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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 20:59

Brian relisait Proust. Les subtilités de « La Recherche » lui semblaient un peu artificielles. Certes, Proust avait accompli une prouesse intellectuelle, et stylistique, mais il compliquait inutilement les choses. Même les très beaux passages métaphysiques avec la madeleine, les pavés, les aubépines, les clochers de Martinville, au fond sa mystique, étaient une construction hasardeuse. L’idée que, par la mémoire involontaire, on puisse associer le souvenir d’un événement passé avec les sensations matérielles qui y correspondent dans le présent, et ainsi sortir du temps en quelque sorte, le vivre à l’état « pur », c’est très théorique pour qui ne l’a pas éprouvé.

Et puis, toutes ses théories sur l’amour sont fondamentalement superficielles. On désire ce qu’on ne possède pas, et quand on le possède, on ne le désire plus. Ainsi, la vie oscille, tant qu’on désire, entre la souffrance liée au manque et l’ennui lié à la présence de l’objet désiré. Du classique Schopenhauerien. Lorsque l’être aimé nous est aliéné, il perd son attrait, lorsqu’il reprend sa liberté, on veut le reconquérir. Mais ce n’est vrai que si l’attirance repose essentiellement sur le fantasme et l’imagination. Ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, on ne court pas toujours après une femme dont a compris qu’elle n’était pas notre type, au contraire de Swann après Odette de Crécy, et on peut également aimer ce qu’on possède, se sentir bien tout simplement avec la personne avec qui on est. Ces constatations banales semblent avoir échappé au narrateur et peut-être à Proust lui-même. Trop de rêves, d’imaginaires, et de cristallisations chez lui. Un retour au réel s’imposait. La  vie réellement vécue ne se passe pas que dans les livres, et c’est une tragédie de ne vivre que par et pour les livres. C’est ce qu’avait compris Mishima dans « le soleil et l’acier » quand il racontait son évolution de l’enfermement neurasthénique à la découverte du soleil. C’est également ce qu’écrit kazantzakis dans « Zorba » lorsqu’il fait la critique des « spleeneux », qu’il rejette Baudelaire et Mallarmé, et qu’il nous donne le conseil de ne pas être des « souris papivores ».

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23 décembre 2017 6 23 /12 /décembre /2017 20:57

 

A la TV, à la radio, toujours repassaient les figures médiatiques affreusement plates. Gounelle servait dans ses livres la médiocrité de la PNL, Lenoir publiait un livre sur Spinoza pour lequel il n’avait aucune légitimité, Matthieu Ricard égrenait avec bonhomie des conseils éculés. Comme l’a écrit Irving Yalom, il est étonnant que, lors de conférences du Dalaï Lama, de grands esprits s’extasient sur les  banalités proférées comme s’ils perdaient tout esprit critique. Matthieu Ricard critique la psychanalyse, pourtant on sent une colère rentrée en lui. Une thérapie lui aurait peut-être été plus salvatrice que la fuite dans les montagnes parmi des imbéciles heureux souffrant du manque d’iode. Plutôt que rejeter les méfaits de la colère, il lui aurait été profitable de la vivre, de l’accepter pour la dépasser. Son père, philosophe, et sa mère, assez égocentrique apparemment, l’ont bien secoué. Lui, le physicien, prétend que le bouddhisme n’est pas incompatible avec la science. En quoi la réincarnation est-elle cohérente ? Certes, nos composants matériels se transforment, mais comment une conscience pourrait-elle se réincarner indépendamment d’une reconfiguration identique des éléments matériels ? Et puis, c’est une croyance étonnante pour qui croient que le Moi est une fiction, et que le Soi n’existe pas. Et à quoi bon tous ses efforts, s’il n’y a que vacuité ? Le but qu’il recherche, l’extinction, ne l’atteint-t-on donc pas tous, et bien tôt, sans passer par l’ascétisme ? Même  le socle, les 4 nobles vérités, impliquant la condamnation du désir comme source de la souffrance, est très mortifère. Après tout, c’est dit et redit, mais si la joie a une existence positive, si elle n’est pas qu’absence ou diminution de souffrance, et si le désir est aussi la source de cette joie, leur système s’écroule. Et Matthieu Ricard, pédant, se louant de son sens commun et anti intellectualisme, donne des leçons de bonne conduite, vante le régime végan, les pratiques méditatives, avec cet air niais typique des curés. Eh réveille-toi Mathieu, et va vers les femmes, ou les hommes si c’est ton désir. On les connaît les guides spirituels refoulant leurs besoins sexuels, car ceux-ci reparaissent souvent sous forme violente, comme on l’observe chez nombre de « guides », gourous, lamas, prêtres ou moines zen.

 

A l’inverse, Freud et son œuvre sont sans cesse critiqués. On ne cesse d’analyser sa vie pour le discréditer, mais Rousseau ou Einstein n’étaient pas exempts de critiques et on ne s’acharne pas sur eux, on ne discrédite pas leurs travaux pour autant. Comme Dostoïevski qui passait pour révolutionnaire sous le tsar, et réactionnaire après la révolution d’Octobre, on reproche désormais à Freud, après son aspect subversif, son conservatisme. Il faut remettre les choses dans leur contexte. A son époque, les pratiques psychiatriques étaient très violentes. On parquait et maltraitait les « déviants », on les lobotomisait, les électrocutait. Lui a apporté la parole et la possibilité de se confier, et développé l’idée que cet échange par la parole donnait quelque chose de plus, ou de différent que les autres traitements, comme les médicaments. Cela qui existait chez les religieux, il l’a apporté dans la psychiatrie. Et toutes les thérapies encore utilisées qui se servent de la parole s’inspirent plus ou moins de lui. On ne peut pas tout soigner par les médicaments. Ils sont inefficaces pour comprendre son itinéraire, ses erreurs, ses compulsions de répétition, changer réellement. Un doc sur Arte le montrait avec un champion de karaté allemand, Andreas Marquardt, qui, en prison, voulait comprendre comment il en était arrivé là, si froid, violent et sans empathie. On voulait lui administrer des médicaments, il a réclamé une psychanalyse. Il s’est battu, s’est fait isolé, a prétendu qu’il frapperait tous les détenus, jusqu’à ce qu’il voit un psy, parce qu’il avait besoin de parler. Et il l’a obtenu. La psychanalyse lui a apporté ce que les médicaments ne peuvent pas donner. Pour Charly Graf, boxeur allemand emprisonné, c’est la rencontre avec un ex de la fraction armée rouge, Peter Jürgen Boock, qui lui a permis de changer, notamment par la découverte de la lecture, Dosto, Hesse, Handke. Un échange là encore, et pas des médicaments.

