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21 août 2018 2 21 /08 /août /2018 20:40

Dans un bar, Brian rejoignit une connaissance américaine, un peintre dont l’essentiel du temps était concentré sur le jeu d’échecs, ce qui traduisait peut-être une forme de folie obsessionnelle, Ca lui évoquait « La défense Loujine » de Nabokov. L’américain lui avait demandé son avis sur un texte qu’il écrivait où il associait la peinture avec Deleuze et Bergson. Il désirait remettre du mouvement, du temps pour ainsi dire dans ce qui était figé par essence. Comment s’y prendre ? Cette fois, il lui demandait son avis sur ce que pouvait l’art contre le mal. Ils échangèrent sur ce thème quelques heures. Brian lui exposa son pessimisme structurel, sa croyance en quelques rencontres amicales bénéfiques, mais son scepticisme sur un véritable progrès moral de l’humanité. L’histoire lui donnait, O combien, raison. Il avait vu un documentaire sur Arte la veille, centré sur l’histoire d’un officier russe méconnu, Stanislas Petrov, qui avait désobéi au protocole et évité une troisième guerre mondiale et nucléaire. Cet homme, toujours vivant, pensait qu’un jour ou l’autre, une bombe serait utilisé. C’était aussi l’avis de Brian. Si avec cinq pays sur cinquante ans, on avait échappé de peu plusieurs fois à la catastrophe, à « Stalker », comment, sur cinq cent ans, l’éviter quand cinquante pays auront la bombe ? C’était peut-être ce qu’avait prévu la Nature. Elle avait tâtonné pour créer l’homme, avait tenté un essai, mais comme le propre de cette conscience réfléchie, c’était la folie, et le fait qu’elle ne se supportait pas elle-même, que la conscience de soi n’aspirait qu’à se délivrer de la conscience de soi, par tous les moyens, travail, sport, loisirs, jeux, alcool, drogue, religions, pratiques méditatives, sommeil, eh bien c’était la preuve manifeste que cette conscience réfléchie était une erreur, que la créature qui en était pourvue ne pouvait pas l’assumer, et comme en plus elle provoquait des monstruosités sur sa propre espèce et le monde, elle s’autodétruirait. Eh bien, très bien ! C’était triste pour les enfants, pour les hommes sympathiques mais ,de toute façon, tout le monde souffrait. Il suffisait de s’attabler à une terrasse de café et d’observer les gens défiler pour prendre conscience de l’affliction inhérente au fait d’être un homme. Ce n’était pas une bénédiction d’être incarné dans cette forme, comme l’écrivaient les religions, mais une malédiction.

Or, la conversation avec cet Américain dévia sur Cuba. Quel était l’avis de Brian sur Fidel Castro. L’américain lui dit que les exilés Cubains à Miami était tous liés à Batista, qu’Ochoa était, comme Trotsky, un traitre. Il défendit Lénine et Staline. Brian lui parla du compte rendu de Gide après son voyage en URSS, des dissidents emprisonnés, du Goulag, de Soljenitsyne, des Allemands de l’Est qui rêvaient de l’Ouest. Et d’un coup, son interlocuteur s’emporta, et lui dit qu’il ne désirait plus parler politique. Il s’emporta, à vrai dire, violemment. Plus jeune, Brian serait entré dans le jeu. Ca se serait envenimé, et il l’aurait cogné. Mais il était blasé de tout ça. Il se contenta de dire qu’il était surpris, étonné, qu’il trouvait la réaction de l’américain bizarre, qu’il ne s’y attendait pas. Kerouac disait que si un communiste venait le chercher, il sortirait la carabine. La conversation reprit et Brian exposa son penchant pour l’anarchisme, dans la grande tradition émancipatrice américaine. L’américain lui répondit par une citation de Marx comme quoi les anarchistes n’avaient jamais rien apporté à l’histoire. Et il se lança dans un monologue barbant. Brian aurait pu lui objecter que le penchant à l’anarchisme de Tolstoï ou que Bakounine, Thoreau ou Miller avaient plutôt apporter des choses positives aux gens, sans trop de violence, et n’avaient pas cent millions de morts sur la conscience, mais l’autre était fanatisé, et ça se serait terminé en du pancrace et un massacre d’américain. Brian se dit même que la réaction virulente de l’américain était louche, qu’il était peut-être un agent de la CIA jouant la couverture communiste avec trop de conviction et d’enthousiasme. Quoi qu’il en soit, il sentit l’adrénaline monter. Ca l’énervait, ces types optimistes sur la nature humaine, qui se prétentent ouverts, qui croient en la paix universelle, et qui, communistes, anarchistes ou libéraux ne supportent pas la contradiction, et disjonctent si l’on n’est pas d’accord avec eux, sont persuadés d’avoir toujours raison, et sont même prêts à en venir aux mains à la moindre confrontation, ces êtres qui paraissent incapables de s’inclure dans la catégorie des cons et de l’erreur potentielle. Ils s’exemptent de la bêtise, et ne semblent pas conscients du ridicule de leurs positions, défendre la possibilité de l’harmonie universelle et de la paix, mais s’emporter, ne pas se contrôler si on pense différemment. Le fait même de s’emporter est déjà un signe de maladie, de dysfonctionnement, de pathologie psychique, et inquiétant, car ces gens qui prétendent que le pouvoir ne corrompt par nécessairement montrent par leus excès qu’ils seraient les premiers à envoyer leurs contradicteurs au goulag. En réalité, ils sont sans doute même moins équilibrés que les dictateurs qu’ils défendent, et ils en seraient les pions, le servile troupeau dès qu’il le pourraient. Ce sont les pauvres gens ordinaires, incapables de pensées et de prises de risques vraiment personnelles. Encore heureux pour l’américain que Brian choisissait ses cibles avec soin, et qu’il souhaitait éviter avec force une dérive totalitaire. Mais de Batman ou de Bane, quelle direction fallait-il choisir ? Il hésitait, encore.

