lutter, lui échappait toujours. Toujours ils souffrait. Il ne trouvait pas la paix en ce monde.

 

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2018 7 30 /12 /décembre /2018 19:31

 

Je ne sais pas quelle est l’explication la plus pertinente pour élucider le fait d’être surdoué. Peut-être y a-t-il une convergence entre différents déterminismes. Est-ce que le biologique , la complexité corporelle prime ? En tout cas, il faut un substrat suffisamment organisé pour que les propriétés spécifiques du surdoué puissent émerger. Et après ? Cette « différence » est-elle proche de la définition du génie par Sartre : « Le génie n’est pas un don, mais l’issue qu’on s’invente dans les cas désespérés, ou le désespoir surmonté à force de rigueur ». Est-ce aussi proche de l’apport psychanalytique, un détournement des pulsions érotiques vers des objets de savoir, un surinvestissement, une surcompensation qui implique une métamorphose cognitive ? Toujours est-il qu’on ne mesure pas encore à quel point il est difficile de ne pouvoir échanger qu’avec un nombre restreint de personnes sur ce que l’on aime. Certes, l’affection peut se trouver ailleurs, et j’aime être en compagnie de gens qui m’apportent autre chose, de la chaleur humaine, de l’attention et du réconfort. Je dirai même que c’est l’essentiel. Mais le constat est là. Je n’aime ni le foot, ni le bowling ou la pétanque, les jeux vidéo, les voitures ou le bricolage. J’aime, de façon même obsessionnelle, la littérature, la philo, le cinéma, les sciences humaines en général, les divers courants de spiritualité, et les sciences exactes. Et les arts martiaux, le yoga et la danse. Et, heureusement, je rencontre des hommes et des femmes qui partagent ma passion pour un, deux, ou trois de ces domaines, et avec qui je peux aller loin, m’exprimer sans frein. Mais j’ai aussi, souvent, l’impression d’être seul de mon espèce parmi la foule, et je me console à la pensée qu’il y a encore plus doué, plus obsessionnel que moi, et que ces individus, pas tous, ont pu vivre, peuvent vivre malgré tout.

Partager cet article
Repost0
30 décembre 2018 7 30 /12 /décembre /2018 19:30

Dans le développement personnel, on culpabilise souvent les hommes qui ne réussissent pas, parce qu’ils ne veulent pas assez réussir, ne veulent pas assez être heureux. La psychanalyse, ainsi que la sociologie démontent ces préjugés volontaristes, l’idéologie du mérite. Moi, on m’a souvent félicité pour ma reprise d’études après l’armée, puis pour ma réussite. Mais je n’étais pas plus méritant alors qu’adolescent quand j’étais en échec  scolaire. Je voulais tout autant réussir, j’étais tout aussi méritant, mais je n’y arrivais pas. Le recours à la volonté, comme si celle-ci était indéterminée, toute puissante, est une mystification.

Réfléchissant sur le problème du mal avec un ami fort érudit dans le Bouddhisme, et qui me disait que quelque part, tout était bien, il fallait juste en prendre conscience, « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » écrit Leibniz, je lui objectai qu’un paralysé ne peut pas dire que c’est une bonne chose, ce qui lui est arrivé, mais que peut-il faire de bien, quand même ? Il n’a pas le choix de toute façon. Mais pour un génocide ? Comment des enfants morts peuvent s’épanouir ? Et c’est le problème. La rédemption est parfois impossible. La dialectique ne récupère pas tout. Purgent-ils une sorte de karma ? Leur sacrifice permet-il à l’humanité de progresser (par exemple : progrès de la chirurgie avec les « gueules cassées », notion de crimes contre l’humanité, dépréciation collective des valeurs guerrières, sensibilisation aux droits des prisonniers, au respect de l’homme en tant que sujet, à la protection des animaux etc) ? C’était un peu la justification donnée par mon ami. Moyennement convaincu quand même, pour les individus sacrifiés ou détruits.

Partager cet article
Repost0
16 décembre 2018 7 16 /12 /décembre /2018 19:03

Brian entendit à nouveau parler de Clara. Celle-ci devait quitter la ville. Elle se croyait libre, et elle fuyait. Elle errait. Mais il fut surpris par sa propre réaction, car des souvenirs, des images lui revinrent. Et il ne put dormir plusieurs nuits de suite, tant cette non relation avait été intense, et l’avait blessé. Mais la bulle avait crevé. Il la pensait désormais excessivement narcissique, et jouant la profondeur. Combien en existent-ils de ces êtres creux, superficiels, qui simulent la profondeur, mais esquivent ou fuient quand on s’en approche, pour ne pas être démasqués ? Manifestement, elle ignorait tout de la philo, de la littérature classique, de la psycho, des sciences, de la spiritualité, et elle donnait la fausse impression de s’y intéresser, et elle l’avait eu, comme ça, tout en se refusant à tout contact réel et surenchérissant sur le mystère. Elle se voulait bienveillante, se pensait bienveillante, mais dans les faits, elle n’apportait que de la souffrance pour les êtres qui l’approchaient. Avec une généralisation abusive, elle aurait discrédité à elle seule tout le Peuple coréen, que pourtant il aimait tant. Mais il se garderait de cette tendance de l’esprit humain, et maintiendrait son intérêt pour la culture Coréenne intacte.