 

Quant aux TCC, thérapies cognitives et comportementales, dont les thuriféraires ne cessent de combattre la psychanalyse, elles ne sont basées que sur les symptômes apparents qu’elles considèrent comme des « troubles » sans signification. Elles confrontent le patient à ses phobies, et le torturent ainsi, mais considèrent, comme l’intensité physiologique de la peur décroît, que la patient progresse. En réalité, quand le patient va mieux, ses symptômes disparaissent progressivement et naturellement, sans efforts particuliers, sans exposition graduelle aux objets appréhendés. Les TCC cherchent une efficacité rapide et illusoire, cherchent à conformer le sujet aux normes en vigueur, telle la productivité, la performance, quand la psychanalyse cherche à le libérer, pour qu’il puisse se trouver lui-même.

 

On prétend que Freud n’a rien apporté sur l’inconscient, que cette notion existait chez Leibniz ou Schopenhauer. Certes, mais Freud a développé toute son œuvre autour de cette découverte, et l’a incomparablement plus approfondie. L’existence d’un inconscient actif, de vécus psychiques inconscients, qui nous déterminent à notre insu, est par ailleurs validée par les neurosciences actuelles.

 

Freud est également le premier penseur d’importance à avoir analysé le rôle fondamental de la sexualité. Il eut un seul précurseur en philosophie Occidentale, Schopenhauer, mais celui-ci n’avait fait que dévoiler le fait que la sexualité était la plus évidente manifestation du vouloir vivre, et il la condamnait, voulait la nier. Freud, plus proche de Nietzsche, pense au contraire qu’il faut aller dans le sens de l’affirmation du vouloir vivre, et qu’une sexualité satisfaisante est nécessaire pour une vie épanouie, la sublimation voire la surcompensation créatrice ne pouvant se substituer entièrement à la sexualité concrète.

 

On peut également considérer  l’influence de Freud, dans les champs thérapeutiques, philosophiques, anthropologiques, littéraires, artistiques. Il a apporté des clés, ouvert des perspectives, exposé le déterminisme inconscient, « l’inquiétante étrangeté » en chaque homme, et on n’a pas fini d’en apprécier les apports et les implications, en ce qui concerne l’homme, la culture, les religions, les guerres.

 

Sartre par exemple, semble être passé à côté. Sa « psychanalyse existentielle »,  par laquelle il voulait, comme à son habitude, concilier déterminisme des situations et liberté individuelle, semble un peu foireuse. Il croyait en un projet originel d’existence, qu’on choisissait ses névroses. Freud ne dit pas autre chose quelque part, mais il ne moralise pas. Sartre pensait que le névrosé ou le psychotique était de mauvaise foi, car pour refouler quelque chose de dangereux pour le moi, il fallait une conscience première de ce qu’il fallait refouler, et donc l’homme restait à l’origine de sa névrose, et libre. Mais il oublie que de refoulement était nécessaire pour la cohésion du moi, que sa cause est bel et bien oubliée, et ses effets, les symptômes, réels. Il moralise ainsi un processus de survie psychique. Son aveuglement est lié à son obsession existentialiste de la liberté.

 

Dans « la transcendance de l’ego », Sartre, pour illustrer sa thèse, prend l’exemple d’une femme qui a peur de se mettre à sa fenêtre parce qu’elle craint de crier. Sartre pense que son angoisse exprime sa liberté, le fait qu’on est libre à chaque instant de faire n’importe quoi. De même, on peut ressentir l’angoisse sur un pont, parce qu’on peut effectivement en sauter à tout moment, si on le souhaite. Pour Freud, la peur de cette femme, cette angoisse sur le pont serait plutôt la manifestation d’une névrose, d’une aliénation, un être libre et maître de lui-même, ne craignant pas de s’échapper ainsi à lui-même. 
Il semblait à Brian que Freud l’emportait, et lui qu’on accuse de jargonner, la lecture de son analyse de la « Gradiva » était bien plus agréable à Brian que « l’Etre et le Néant ».

 

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 00:55

 

Brian n’était pas qu’un intellectuel tourmenté à l’efficacité virile. Ses goûts dévoilaient un tempérament plutôt féminin. Il n’aimait ni le foot, les sports avec un ballon en général, ni les voitures, ni les jeux vidéo, ni le bricolage. Il aimait lire, écrire, le cinéma, le yoga et la danse. Alors certes, il pratiquait intensément les arts martiaux, et appréciait peu le shopping, mais tout de même, il y avait du féminin en lui, un guerrier à la voix tendre, avec un aspect presque fleur bleue, un tempérament de midinette. Il avait remarqué, chez les paras autrefois, la propension marquée des asiatiques pour les chansons sentimentales françaises. Les types, de solides combattants, recelaient eu eux une douceur romantique qui contrastait avec leur apparence. Ca l’avait touché.