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 22:47

« Quand le tigre descend de la montagne vers la plaine, il est intimidé par les chiens ».

Assailli, accablé par des images mentales violentes, Brian aurait aimé les extirper de lui-même. Il repensa à toute cette putain d’absurdité de la vie. Il fallait parvenir à vivre, malgré cette absurdité, trouver, créer du sens malgré cet absurde. Mais était-ce possible ? Il fallait que cette possibilité soit contenue à l’état virtuel dans un univers ordonné, d’où on pouvait extraire du sens. Après tout, comme l’écrivent les Taoïstes, comme l’écrit François Roustang, quelque chose tient, dans l’Univers, crée du lien, et une continuité à partir de laquelle on peut se projeter. Il y a une stabilité, une cohérence, une cohésion. Même si tout semble absurde, si l’humanité semble être l’erreur la plus insupportable crée par la nature, espèce qui amplifie démesurément la violence, la manipulation, la bêtise, la destruction et même la laideur.

Quelque part, Bouddha a raison. Lorsque l’on voit les gens déambuler dans la rue, on a l’impression qu’ils portent tous un fardeau trop lourd à porter, qui les tasse et leur impose un masque de souffrance. C’est un spectacle affligeant, pathétique et triste. Seuls les jeunes hommes et les jeunes femmes y échappent un temps. Après, c’est vraiment la vieillesse, la souffrance et la mort. Il vaut mieux s’éloigner ou fermer les yeux, échapper à tout ça. Mais les habitants des contrées les plus reculées sont parfois des créatures effroyables, tant au physique qu’au moral. On est dans « La Colline a des yeux » ou dans « Délivrance ». Finalement, la seule chose qui peut permettre de tenir le coup, c’est l’amour et les rencontres amicales. Mais quand l’amour manque, ça ne sert plus à rien de lutter, on lutte pour rien, juste pour tenir ou alors on lutte pour l’amour à venir. Pourquoi les gens, dans leur malheur, tiennent le coup ? Dans l’espoit d’une accalmie un jour, de l’amour, d’une rencontre, du bonheur, d’un peu de sérénité. On sait bien que cet espoir sera pour la plupart déçu. « Les hommes meurent écrit Camus, et ils ne sont pas heureux ». Quel scandale. Savoir qu’on n’a pas plus d’importance pour l’Univers qu’une fourmi, souffrir bien davantage, et continuer quand même ? Par peur de la mort et que tout soit fini ? Rien de plus déprimant que « tant qu’il y a de la vie, y a de l’espoir ». La mort vient rapidement, pour tous et pour l’éternité, et alors, avec ça, mort, plus d’espoir hein ? Plus de rencontres ,plus d’activités, plus de projets, plus d’amour, plus rien ? Eh quoi alors ?

Vive la superficialité, l’ivresse, le shopping, et la bêtise finalement. Comment supporter tout ça, autrement ?

Comme l’écrit Tolstoï, reprenant les Stoïciens, si la vie est trop insupportable, il y a mille portes de sortie pour une porte d’entrée. Mais il écrit aussi que les trois dernières semaines que l’on ne vivrait pas si l’on se tuait auraient peut-être été celles qui auraient tout expliqué, tout récapitulé, tout justifié. Alors on espère cela, on le ressent plus ou moins, et on tient pour et par cette croyance, avec l’espoir de la vérification d’une hypothèse.

 

Brian repensa à la petite Coréenne croisée trois mois plus tôt lors du festival de danse. Cette jeune prof de danse avait quelque chose de spécial, son physique, son regard, sa présence, jusqu’à sa façon de s’habiller. Il avait eu une sorte de coup de foudre pour elle. Allait-il s’envoler sur un coup de tête et partir la rejoindre à Séoul ? Une nouvelle vie là-bas, loin des exploits et de la violence ?