 

Il continuait à danser. Il se révélait danseur né. Pour lui, c’était un plaisir, une libération, une divine façon de s’exprimer, de se manifester, et il était surpris du manque de passion des livres sur la danse, ou émanant des danseurs pro qu’il voyait dans des spectacles ou des documentaires. Il avait regardé des danseurs expliqués qu’ils ne dansaient que pour être vus. D’autres chorégraphies ne se dégageaient aucune nécessité vitale, aucune urgence. La danse n’était pas pour eux une question de vie ou de mort. Or, c’est quand il dansait seul que Brian se sentait le plus libre, le plus déchaîné, inspiré.

Il avait également assisté à un spectacle sans prétention, organisé par un collectif de migrants. Et les mouvements traditionnels d’une danseuse Arménienne, si nobles, et l’expression si poignante de la souffrance d’une Djiboutienne, l’avaient davantage ému que la virtuosité de Pietragalla.

 

Il pensait que toute danse était cathartique, et que cette dimension ne se concentrait pas dans la mode des «Danse médecine », « Danse de la vie », « Danse énergie ». Pour avoir approfondi un peu, par la Biodanza, le life art process, la danse des cinq rythmes ,il se méfiait même de ces mouvements qui lui semblaient un peu sectaires, mélange de théories new âge, spiritualité dévoyée, développement personnel fumeux, et pur charlatanisme. Mais il aimait les danses folkloriques, la bourrée, le style Russe, Indien, Balinais, le flamenco, le tango, et il s’en inspirait, mélangeant cela avec des mouvements issus du taiso, du yoga, des arts martiaux, et de la danse contemporaine comme la danse gaga d’Ohad Naharin. Et il se créait son propre mélange, son propre style, ses combinaisons, sa voie. Parfois même, la danse le prenait d’un coup, spontanément, sans échauffement préalable, comme un impérieux besoin le conduisant à la transe, une transe libératrice. Et ce qu’il ressentait alors, ce pouvait être proche de l’extase éprouvée par des danseurs africains « envoûtés ». On était vraiment très loin des définitions ratiocinantes et verbeuses qu’il lisait et qui lui paraissait artificielles, sans vérité, à côté de la plaque.

 

« Il faut attendre que le sucre fonde » écrit Bergson. C’est tout le problème, mais aussi tout l’intérêt de la vie.

Partager cet article
Repost0
10 décembre 2018 1 10 /12 /décembre /2018 20:49

Des souvenirs épouvantables lui revenaient. Sa personnalité détruite, Brian ne pouvait, à l’école primaire, au Collège, exister par lui-même. Complètement sous emprise, il n’avait pour ainsi dire pas d’existence autonome, pas de possibilité de s’affirmer. Et pas de moyens de protection, aucune estime de lui-même. Il avait été l’exclu, puis le violent dépossédé de lui-même, toujours essentiellement muet. Lorsqu’il était parti pour l’armée, c’était un des pires endroits où il pouvait aller. A dix-huit ans, sans diplôme, sans compétences manuelles, sans amis, fuyant sa famille, il cherchait un nouveau foyer au pire endroit pour lui. Pourquoi y était-il resté ? Parce qu’il préférait encore les coups, les insultes, les « y a rien à en tirer » venant d’étrangers que s’ils émanaient de ses propres parents. Et tous ses souvenirs refluaient. Tout était encore à faire. Il n’avait eu qu’une obsession après l’armée, prouver que si, il y avait quelque chose à tirer de lui. Il avait repris ses études, passé des diplômes, mais ce qu’il redoutait par-dessus tout, c’était se perdre à nouveau et revivre le passé. Ne plus pouvoir s’exprimer, être comme un objet, sans défenses. Et cette crainte lui avait posé d’énormes problèmes d’intégration sociale, professionnelle. Et s’il n’y arrivait pas ? Et si les formateurs, ses collègues, le traitaient d’idiot ? Et s’il était un idiot ? Comment sortir de ce cycle ? Accepter comme possible les brimades et l’enfer ? Ou se tuer ?

Il ne croyait plus en Dieu, mais il en avait tellement besoin.

Partager cet article
Repost0