Si Brian était super élitiste sur le plan intellectuel, il était surprenant de constater son inclination pour les musiques populaires qui imprégnèrent son imaginaire d’adolescent. Elles devaient toucher un aspect émotionnel plus primitif, la sensibilité sans médiation.

Il n’avait aucun snobisme en la matière. Piaf, Brel, Dalida, Goldman, Souchon, Lavilliers, Joe Dassin, Adamo, Aznavour, Manset, Niagara, C Jérome et tant d’autres pour la France, A-ha, Talk talk, Alphaville, Modern talking ou Cock Robin, et tant d’autres pour les USA et le reste du monde, les chansons qui le remuaient, valorisées ou déconsidérées, visibles sur you tube, se comptaient par centaines ou milliers. Quand il avait un accès prolongé au net, et qu’il s’y laissait prendre, il pouvait, hypnotisé, enchaîner tubes après tubes, et plonger dans un bain nostalgique et émotionnel, glacé aussi, car, figé, il attendait d’être gelé avant de rompre le sortilège et d’amorcer un mouvement. Il était satisfait de pouvoir renouer avec une part masquée de sa personnalité. De même qu’il ne pouvait être lui-même, se montrer tel, sans masque et sans carapace, qu’avec les animaux, avec lesquels il pouvait jouer et manifester son affection et sa sensibilité sans honte ou crainte d’être offensé ou rabroué, ses chansons le connectaient avec un aspect qu’il aimait de lui-même mais qu’il dissimulait pour se protéger, qu’il ne pouvait trop exposer, faire emerger, triompher, et pourtant qui était davantage lui-même, son vrai moi, que ce que son visage et son attitude hermétique laissaient paraître.

Ainsi, « Je suis malade », « Emmenez-moi », « Les amants d’un jour », « Je rêvais d’un autre monde », « Il voyage en solitaire », « Envole-moi », « Et si tu n’existais pas », « Le bagad de Lann-Bihoué » et ainsi de suite mettait Brian dans tous ses états, et il les reprenait, les fredonnait avec timidité. Il aurait voulu les chanter avec force, pleinement, avec toute sa puissance et son vécu, mais il ne le pouvait pas. Ca restait bloqué en lui. Il lui aurait fallu assumer jusqu’au bout ses fragilité, pouvoir se montrer empli de tendresse, et c’était tabou, l’équivalent d’une faiblesse à surmonter, à cacher. Il ne pouvait pas montrer qui il était vraiment, depuis toujours, hormis parfois grâce à l’alcool. Il en souffrait. On lui avait fait croire qu’il était nécessaire de tricher, de mentir, de se camoufler, comme si quelque ténébreux secret épouvantable était tapi quelque part et pouvait se révéler. Pourtant, lui, des secrets à taire, il n’en avait pas enfant. On en avait peut-être pour lui. Et à force, comme on le croyait porteur de secrets, il le croyait aussi, il s’enfuyait, s’imaginait des choses, des situations, ça lui donnait une aura de mystère, il s’identifiait à tous ces rôles, il cherchait à plaire, il se mettait à y croire. Il avait intériorisé les croyances et les drames, il avait joué les situations, et maintenant, il portait de vrais secrets.

Il était devenu un meurtrier. Certes, il croyait bien faire, tel « l’homme irrationnel », et peut-être était-ce vrai. N’aurait-il pas fallu tuer Hitler, ou ceux qui l’ont si mal éduqué, comme les malfaisants  abrutisseurs de la société du spectacle rejetant aux marges tout effort intellectuel et toute vertu, toute dignité ? Il n’empêche, il avait désormais des choses réelles à cacher. La poisse.

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 00:47

 

Pour être dandy, il faut encore avoir la force de prendre la pose. Oh, Limonov, comme Brian comprend ton besoin de reconnaissance, et ton imaginaire sans cesse élaborant des plans. Ses crucifixions ne furent pas roses, mais noires, bien noires Vivre ses rêves plutôt que rêver sa vie, un cliché, et pourtant.

Charly Graf, une pensée pour toi. Et à toi aussi Ed Bunker.

 

Le retour de l’antisémitisme est dur à encaisser. Il n’a jamais réellement disparu. Il couvait, et le conflit israëlo palestinien a ravivé le processus, les hommes tellement contents de nier leur propre monstruosité et de la projeter sur une cible facile, les Juifs en l’occurrence. Le processus du bouc émissaire est très répandu, dans les cours d’école, en prison, un peu partout. En général, un groupe lynche plus faible et pas plus criminel que lui. Brian n’était pas certain que toute société était fondée sur des rivalités mimétiques et un crime originel, comme le théorise René Girard, mais c’est un fait que la violence s’exerce souvent sur l’étranger, le différent, le plus fragile et sans réponse audible, thèse magnifiquement illustrée dans « les animaux malades de la peste » de La Fontaine. Les hommes s’efforcent de nier leur propre dangerosité, meilleure manière, l’ignorant, d’y céder. Les pires criminels de l’histoire n’étaient ni des serial killer psychotiques, ni des schizophrènes, ni des tueurs à gages, ils étaient des hommes ordinaires, la foule. Ils ont tué 20 millions de Russes, 20 millions de Chinois, 1 million de Cambodgiens, 110000 Japonais d’un seul coup par la bombe A, brûlé Dresde quand c’était inutile, massacré femmes et enfants à Nankin, tué, parmi les 5 millions de juifs, on l’oublie souvent, 1 million et demi d’enfants. Le monstre le plus effroyable, c’est l’homme ordinaire, conformiste, grégaire, soumis, docile, se gavant de toutes les imbécillités divertissantes, se croyant un brave homme, et, occultant sa propre violence, tuant, après des centaines de millions, des milliards d’animaux torturés, des centaines de million d’hommes !