Amour impossible ou impossibilité de l’amour ? Tragédie non comique avec issue ? C’était si rare pour lui de rencontrer des femmes pour lesquelles il ressentait attirance physique immédiate et sentiments, une femme qui le touchait et avec qui il avait envie d’être. De par le monde, tellement de femmes sans attraits, et tellement de jolies filles creuses et sans charme, qui lui étaient complètement indifférentes. Et parfois, une belle apparence avec une aura, un regard et une présence, qui émergeait et était là. Et la vie sans l’émergence de cette perle semblait vaine. Pourtant de ces rencontres, que resterait-il mort ? Quels souvenirs, quelles traces, quelles émotions ? Quelle conscience ? Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark !

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22 juillet 2018 7 22 /07 /juillet /2018 20:45

Brian revit Clara lors d’une soirée. Ils parlèrent de Tarkowski, de Sylvain Tesson, de François Cheng, dont il connaissait les œuvres bien mieux qu’elle. Ils se séparèrent et elle ne lui dit pas au revoir. Quel dommage que cette fermeture. Clara devait beaucoup souffrir pour être si dure, et ne pouvoir se laisser approcher et aimer, comme si elle cachait quelque chose. Ils ne pouvaient se rencontrer car ils étaient deux dragons, en quête d’apaisement. Ils étaient réellement comme deux âmes sœurs, deux esprits frères, et ils devaient tous les deux chercher quelque chose qu’ils ne pouvaient s’apporter mutuellement.

Et Brian rêva. Rêve, répétition, et digression de Brian où il s’appelait Lawrence.

 

« Quelle a été la première sensation, le premier sentiment de Lawrence ce matin ?

 Au premier pas hors du lit, Lawrence ressentit un certain désappointement, un vertige. Ca lui arrivait souvent en ce moment. Conséquence d’abus bien réels ou symptômes d’un profond bouleversement ? Il lui fallait cesser de s’accrocher à l’image d’une femme en lui, et surtout accepter le fait qu’elle n’était en définitive qu’une illusion. Il aimait paradoxalement une femme qui ne l’attirait pas. Depuis six mois.

Au deuxième pas, il vacilla et s’écroula. Il savait que des émotions extrêmes peuvent couper les jambes, mais tout de même ça le surprit.

Lors de la chute, il n’eut même pas le réflexe de se servir de ses mains pour se protéger, pour ne pas se blesser. Il s’en foutait. Il resta un moment allongé, sur le sol, froid.  Il regardait le plafond, les murs, tout offrait une perspective différente. Cétait peut-être vrai qu’un simple changement de position pouvait tout revouveler. Il suffit d’un geste, comme l’écrit François Roustang. Il était bien, au sol, moins assailli par ses pensées et obsessions, presque en transe sans effort à livrer.

Quand Lawrence pourrait-il se laisser approcher ?

Lorsqu’il se releva, il se dit « j’ai le même nom que Lawrence d’Arabie mais j’aimerais me débarasser de son excédent de surmoi. Il m’a mené à bien des déserts, aussi. Les carapaces sont difficiles à fissurer, et c’est la seule voie vers la vie, mais l’enfer attend celui qui y parvient. Alors on découvre que la vie est souffrance insupportable et on s’en forge une nouvelle. »

En marchant sur la corde, il risquait à nouveau une chute plus radicale encore. Mais pas d’alternative. Vivre maintenant ou mourir. Fini la période du loup des mers, du loup des steppes, du loup stoïque, de Mishima la lame plantée dans le ventre, il redevenait humain, un samouraï en pleurs, las de la violence et des armures, un guerrier des monts Wudang qui prend conscience que la femme aimée a plus d’importance que le Taoïsme abstrait. Lawrence dansait, il s’envolait.

Mais en s’envolant, même en s’envolant, il restait prisonnier, bloqué dans un entrelacs de formes trop contraignantes, trop contraires à la vie et à la liberté. L’effort à fournir était trop considérable. Et la voie du non effort réclamait des maîtres qui lui manquaient. Trop d’erreurs, trop de regrets. Et tous les Roustang, Yalom ou Alice Miller n’y pouvaient rien. Les racines du mal étaient trop ancrées. Il fallait se jeter dans le vide et tout risquer. Peut-être surferait-il sur les ondes, comme les physiciens quantiques en laissaient la possibilité. Ou pas.

 

Le dragon a-t-il besoin du ver, le ver a-t-il besoin du dragon ? Résigné comme le ver, obstiné comme le dragon, un dragon que seul l’amour peut apaiser.

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29 juin 2018 5 29 /06 /juin /2018 22:13

Les problèmes avec Clara poussèrent Brian à s’interroger sur ce qu’il pouvait donner aux femmes. Du sexe, de la tendresse, de l’attention, de la culture, de l’aventure et du mystère, mais pour ce qui est de la sécurité et de la stabilité, eh bien c’était pas ça. Il était artiste dans son genre, pas banquier. Elles aimaient coucher avec les artistes, mais vivaient avec les banquiers.