L’homme commun dans toute son horreur !

 

Brian appréciait ce que la culture juive, la tradition herméneutique, avait produit comme grands hommes. Il remarquait cependant que les plus féconds, comme Spinoza, Freud, Einstein ou Allen étaient critiques avec la religion. Les monothéismes posent problème. Ils établissent une séparation radicale et mal fondée entre l’homme et l’animal, coupe l’homme de la nature, ce qui légitime l’exploitation des autres créatures, et s’accorde moins avec la science que l’animisme ou le panthéisme par exemple. Ils sont de plus exclusifs donc excluant, et peut-être pour cela par nature intolérant. Les juifs sont moins prosélytes, parce qu’ils n’en éprouvent pas le besoin. Ils croient, en effet, que Dieu a scellé une Alliance particulière avec le peuple d’Israël. Ils ne ressentent donc pas la nécessité de convertir. Ils sont à part. Cette idée, comme beaucoup d’autres dans le Christianisme, l’Islam, les religions orientales, choquait Brian. Il fallait imaginer, dans tout l’Univers, un Dieu tout puissant et personnel, ce qui déjà n’allait pas de soi. Mais pourquoi préfèrerait-il les Juifs aux Chinois par exemple, ou aux Polynésiens, aux Amérindiens ? Cà ne tenait pas.

Les inconséquences pullulent dans toutes les religions. Il faut les dévoiler.

 

D’autre part, cela explique l’inégalité dans la réciprocité. Les Juifs sont la base et ont la reconnaissance des chrétiens et des musulmans, les chrétiens celle des musulmans, les Musulmans aucune. En effet, un musulman, puisqu’il vient après, peut reconnaître Abraham ou Jésus comme prophètes, et rester musulman, mais un chrétien qui reconnaîtrait Mahomet comme le sceau des prophètes serait logiquement amené à changer de religion. Par conséquent, quoi qu’en disent les tenants de l’œcuménisme, on ne peut reconnaître la légitimité de Mahomet si l’on reste Chrétien, comme on ne peut reconnaître celle de Jésus si l’on reste juif. Ceci explique que les Chrétiens sont plus prosélytes que les juifs, et les musulmans plus que les chrétiens. Ils ne peuvent faire autrement s’ils désirent être reconnus, et tant qu’ils le désirent.

 

Qu’après la seconde guerre mondiale, les enfants juifs français ne puissent être scolarisés où ils le veulent, parce que dans des écoles publiques, ils seraient persécutés, que cela se sache et qu’on laisse faire, que l’antisémitisme puisse s’exprimer un peu partout scandalisait Brian. Après la deuxième guerre et ses atrocités, on permet ces manifestations de haine dans les écoles, sur les réseaux sociaux. S’il avait été juif, la colère de Brian contre le laxisme de la France aurait été ingérable. Il ne l’aurait pas supporté. Il aurait quitté le pays, pour Israël, les Etats-Unis, l’Asie peut-être.

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19 novembre 2017 7 19 /11 /novembre /2017 17:34

Quand on aime, ou qu’on est aimé, ou désiré, c’est toujours pour un intérêt, une ou des qualités. Un texte de Pascal célèbre montre que si on ôte toutes les qualités, il ne reste rien. Le substrat nu est identique en tous les hommes. On est donc attiré par la beauté, l’énergie, la sensibilité, l’humour, le mystère, la sexualité, toujours pour un ensemble de motifs. Il n’y a pas d’amour désintéressé. Dans le règne animal, la sélection est basée sur la reproduction. Chez l’homme c’est plus complexe, mais lié tout de même à des critères sélectionnés par l’évolution. Les femmes sont attirées par la vivacité, l’intelligence, l’humour, pace que ce sont des indicateurs d’une aptitude à survivre et à protéger une descendance, plus que la stupidité, l’apathie et la mollesse. Ce n’est donc pas par le Soi qu’on est attiré chez l’autre. Le Soi fonde la valeur, la permet, mais c’est le moi incarné et singulier qui fait la valeur individuelle. Ce qu’on aime justement, ce sont des qualités, pas un principe impersonnel et neutre. Sinon, les hommes seraient attirés par toutes les femmes, et les femmes par tous les hommes. Sans distinction. C’est contre nature.

 

Parfois, Dominique le décevait, il répondait à côté, sans comprendre, et quand Dominique le décevait, c’était vraiment pénible. Brian n’avait plus personne à qui s’adresser.

Il remarquait tout juste son absence de sensibilité littéraire. Tant pis, Brian le laisserait à sa physique froide et sans âme.

 

Il repartait dans ses ruminations, ces non-dits, la meute humaine l’énervait. On parlait de faux et de vrais résistants. Mais où étaient les vrais résistants pour défendre les femmes tondues à la libération ? C’étaient donc, pour ceux qui n’étaient pas intervenus, des ordures ou des lâches.

 

On voyait des émissions de TV réalité ou des bodybuilders aux muscles hypertrophiés culpabilisaient des gros pour qu’ils maigrissent. Mais pousser de la fonte 4h par jour, et s’y épuiser pour avoir des membres disproportionnés est tout aussi morbide et pathologique.

 

Sur Charlie Hebdo, c’était usant à force d’avoir à les justifier. On peut critiquer l’Islamisme mais aussi l’Islam, comme le Bouddhisme, Spinoza ou Schopenhauer. Quand ils tapaient sur les cathos, ce n’était pas sur les intégristes, c’était sur tous les cathos. Si on considère qu’il faut éviter de blesser la sensibilité des croyants, on en vient à ne plus pouvoir critiquer une doctrine, et puis pourquoi pas un livre, un film, un mouvement, une émission populaire. Se gausser des « Chtis », de Koh Lanta ou d’Hanouna, serait offensant pour leurs millions d’adeptes. Et alors ? Depuis quand le nombre est le gage de la qualité ? Comme le traitement médiatique infligé à Robert Redecker était lamentable (on l’accusait d’avoir provoqué la fatwa), reprocher à Charlie Hebdo, un journal satirique, de choquer, alors que c’est sa fonction, qu’il est là pour ça, ou réveille, aller à contre-courant, c’est absurde. Et on ne peut dire que ses journalistes sont partiaux avec l’Islam puisque bien au contraire, ils se censurent à outrance, et sont à mille lieues de se permettre avec cette religion ce dont ils étaient capables avec les cathos ou les Bouddhistes. Ce qui signifie que la pression émanant des milieux musulmans est bien réelle en France et contraint les journalistes et écrivains, y compris les plus libres. Il y a un problème de liberté d’expression avec cette religion, dans le monde et en France. On doit pouvoir considérer que, tout comme la Bible, les vedas, le tao te king ou le shobogenzo, le Coran est un tissu d’âneries écrit par un charlatan, si on le souhaite, et pouvoir le dire.

 

Il y avait aussi l’affaire Weinstein, puis Kevin Spacey, qui ravivait celle de Polanski. Les deux premiers s’étaient conduits de façon lamentable, mais tout le monde était au courant. Comme pour le peuple allemand coupable de sa docilité et de sa soumission envers les leaders nazis, l’entourage de ces célébrités participait de la lâcheté commune. S’en prendre exclusivement à eux, dans une sorte de lynchage médiatique, quand en plus on sait que la plupart des hommes au pouvoir agissent ainsi, c’est hypocrite. Il y a une sorte d’acharnement.

Quant à Polanski, c’est bizarre tout de même. On ne parle déjà presque plus de l’affaire Strauss Kahn. On sait que des mafieux obligent les femmes à se prostituer, les vitriolent ou menacent leurs familles si elles résistent, on sait que des viols collectifs sont commis par des types qui vont prendre 6 mois de prison, et que suite aux pressions, c’est la victime qui va devoir changer de logement, et on se focalise sur un artiste qui vécut des drames terribles, pour un acte commis il y a 40 ans, dans le cadre de mœurs aux normes différentes de celles que nous connaissons. N’y a-t-il pas un processus de bouc émissaire, ici ? Ne faut-il pas historiciser, et s’occuper des violences actuelles, beaucoup plus glauques, et qu’on ne veut pas voir ?

 

Il était temps de repasser à l’action. Trop d’atermoiements. Reprendre contact avec le Monstre et buter Laurent Jolloré. Si Brian impressionnait le Monstre en maison de correction, et toujours, pour des motifs variés, il était le moins fort désormais. Pour combattre, Brian se servait de son énergie, importante, et d’une synthèse perso entre aïkido, karaté shotokan, kyokushinkaï et différents apports extraits de stage en boxe française, shorinji Kempo, wing chun, lutte et JJB. Le Monstre, lui, n’avait pas besoin de tout cela. Il était efficace tel qu’en lui-même. Il était monstrueusement fort et dangereux, d’une puissance quasi sans limites, préfiguration originale des mutations à venir. On sentait que, tel le criminel protégeant Dostoïevski dans « Souvenirs de la maison des morts », sa décision prise, rien ne pourrait l’arrêter. Il pourrait presque tout, à condition qu’il le désira.

Il y aura toujours plus fort que Hulk, mais Hulk restera, aussi, quelque part, le plus fort, susceptible de dégager toujours davantage d’énergie.

Le Monstre s’était retiré des hommes et vivait isolé, comme s’il était un esprit de la forêt, un kami, puisant son aura à la source inépuisable de la Nature. Brian avait besoin de lui. Il l’aiderait à anéantir le Mal.

Peut-être tout recommencerait alors. Non le retour à un âge d’or fantasmé, mais à un équilibre des forces. Jouets de la Nature, du Tao, de l’Atman, ils apporteraient le correctif nécessaire au maintien du monde, et ce faisant, l’empêcherait peut-être de sombrer dans une phase de chaos, et d’évoluer véritablement. Ils seraient alors, comme dans Matrix, les virus nécessaires au système, croyant lutter contre et le renforçant en y apportant des modifications légères. Ou alors ils seraient de véritables révolutionnaires, amenant un changement décisif, une nouvelle conscience des problèmes et des phénomènes. L’Avenir s’écrirait, imprévisible et à construire, ou déjà là à attendre d’être déroulé. Qui le savait ?

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16 novembre 2017 4 16 /11 /novembre /2017 21:51

 

Brian avait écrit un récit de voyage entre Saint Malo et Londres, dans le genre Bouvier/Kerouac, mais il n’était pas satisfait de l’œuvre. Par contre il avait foi en son premier livre « carapace » publié sous le pseudo Lawrence King, dont il avait écrit une première mouture à la 3ème personne, puis tout refondé à la 1ère. Il y projetait une adaptation hollywoodienne. C’était réalisable. Une grande épopée. Genre Lawrence D’Arabie, soyons fous. Il y avait tout pour ça. La complexité du narrateur, l’enfance rêveuse et introvertie, l’adolescence décalée, violente, la découverte de la poésie, la quête identitaire, l’internat, la maison de correction, le lycée pro, l’armée en unités d’élite, l’alcoolisme, la lecture, l’écriture, la reprise d’études, les arts martiaux et le combat, les séjours en temple, monastère, forêt, la fac, la psychanalyse, les petits boulots, les rencontres, la critique radicale des institutions, de l’armée, de l’école, des éducateurs, des psy, des religions, des mouvements philosophiques, du travail, la solitude, la souffrance et la rage d’exister, comme dans une chanson des Guns Roses ou de Bowie. Bref, une grande œuvre.