 

C’était inévitable mais Brian revit encore une fois Clara. Dans un cours de danse, encore. Il la regarda et essaya de comprendre ce qui était devenu une obsession. Il la trouvait belle, oui, mais pas tant que ça. En fait, elle n’était pas son type, et il ne l’était pas non plus. Elle ne riait, souriait jamais à ces propos, ses gestes. Il ne la touchait pas. Il lui était sans doute même antipathique. Et elle, eh bien, il faut reconnaître qu’elle avait un charisme particulier, du magnétisme. En sa présence, rien d’autre n’existait plus. Elle aimantait, mais n’était pas aimanté. En continuant à la scruter, il s’aperçut que son corps lui-même ne lui plaisait pas tant que ça, qu’elle était vraiment comme Odette, qu’il s’était perdu pour une femme qui n’était pas son genre. Mais elle le fascinait. Il était comme hypnotisé. Et  il y avait son inaccessibilité, qui lui était incompréhensible du fait de leurs intérêts communs, inaccessibilité pour lui seul, et ça l’avait rendu dingue. Elle avait aussi un côté dominatrice, autoritaire, qui devait réveiller un aspect maso chez lui.  Elle exhalait la confiance en soi, mais aussi le narcissisme, comme si tout devait tourner autour d’elle. Elle prenait, mais ne donnait pas. Il en avait été malade, physiquement, émotionnellement malade. Le paradoxe, c’est qu’il était amoureux d’une femme qui ne l’attirait pas, ou qui l’attirait, mais sans plus. Mais elle sortait, elle sortait, et lui était hostile, le fuyait, pour des raisons mystérieuses. A se taper la tête contre les murs. En fait, quelque chose en lui déplaisait à Clara, et il était vain de chercher à élucider tout ça. La mort dans l’âme, il renonçait. Il ne s’intéresserait plus à elle, ne suivrait plus ses travaux. Il se désintoxiquerait de cette femme fatale, la plus dure à son égard qu’il ait jamais rencontré, une dureté tellement mystérieuse qu’il n’avait cessé de la justifier, de s’illusionner, d’espérer, et d’attendre. Six mois de doutes, d’appels et de perplexité, qui l’avaient brisé, laissé exsangue.

 

Eureka, cette femme si dangereuse, qui se prenait pour le Centre du monde, et se croyait supérieure à Ava Gardner ou Elisabeth Taylor, elle pouvait servir quand même à quelque chose. Il lui proposerait un engagement comme tueuse. Elle serait redoutable. Une vraie pro. Elle lui serait plus utile là que sur les trottoirs de Saïgon.

Enfin, elle avait été une opportunité rédemptrice et amicale formidable pour lui, et elle s’était refusée à tout contact. Il en devenait fou, fou de tristesse et de solitude. Comme Martin Eden, comm Jack London lui-même, il commençait à être perclus de rhumatismes, à avoir du mal à se mouvoir, conséquence des excès physiques. Son corps le lâchait. Comme Eden également, il voulait dormir, et ne plus se réveiller. Chaque matin, chaque minute d’éveil lui coûtait. Prostré, il désirait retourner dans le calme et le repos, ne plus rien penser, rien imaginer. Fini les rêves pour lui. Clara était une rêveuse éveillée qui accomplissait ses rêves mais avait éteint les siens, toutes espérances, tout désir, tout appétit en lui. Il ne s’enfoncerait pas la lame dans le ventre, non. S’il en était là, il ferait çà comme tout le monde, plus simplement, avec le plus de douceur possible. Quelque part, il s’était enfermé dans les livres, les théories et les mots « words, words, words » et ça l’avait empêché de vivre. Et il lui fallait retrouver la vie, il en ressentait l’urgence, ou mourir maintenant.

 

Repensant à Clara, il se dit qu’elle était à classer parmi les pervers narcissiques, assurément. Narcissique, elle l’était, O combien, et perverse parce qu’elle était indifférente à la souffrance que son comportement engendrait. Tout à la fois capable du plus grand mépris, et de s’offusquer si on ne la saluait pas quand même, comme si de rien n’était. Et c’est l’ambivalence de ses signes, de ses attitudes, qui avait désorienté Brian. Il s’était effondré. Un poison violent à extirper elle était, et comme elle lui ressemblait malgré tout, il serait dur de se désintoxiquer. Elle avait besoin d’être soigné.

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25 juin 2018 1 25 /06 /juin /2018 23:03

« Il y a plus de choses sur la Terre et dans le Ciel, Horatio, que n’en peut rêver votre philosophie. »

Clara réalisait ses rêves en reliant toutes ses aspirations, la nature, l’écologie, la coopération, la bienveillance, la spiritualité, la création artistique, la peinture, la photo, la vidéo, l’écriture, la danse, la mise en relation des personnes et des groupes, et elle favorisait les contacts humains, animaux, végétaux, relié au Tout, dans une vision Panthéiste ou Chamanique. Elle était davantage tournée vers les vies ordinaires que Brian, plus stimulé par les vies extraordinaires. Chaque vie comporte des événements, mais TE Lawrence, London, Balzac ou Von Humboldt ont eu un parcours tout de même plus captivant et ont une complexité plus attractive qu’une « vie minuscule » à la Michon. Il ne partageait pas cette mode de valorisation de la vie ordinaire. Il aimait les aventuriers du corps et de l’esprit. Clara en était d’ailleurs. Ceux-ci risquent, mais ce ne sont pas des risques tout. Ils préparent, savent où ils vont. « L’aventure est un risque que j’ai toujours cherché à éviter » écrivait Monfreid. Si Clara  préférait les types ordinaires, elle n’était pas pour lui, et il retournerait auprès d’Hélène Grimaud.

Brian réfléchit à cette volonté d’accaparement propre à l’état amoureux, mais aussi à l’espèce d’emprise masculine propre au désir de l’homme et décrit par Freud. D’ailleurs, Freud dirait que Brian surestimait sexuellement Clara, qu’il était dans une logique, plus encore que de sublimation, de surcompensation artistique, et qu’il fallait coucher pour rétablir l’équilibre. Une seule solution donc, pour ramener un peu de paix, faire l’amour ! En même temps, Brian  savait, avec Sartre, que ce qu’il appréciait aussi, chez Clara, c’était sa liberté, le fait même qu’elle lui échappait, et une fois cette liberté librement à lui aliénée, elle perdrait son charme. Et peut-être était-ce parce qu’elle savait qu’il lui avait asservi sa propre liberté qu’il n’avait pas d’intérêt, n’était pas un enjeu pour elle. Le paradoxe de l’amour, un sujet dont la liberté s’aliène librement et qui perd ainsi sa liberté, et donc la possibilité d’être aimé. Mais cela brisait Brian, ces atermoiements à n’en plus finir, et cette indifférence cruelle. Une nuit, las, il prit une cuite terrible et atterrit à l’hôpital, des années que cela ne lui était pas arrivé à cause de l’alcool. C’est, après le charme d’une entrevue avec une jeune et jolie infirmière psy, le Monstre, venu le voir, qui lui fit prendre conscience que sa Clara idéalisée était en fait froide et dure, moins humaine que ce que ses créations laissaient paraître. Elle savait qu’il souffrait, que son esprit s’était enflammé, et qu’une simple rencontre entre eux seuls aurait pu l’apaiser et lui ouvrir les portes du bonheur. Et elle se refusait avec obstination à lui ouvrir son cœur, un refus presque suspect, pathologique. Et comme le lui fit remarquer le Monstre, de guerrier à l’ancienne il se muait en lopette apathique, sa posture physique même se modifiait, il s’avachissait, et il déraillait psychiquement. Elle le détruisait. Signe de sa plongée dans l’abyme, son retour à Mishima et à sa fascination pour le Seppuku. « Le Soleil et l’acier », un dernier livre, un dernier acte, et puis Seppuku. Et un vrai, pas une simulation chorégraphique pour montrer les effets néfastes d’un excès de dureté conduisant à l’effondrement. Ca allait mal, vraiment très mal. Fallait, de toute urgence, se relancer dans l’action, se « Conradiser », se « LordJimer », et quitter le pays pour voguer vers une guérilla quelconque.

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18 juin 2018 1 18 /06 /juin /2018 20:35

Il savait que si Clara le désirait, elle pouvait l’appeler. Et elle ne l’appelait pas. Il fit quelques exercices de méditation la nuit. Il put se reprendre. Il se concentra sur sa respiration. Il se dit qu’elle n’était peut-être pas prête, qu’il n’était pas prêt, que ce n’était pas le bon moment, que peut-être elle n’était pas la bonne personne. Et il tenta de séparer l’observateur et l’observé, la conscience et ce qui défilait sur l’écran mental, les mots, les images, les associations, afin de n’en être pas le prisonnier. Ca l’apaisa un peu. Mais elle revint en images lors de la nuit, comme ses projets, son travail, et au réveil. Elle s’imposait à lui. On dit que les femmes se pâment, mais c’est lui qui était en pâmoison devant elle, admiratif, impressionné. Finalement, pour qu’il y ait amitié, il faut des forces et des vertus équivalentes. Il n’était peut-être pas à la hauteur tout simplement.

Les quelques moments où il s’était cru aimé d’elle, il avait été heureux. La désillusion était rude à chaque fois. Il rencontrait parfois d’autres femmes, qui le distrayaient de sa douleur, comme lors d’un cours de tai chi, cette pratiquante expérimentée, belle rousse, plus âgée, qui le regardait avec bienveillance, avec une attention, une présence, des yeux bleus magnifiques et profonds, un regard. A chaque fois qu’il la voyait, il se sentait un peu mieux, moins seul, regardé. Au même cours de taï chi, il y avait une petite cambodgienne, mignonne, sexy, attentionnée à son égard, aussi, qui riait ou souriait à la moindre de ses paroles ou gestes et expressions. Elle lui plaisait, à tout niveau. Mais dès le cours terminé, et pendant une bonne partie du cours également, il repensait à Clara. Il ne comprenait pas qu’il inspirât de la sympathie et du désir à toutes ces femmes, mais pas à elle, avec qui, il en était sûr, il avait des affinités profondes. Pourquoi cette distance ? Il ne pourrait y tenir, et lui demanderait pourquoi elle ne lui avait pas laissé la moindre chance d’une vraie rencontre, réelle et non virtuelle, en-dehors des échanges autour de la danse. Pourquoi celle dont il se sentait le plus proche, avec qui il partageait une sorte de mystique et de grâce, se refusait à un contact plus intime, plus réel que par écran et fugaces rencontres ? Pourquoi ne prenait-elle pas le risque ? Merde, elle lui plaisait, et sans doute il lui plaisait un peu lui aussi, alors pourquoi ?