 

Pour le moment, il pensait à Dominique. Dominique lui avait dit qu’il connaissait beaucoup de changements dans sa vie et ça inquiétait Brian. Il lui en parlerait. Et il devait avancer avec Maria. Les émotions l’avaient ouvert mais il ne pouvait rester bloqué sur elle, son esprit fixé. Et c’est ce qui arrivait. Pourquoi elle ? Le physique ? Bien sûr on est attiré par le physique d’abord, mais la première impression est souvent trompeuse. On flashe sur quelqu’un et plus on le connaît, plus on s’en détache. Ou bien on finit par s’attacher, par ne plus penser qu’à un être dont l’apparence nous a parue quelconque et ne nous a pas intriguée au départ. Donc  ce n’était pas la beauté, ou pas seulement, qui importait. La beauté pouvait laisser froid et indifférent émotionnellement. Ca passait par le physique mais ce n’était pas le physique. C’était ce que le physique dégageait, exprimait, l’âme, l’énergie, la personnalité, les qualités, l’être profond. Son esprit s’était bloqué sur Maria. Il avait cristallisé. Il vivait avec la croyance qu’il n’y avait plus qu’elle, et plus d’intérêt à vivre en dehors d’elle et sans elle. Mais l’amour produisait cette illusion à chaque fois, et ce n’était pas vrai. Les femmes et les propositions affluaient, comme d’habitude. Il n’avait qu’à repartir et en disposer. Il contacterait Maria, puis il reprendrait sa route, avec ou sans elle, plutôt sans vu les circonstances. Il avait  failli crever 100 fois, les mains gelées en stage commando chez les chasseurs alpins, accrochant son parachute en sortant de l’avion, le flingue à la tempe, le couteau sous la gorge, et il avait survécu. Il survivrait encore et se vivifierait.

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 19:26

Les conversations avec Schonberg lui manquaient. Elles étaient souvent loufoques. Brian se prenait au jeu.  Son ami  et lui discutaient souvent des extraterrestres, et développaient leurs théories.

« Ils viennent du temps par une technologie avancée qui leur permet d’exploiter les trous de verre et de courber l’espace-temps ».

« Ils sont les descendants d’un royaume perdu comme celui des atlantes qui vivent dans les fosses marines à 8000 mètres de profondeur ».

« Il est possible que les ET contrôlent notre monde et nous plongent dans l’illusion comme dans Matrix (voir chap 27 de ma thèse delirium tremens) ».

« Je regardais les étoiles en fumant, j’ai vu des trucs chelou au-dessus des arbres. Une sorte d’oiseau lumineux et un point scintillant évolutif. J’ai eu limite peur. »

« On n’est pas habitué à scruter les étoiles longtemps la nuit, mais quand on s’y attelle, y a des choses bizarres tout de même. »

« Un Univers en 2 dimensions comme hologramme géant donnant l’illusion de la 3D s’accorde mieux avec la physique théorique. Ca ouvre bien des perspectives. N’est-ce pas, cher confrère ? »

« J’ai résolu l’énigme de la puissance universelle : abn+6ö=2 »

« La théorie des OSNI est vraiment bonne. Ca explique aussi les faux mégalodons de 40m qui sont en fait des submersibles. »

 

Brian n’était plus Chrétien mais il savait argumenter. A propos de l’existence du Diable que défendait Schonberg, il disait :

 «  Puisque dans le monothéisme, il n’y a qu’un Dieu, créateur de tout, qui sait tout et tout puissant, le Diable, s’il existe, serait créée par lui, donc aussi à son service, donc pas autonome. Considérer que le Diable n’est pas créé par Dieu, c’est du blasphème, et si Dieu est tout puissant, il peut le détruire à tout moment. Prétendre que le Diable est aussi fort que Dieu, force autonome, c’est de l’hérésie. Le Diable est une croyance païenne issue du manichéisme. »

 

Comme son ami était évangéliste, laxiste mais évangélique tout de même, Brian le chambrait.

« C’est bien que ta copine soit old school, pas l’amour avant le mariage, comme ça t’es en accord avec ta foi ».

« Prendre comme modèle un type qu’est mort puceau, ça aide pas pour se désinhiber ».

 

Lorsque son ami lui avait dit « Le ciel est le sens de la vie », Brian avait répliqué «  si tu vas au ciel, c’est que t’es mort. Ca peut pas être le sens de la vie. Cqfd ».

 

Ils échangeaient sur l’actualité politique.

« Cheminade c’est pas mal pour les martiens. Y a Asselineau qui tape sur la CIA aussi. Et Lassale pour les cinglés. »

« Ma lampe s’est encore explosé. C’est une lampe Daech ou la faute à Macron ».

« Voilà où mène la philosophie. C’est bien la peine. Macron président aidé par Satan, moi pur mais à la plonge. »

 

Lorsque Schonberg lui donnait les références de sites extravagants, Brian se moquait gentiment. « T’es pote avec un philosophe et écrivain rigoureux et tu vas te perdre sur des sites d’allumés foireux, c’est presque blessant. »

« Ils sont tous comme ça les évangélistes. Cet administrateur  est fou à lier. Heureusement toi tu as une femme médecin, tu peux te faire soigner à domicile. »

 

Terminons sur la description d’un fantasme quand ils rêvaient d’avenir. Schonberg « J’ai créé mon entreprise en Chine, j’ai conquis le marché chinois, puis mondial », Brian « J’habite à San Francisco, j’ai fondé la technology’s new philosophy, je déjeune avec Bill Gates, et j’ai changé de nom pour Lawrence King. »

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 16:07

Brian devait beaucoup au yoga et à la danse.