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Published by Lawrence King
17 juin 2018 7 17 /06 /juin /2018 20:27

Habitant provisoirement la même ville, Brian et Clara ne pouvaient, de temps en temps, que se retrouver. Ainsi, Brian fut surpris par sa présence, au coin d’une rue, quand il pensait justement à elle. Il fut surpris par son émotion aussi, et contourna une voiture, en répondant à peine à sa salutation, et prenant plus ou moins la fuite. Pour une reine, il faut un roi, et il n’était qu’une sorte de chevalier. Mais un sort le poussait irrésistiblement vers elle. C’était plus fort que lui, ou c’était son vrai moi, ses émotions, qui sortaient et s’exprimaient enfin. Les vannes lâchaient. Il en était venu à s’effondrer et pleurer en pleines rues, à plusieurs reprises, ce qui ne lui arrivait jamais. Elle était comme la Gradiva de Jensen, elle était une source de révélations pour lui. Il savait qu’il ne devait pas s’accrocher, qu’elle le fuierait, et sans doute ne l’aimerait jamais. Néanmoins, un film Japonais, « Senses », l’avait fait réfléchir à ce sujet. Comme le disait un des personnages du film, il était aussi dans sa nature, dans la nature d’un homme vraiment amoureux, de l’exprimer, de le faire savoir. Car il fallait qu’elle le sache.

Brian éprouvait également une jalousie sexuelle. La perspective que Clara prenne du plaisir et donne, avec son corps, son attention et son affection à d’autres lui causait de la tristesse, et il tentait d’en supprimer les images. Il se dit alors que s’il éprouvait cela, elle était peut-être davantage qu’une amie,  potentielle, d’ordre spirituelle pour lui, que ce n’était pas non plus une question purement mécanique et sexuelle, mais bien au-delà, qu’il la désirait comme femme à part entière, dans tout son être, et qu’il ne désirait pas, alors qu’ils n’avaient jamais fait l’amour, qu’elle se donne à d’autres. C’était une jalousie dénuée de fondements, absurde puisqu’il n’y avait jamais rien eu entre eux. Mais par le corps, c’était son attention qu’il désirait capter, et il ne voulait pas la partager à ce niveau-là. De toute façon, ce désir d’exclusivité était cantonné dans son imagination, et il le resterait vraisemblablement. Mais le sentiment amoureux est toujours un peu exclusif. L’autre est tout pour nous, et on veut être tout pour lui. Là, il n’était rien pour elle, et elle était un fantasme plus ou moins réel, plus ou moins idéalisé pour lui. De toute façon, le sentiment amoureux repose toujours aussi sur une illusion, mais l’amour véritable, basé sur le respect des différentes identités, non fusionnel, existe lui. Mais pour cela, pour que les choses avancent, il fallait se rencontrer, poser les choses en face, se confronter dans le réel, et non virtuellement. Elle s’y opposait, et il ne pouvait pas décider cela seul. Et comme elle ne venait pas, il attendait, il dérivait. Malgré ses projets, la présence unique de Clara lui manquait. Il souffrait, non comme un loup stoïque, mais comme un samouraï en pleurs, lassé des combats, de l’étude et de l’armure, un guerrier des monts Wudang qui découvre, comme dans « Tigre et Dragon », que seule la femme aimée importait à ses yeux et dans sa vie, bien davantage que le Taoïsme abstrait. Et peut-être était-ce Clara, la vraie guerrière dans l’histoire, la vraie héroïne. Et lui, comme la plupart des hommes, était assez lâche. Mais elle se savait aimée, ce qui donne la Force et l’Univers.

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15 juin 2018 5 15 /06 /juin /2018 20:21

Brian revit Clara lors d’une rencontre avec un groupe de danse autour de l’eutonie. Ils échangèrent quelques mots. Il essaya d’observer ses propres réactions, sentiments, de ressentir ce qui se passait en lui, ses émotions, avec Clara. D’un côté, il avait espéré qu’elle ne serait pas là, tout en sachant que ce serait vide sans elle. Il chercha à comprendre, encore, les raisons de son intérêt. Finalement, elle était belle, mais ce n’était ni son physique, ni sa voix qui le poussaient vers elle. Une apparence plaisante comme une jolie voix, ça se déclinait par millions. Il avait pensé à son inaccessibilité, mais ce n’était pas ça non plus. D’autres femmes ne s’intéressaient pas à lui, mais elles lui étaient indifférentes et il s’en contrefoutait. Il recommencait à se détacher, à s’ouvrir à d’autres femmes, mais dès qu’il la revit,  ça le reprit et il rêva d’elle toute la nuit.

 

Le lendemain, il crut appeler une amie, et il téléphona à Clara, un acte manqué, ou réussi selon son inconscient. Il s’embrouilla et s’excusa. Il ne voyait que deux, trois possibilités à son irrésistible attraction. D’abord, sans être nécessairement complémentaires, ils étaient sur une longueur d’ondes physique et spirituelle commune, et comme c’était rare, il ne pouvait en détacher son esprit. Ensuite, il y avait sa présence. Impossible de nier que sans elle, c’était vide, avec elle, plein, que sa seule présence et son aura suffisaient à amener la vie, à donner de l’intérêt à la vie, qu’elle était donc quelque part la vie pour lui. Enfin, pourquoi Elle ? Après tout, elle ne devait pas donner cette impression à tout le monde. Il y avait sans doute une part qui lui était intrinsèque, son charme propre, combiné à une part d’inconscient qui venait de lui. Peut-être lui rappelait-elle des femmes, comme Chrystelle, qu’il avait aimées autrefois, et il en était comme aimanté. Que pouvait-il faire ? Résister ? Chasser les images mentales ? Elles s’imposaient. Peut-être son inconscient, ou des forces de vie en lui  ne voulaient pas qu’il l’oublie, ne voulaient pas qu’il fuit ses impressions et les modifications qu’elles lui apportaient.

 

Il repensa à la chanson « Tu veux ou tu veux pas ? Si tu veux, c’est bien, si tu veux pas, tant pis, j’en ferais pas une maladie ». Eh bien, elle voulait pas, et ça le rendait malade. Jamais une femme ne l’avait tant inspiré. Tout le ramenait à elle, et il y revenait malgré lui. Il avait beau essayé d’analyser, de comprendre, de prendre de la distance, elle s’imposait. Il lui faudrait méditer pour retrouver un peu de sérénité. Son amour pour elle le rendait vulnérable, et il perdait en forces ce qu’il gagnait en humanités. Ca pourrait le faire progresser pour la suite, mais pour l’heure, ça l’anéantissait. Plus rien ne comptait qu’elle, sa présence, sa compagnie. Il était amoureux. Ca passerait avec le temps. Il fallait couper les ponts, réduire les occasions de rencontres et d’échanges, écouter les conseils pour une fois. Il fallait se préserver, se sauver soi-même. Même quand il dansait seul, il l’imaginait parfois danser en parallèle, son charme en mouvement. Il aurait aimé danser avec elle, la filmer et la mettre en valeur. Il la croyait capable d’exprimer quelque chose qui lui était propre. Il en était capable aussi. Ils partageaient cette force et cet élan, une grâce visible et communicative, une distinction, une originalité, une puissance. Ce n’était pas donné à tout le monde. Ils étaient spéciaux, deux bêtes bouillonnantes contenant avec peine leur besoin d’expression. Et s’exprimant, envers et contre tout!

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11 juin 2018 1 11 /06 /juin /2018 15:36

Brian, une nuit, se mit à danser. Ces derniers temps, quand il dansait, ses mouvements étaient trop stéréotypés. Ca ressemblait à du taiso, de la gymnastique martiale dansée, avec à peu près toujours les mêmes déplacements, exercices et séquences. La danse devenait un enchaînement de techniques obligées, et il sacrifiait le plaisir à la quête de la performance. Cette nuit là, il chercha d’autres sensations et retrouva le plaisir de danser, et même, état devenu rare, il parvint à la transe, pur moment de libération de l’esprit et de joie. Or, dans ces instants, lui était révélé des intuitions. Il comprit qu’il devait se détacher vraiment de Clara. Ce serait dur. Il savait qu’ils avaient quelque chose qui les rapprochait, peut-être plus qu’un attrait sexuel, une alchimie intellectuelle et spirituelle. Mais elle n’en avait pas eue une claire conscience. Et ce qui le peinait, c’est qu’elle n’avait pas simplement refusé l’amour, ou l’amitié, mais la possibilité même d’une amitié, quand tout y invitait. Il dérivait donc, et se perdait dans son rêve à elle. Il ne créait plus son propre rêve, n’était plus son propre centre. Et il devenait une sorte de Don Brian, Le Corsaire de Saint-Malo et et elle, sa Dulcinée Clara Ka de Korea. Après tout, comme Don Quichotte, il était un chevalier errant, quêtant l’aventure et remédiant à l’injustice. Mais suffit. Il fallait justement sortir de ce délire. Il ne pouvait forcer le destin. Il se reprendrait en se détachant des projets et créations, néanmoins passionnants, de Clara. C’était difficile car tout lui rappelait cette femme. Une fleur, un tableau, la danse, un thème. Et quand il croyait l’oublier un temps, elle se rappelait à lui de façon inattendue. Ainsi, après une bonne conversation avec une amie Russe, qui l’invita pour une soirée d’échange franco-russe autour de la « Dame de Pique » de Pouchkine, il marchait, léger, vers le lieu d’une performance littéraire où serait affiché son portrait agrandi avec un livre de son choix, en l’occurrence Martin Eden. Et là, il tomba sur la photo de Clara, d’1mètre sur 80 cm à peu près, tenant dans ses mains un livre de poésie. Il ne savait pas qu’elle participait à cette aventure et ce portrait le relanca en pleines ruminations et mélancolies, en plein délire d’amour. Il avait dû boire un élixir, ou subir un enchantement outrepassant ses forces et sa raison. Il lui fallait trouver un magicien pour rompre le sort. Car elle n’était pas enchantée, elle, mais très désenchantée, telle la belle Marcelle quant au désespoir de Chrysostome. Elle n’y pouvait rien. Et lui non plus. Le cœur a ses raisons… Et pourtant, il n’y eut jamais sur la Terre plus vaillant chevalier que Don Brian Le Corsaire de Saint-Malo pour servir sa Dulcinée la très noble et éminente Clara Ka de Korea, et l’établir Reine en son Royaume.