Lors de crises d’angoisse intense, que des anxiolytiques de plus en plus forts ne calmaient pas, il avait décidé de suivre les exercices d’un Dvd de yoga. Son angoisse déclina, ses attaques de panique furent endiguées. Il s’inscrit dans un club à Niort, dont la prof ne le laissa d’ailleurs pas indifférent, pour améliorer ses postures et se socialiser. Cela lui apporta, mais un poste de remplacement comme prof de philo en Bretagne, à Dinan, au lycée « La Fontaine des eaux », joli nom, l’obligea à quitter ce club. Il continua de temps en temps la pratique solitaire, et retrouva un enseignement sur Poitiers, interrompu à nouveau par un accident. Il pratiqua aussi dans son fief, seigneur discret, à Saint-Malo. C’était plus facile en groupe, soutenu, entraîné. Seul, le yoga confronte à ses démons, peurs et obsessions, et la détente finale, où on s’expose, allongé, ouvert, sans défenses, qui apporte peut-être le plus est aussi ce que redoutait davantage Brian. Il s’y était cependant remis. Il avait sa routine. Il alternait course, muscu, taiso, yoga et danse. Il se plaçait, centré, s’échauffait avec du Qi Gong, puis se contorsionnait, s’élançait, saluait le soleil ou la lune. Il terminait parfois l’enchaînement par une méditation. Il aimait aussi nager en mer l'été, même s'il avait peur des requins. Les requins, c'est comme des gros chiens, pas méchants, affectueux, mais quand ils veulent s'amuser et te goûtent, évidemment ça fait pas le même effet.

                                    

Et puis il y avait la danse, toute une histoire. Herman Hesse, avec « Le loup des steppes » l’avait poussé dans cette direction. On y rencontre le personnage principal, le « loup », intelligent, cultivé, solitaire, désabusé. Lors d’une sortie, une femme vient vers lui, et lui dit qu’il est blasé, croit avoir tout vécu, mais un truc aussi simple, danser, il ne le fait pas. Brian s’était identifié au personnage. Il s’était dit « moi c’est pareil ». Tout le temps, quand des femmes l’invitaient à danser il n’y allait pas. Malgré les années d’arts martiaux, il n’était pas à l’aise avec son corps et une gestuelle différente de la martialité et du contrôle. Alors, il s’était inscrit à un cours de danse de salon. Il n’avait pas trop accroché en fait, s’était trouvé un peu ridicule, mais il y était allé. Il avait évolué, s’était ouvert.

Et puis, des extraits de films où un personnage dansait le touchaient. Ainsi, dans « Timbuctu », un djihadiste qui n’a pas étouffé toute sa sensibilité montre un des rares moments d’humanité quand il se met à danser. Dans le film « Le locataire » de Kim Ki Duk, le personnage principal est un instant enfermé dans une cellule. Il se met à danser. Il se libère de l’endroit. C’est très beau.

Brian avait tenté quelques mouvements, hésitants. Il avait besoin de cours. Il avait essayé la « biodanza », trop sectaire pour lui, la danse contact, avec un aspect intimidant. Ce qui l’avait le plus débloqué, et inspiré, c’était la danse gaga, fondé par l’Israélien Ohad Naharin.

La danse contemporaine le déridait, plaisait à son corps. Comme les arts martiaux, le yoga reste un système contraignant. Dans la danse, on peut créer n’importe quel mouvement, c’est la liberté. La seule limite, c’est le corps et ses possibilités. Alors Brian dansait.

Il se mettait en caleçon, ou nu, et se libérait, sautant, plongeant, se ramassant au sol, s’étirant, esquissant des pas improbables, se fixait, puisait dans l’aïkido, le karaté, le yoga les mouvements gaga quand il avait une panne, et reprenait l’improvisation. Il planait, communiquait avec les esprits, son esprit, le Cosmos, les étoiles. Il était un chaman en communion avec l’Univers, qui se livrait à une danse rituelle et sacrée venue de lui et d’on ne sait où.

Parfois l’élan se brisait. Son père l’avait appelé récemment, et il avait été brisé dans sa course. Il s’était senti surveillé, regardé, évalué, jugé. Il s’était éprouvé, de nouveau, comme ridicule. Le surmoi destructeur, l’œil du Diable était revenu et l’écrasait.

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 16:02

Cette attraction avec Maria le changeait, mais le minait. Il reprit des vocalises, un soir. Il avait arrêté. Puis il lut des textes. Sa voix avait changé, plus tendre. Il fut surpris. Il pouvait mettre du rythme, des intonations qui modifiaient son ancienne diction monocorde. D’habitude, il ne parvenait pas à rendre à l’oral l’émotion qu’il ressentait quand il lisait. C’est comme s’il n’avait plus peur d’exprimer ses  émotions, sa vraie personnalité, sa sensibilité dont il s’étonnait par ailleurs, comme si s’exposer tel qu’en lui-même n’était plus psychiquement suivi de l’idée d’agression.

 

Il avait hâte de parler avec Dominique. Lui seul pouvait le guider. Dominique était psy, et il était l’unique psy qui avait été crédible pour Brian. Il était à la hauteur intellectuellement, plein de compréhension sur les émotions, avait eu un parcours avec des coups durs et des similitudes avec Brian. C’était un guerrier presque apaisé. Sans lui, Brian se serait sûrement tué. Il était le seul avec qui vraiment parler, se livrer, qui l’écoutait sans le juger. Dominique lui avait amené à comprendre les raisons de son itinéraire, le cycle de la violence. Il lui avait servi de « témoin secourable ». Il lui apportait de la tendresse, de l’affection, une présence. Ce ne suffisait pas bien sûr. Les femmes apportent quelque chose que les hommes n’apportent pas. Elles ont pourtant le même cerveau. D’où vient, mis à part sur le plan sexuel, que la chaleur humaine et émotionnelle qu’elles dégagent leur est propre, qu’elles nous complètent ? Est-ce une question d’onde ?

 

Pourquoi est-on si déprimé lorsqu’on a un chagrin d’amour ? Shopenhauer aurait-il vu juste ? Son œuvre anticipe celle de Freud avec l’importance du refoulement et du sexe, mais aussi celles de Darwin et de Dawkins avec l’idée qu’on est attiré par une personne biologiquement compatible, et qu’en fait, dans la séduction, nous sommes le jouet de la nature. On recherche un partenaire avec lequel on produira la meilleure descendance possible, doté d’une combinaison génétique optimale. On ne choisit donc pas d’être amoureux. Il y a des déterminismes économiques, sociaux, ethniques. Il faut tout d’abord se rencontrer pour s’aimer, et partager quelques codes communs. Ensuite, il y a l’inconscient. On est attiré on ne sait trop pourquoi par quelqu’un, en vertu d’associations d’idées, de motifs qui nous échappent. Brian appréciait le texte de Descartes sur la fille qui louche, très clair à ce sujet. On présente Descartes comme le philosophe de la conscience, mais, avant Leibniz, il dévoile néanmoins l’existence de l’inconscient. Descartes y raconte que jeune homme, il avait une prédilection pour les filles qui louchent, ce défaut rehaussant leur charme d’une particularité. Elles lui étaient sympathiques. Or, il se souvint que son premier amour était affecté de ce problème (mais ce n’était pas pour cela qu’il l’aimait), et par conséquent, il l’associait sans le savoir chez toutes les femmes concernées à cet amour d’enfance. A partir de cette prise de conscience, il mit fin à cette association et s’en libéra. On peut le regretter ou pas, selon qu’on louche ou pas.

Enfin, il y a le physico-chimique, l’aspect, la vivacité, la façon de bouger, de s’habiller, la voix, l’odeur. Ca c’est la nature. Et si nous désespérons lorsque nous loupons la complémentarité, c’est qu’il s’agit de quelque chose de plus fort que nous, c’est qu’en nous, c’est la vie, l’espèce qui a perdu l’occasion de se reproduire, et qui nous laisse complètement abattu et amorphe. Le but n’a pas été atteint et tout nous paraît vain.

Autre idée puisée dans Schopenhauer, sans le sexe, le couple ne serait pas tenable. Tolstoï a repris cette thèse et l’a remaniée dans « La sonate à Kreutzer », s’inspirant de sa vie par ailleurs. On ne cesse de se déchirer, de se réconcilier par le sexe, puis de se déchirer, de se réconcilier par le sexe, incessamment. Seul le sexe maintient le couple. Y a-t-il possibilité d’atténuer les conflits entre 2 coïts ? Ca ne l’était ni pour Schopenhauer ni pour Tolstoï en tout cas. Et pour Brian, ça restait à développer. Freud écrit que pour éviter la surestimation sexuelle, faut coucher. Bander pour l'éternité, voilà une belle utopie!

 

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14 novembre 2017 2 14 /11 /novembre /2017 20:05

Brian travaillait sur des thèmes qui n’obsèdent que des esprits bien particuliers. Ainsi il se demandait comment concilier la durée créatrice, la création d’imprévisible nouveauté, donc le libre arbitre, la non spatialisation du temps, chers à Bergson avec l’espace temps Einsteinien et le déterminisme d’un Univers dans lequel Dieu ne joue pas aux dés. Encore, comment un acte libre est-il possible dans le cadre d’un monisme matérialiste ?  Ou bien   comment développer des individualités fortes, singulières, dans un monde où l’imitation par les neurones miroirs est formatrice, essentielle, où l’intersubjectivité nous précède et nous pousse à la grégarité, à la soumission et au conformisme (expérience de Milgram). ? Comment permettre aux gens d’être moins influencés par les groupes, et plus créatifs et plus libres ?.

 

Il progressait sur le plan spirituel. Ses obsessions ne le travaillaient plus autant. Il s’éveillait. Pas encore libre, pas encore dépris des liens qui l’enserraient, faussait son être, son intégrité, mais il se trouvait. Plutôt que toujours fuir, chercher si « la misère est moins pénible au soleil », il pourrait peut-être se rassembler et partir de lui-même.

 

Il vivait des émotions qui font accéder à un autre niveau de conscience, qui pacifient, réconcilient, guérissent les blessures et laissent une empreinte profonde. Les rencontres, mais aussi les livres, les films font ça parfois. « Breathless », dans une moindre mesure « Birdman », « A beautiful day », l’avait ainsi saisi et connecté avec des parts d’intériorité enfouies, enfuies, en lui-même.

 

La peur de voir horreur, mépris, pitié ou rejet dans les yeux des femmes, d’où venait-elle ? Qui l’avait regardé comme ça en premier, et projeté cet horizon destructeur sur le reste de sa vie, si ce n’était sa mère ? Cette impression s’atténuait.

 

Il éprouvait le regret de toutes les rencontres manquées, y compris d’avoir négligé des femmes qui ne l’attiraient pas sur le moment. Le choc était rude en retour. C’était comme Zampano dans la « Strada », comprenant à côté de quoi, de qui, il était passé, par sa faute, et pleurant l’affection perdue. Et il en avait beaucoup des Gelsomina, Brian. Il avait repoussé, s’était montré indifférent à la plupart des femmes qui s’étaient intéressés à lui, ne les avaient pas vraiment vues. Il était prisonnier d’un monde trop violent. Celles qu’il aimait, celles dont il était aimé, il y avait trop d’obstacles. 

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