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8 juin 2018 5 08 /06 /juin /2018 21:15

Brian s’étonnait également que la perte du sexe, ne plus bander, ne préoccupait par ces baroudeurs. Ils étaient à ce point détachés de leurs corps que la mort qui le supprimait ne les effrayait pas, même pour çà. Brian, lui, tenait à ses capacités, intellectuelles, physiques, sexuelles, dont il lui faudrait bien accepter l’amoindrissement et la disparition un jour.

 Le point de vue de Franceschi sur les Stoïciens était intéressant. Il louait les mérites des Grecs, dont Zénon, mais n’adhérait que peu aux Romains, Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle, essentiellement préoccupés par la mort. Or, que pouvons-nous en dire ? Les sages chinois écrivent parfois qu’il n’y a rien d’important comme le dévoilement des décrets du Ciel, et parfois qu’on ne doit pas s’en préoccuper parce qu’on n’en peut rien savoir. Montaigne prétend parfois qu’il faut toujours avoir une pensée pour la Mort, et d’autres fois, que c’est peut-être une  erreur, comme Spinoza par la suite pour qui l’homme libre ne pense rien moins qu’à la mort, et que finalement il faudrait ne jamais y songer, Les « Pensées » de Marc-Aurèle donnent l’impression d’un type s’efforçant de s’autopersuader avec des maximes auxquels il ne croyait pas. Mishima intéressait davantage Brian. Au moins était-il crédible. Se suicider jeune et offrir à la mort un corps beau et affuté, avant de décliner ! La première impression de Brian quant aux samouraïs, remontant aux alentours de ses dix/onze ans, avait trait  à un guerrier en armure tiré d’un film de Kurosawa, vu dans Okapi magazine. Un mec impressionnant.

Il y avait aussi l’image, dans un livre illustré, d’un samouraï, avec la légende « ils se battent jusqu’à la mort ». Dans son esprit d’enfant, il avait compris que, même mort, le samouraï, pendant un court moment, se battait encore. Putain, quels guerriers que des types qui continuent de se battre une fois mort. Mystère ! Ca l’intriguait.

 Longtemps après il y avait eu la lecture de Yoshitaka « La Pierre et le sabre », un peu l’équivalent Japonais et contemporain d’ « Au bord de l’eau » mais moins encombré par la fréquence lassante des combats.. Et puis, bien sûr, Mishima. Combien l’avait stimulé « Le Soleil et l’acier » ! Un des seuls livres, avec « Le loup des mers », auxquels il revenait régulièrement. Tous ces truands et autres membres de gangs qui se prennent pour des durs en prison, ne sont au fond que des lopettes. On leur dit de baisser leur froc, et ils obéissent, on leur fouille le cul et ils acceptent, penchés en avant, cette soumission. La plupart des aristocrates, français, allemands, anglais ou espagnols, comme les samouraïs, seraient morts au combat plutôt que déchoir de cette façon. Et si les yakusas actuels vont en prison, c’est un peu dans leur fonction, mais beaucoup de descencants de samouraïs préfèreraient encore le suicide à cette déchéance. Ce sont d’authentiques guerriers. De même, entre la mort et l’esclavage par le travail, il est plus noble, plus vertueux, plus digne de préférer s’ouvrir le ventre. La liberté au risque de la mort plus que l’asservissement, attitude partagée aussi bien par les aristocrates français que les samouraïs ou les vagabonds chinois ! Une fois la lame bien plantée, enfoncée, c’est mieux, l’espace des quelques moments encore à vivre, de ne pas regretter le geste et la vie, bien sûr. Drôle d’effet, les tripes à l’air, que de se désoler de cet acte. Mais c’est trop tard pas vrai !

 

Plus Brian lisait François Roustang, plus il se disait que ce type avait une force, une compréhension, un équilibre que peu de thérapeutes partageaient. Même Irvin Yalom lui semblait moins structuré, moins « assis ». Et Alice Miller lui semblait moins sereine également.

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